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La luxure selon Bosch

Il était fasciné par la dialectique du bien et du mal, excellait dans la peinture de personnages diaboliques et savait façonner des atmosphères qui suintaient l’angoisse…

Il était fasciné par la dialectique du bien et du mal, excellait dans la peinture de personnages diaboliques et savait façonner des atmosphères qui suintaient l’angoisse : Jérôme Bosch, peintre emblématique de l’imaginaire médiéval, n’a rien perdu de son actualité en ces temps de manichéisme glorifié. Le succès de l’exposition qui lui est consacrée au musée Boijmans Van Beuningen, à Rotterdam, en témoigne : il y a foule pour admirer les 18 panneaux présentés. Une foule néanmoins frustrée par l’absence du Jardin des délices et du Jugement dernier, les deux plus célèbres toiles de Jérôme Bosch, dont l’état de conservation ne permettait pas le déplacement jusqu’à Rotterdam.

Les portes de l’enfer

Sur internet, c’est différent ! L’épatant site consacré à Jérôme Bosch par le musée Boijmans Van Beuningen ( www.boschuniverse.org, en anglais) propose l’?”uvre complète du peintre : 25 tableaux et 8 dessins, étalés sur la période 1480-1525. D’un clic nous sommes plongés dans la noirceur du Jugement dernier (cliquer sur “his works”, puis “triptychs”, puis “The Last Judgment”), sans doute l’?”uvre la plus angoissante de Bosch. Grisaille, terreur, chaos, où se démène une cohorte de démons, infligeant des tortures aux impies, avant de les précipiter dans les flammes de l’enfer. Terrifiant !On est loin de l’univers sensuel, unique dans l’?”uvre de Bosch, présenté dans le Jardin des délices, l’autre triptyque incontournable de Bosch. Un triptyque qui, c’est un leitmotiv chez l’artiste, conte le déclin de notre civilisation, de la faute originelle (panneau de gauche) à l’enfer (panneau de droite), en passant par l’étape intermédiaire de la déchéance d’une humanité tout entière gagnée par le vice (panneau central). Ah, ce panneau central ! Sur le site www.boschuniverse.org (“his works”, puis “triptychs”, puis “The Garden of Earthly Delights”), on peut zoomer sur des détails de cette pure merveille d’érotisme. Surtout, ne pas s’en priver ! Bosch multiplie les niveaux de lecture et récompense l’ardent observateur de trouvailles fort surprenantes. Ainsi découvre-t-on (avec une loupe ) un joyeux drille qui enfonce des fleurs dans le derrière de son compagnon !Le Jardin des délices décrit “le plaisir des sens et tout particulièrement le péché mortel qu’est la sexualité”, explique Walter Bosing sur http://bosch.citeweb.net/jardin.html, un site qui commente par le menu six des plus importantes ?”uvres de Bosch. Patatras ! Ce qui, à nos yeux d’héritiers de la révolution sexuelle, apparaît comme une sorte d’âge d’or serait donc l’antichambre de la géhenne, la suprême transgression.

Un maître pour Dali

À voir le zèle et l’audace que Bosch a mis à peindre ces “débauchés”, on se demande si l’artiste y croit vraiment. Dali a préféré croire au double langage de Bosch : www.boschuniverse.org (cliquer sur “his influence”, puis “followers”) nous apprend que le peintre andalou a repris un fragment du panneau central du Jardin des délices dans une de ses peintures intitulée…El gran masturbator !Jérôme Bosch, musée Boijmans Van Beuningen, Rotterdam, jusqu’au 11 novembre.

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Sophie Janvier-Godat