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La logistique fait rentrer Amazon dans le rang

Champion historique de la vente sur internet, Amazon se coule, contraint et forcé, dans le moule de l'”ancienne économie”.

Après cinq années d’une folle chevauchée, Amazon est obligé se réorganiser. Historiquement libraire, la start up créée en 1995 a multiplié ses produits et vend maintenant de tout : de la casserole à la Porsche. La société créée par Jeff Bezos est confrontée aux mêmes problèmes de logistique que les distributeurs classiques de l'”ancienne économie”, internationalisation en plus. Pour tenter de les résoudre, il s’est associé cet été à un distributeur “classique”, Toys “R” Us, numéro un mondial du jouet. Après avoir longtemps clamé qu’internet serait un modèle de distribution d’un nouveau genre, gommant les problèmes classiques de gestion des stocks et d’approvisionnement, c’est une volte-face.
Plombé par ses dettes exorbitantes, affaibli par le départ de son directeur des opérations et épinglé par les analystes financiers, bêtes noires de l'”ancienne économie”, Amazon s’est réfugié sous l’aile d’un distributeur du monde réel. L’ironie est de taille.

Une expansion qui est menée tous azimuts

Jusqu’alors, Amazon mettait un point d’honneur à rester maître du jeu, se limitant à des rachats ou à des prises de participation dans des sites web, tels que Drugstore. com ou Pets. com. Il faut croire que le modèle n’était pas suffisant. Et après l’alliance avec Toys “R” Us, Jeff Bezos pourrait récidiver sur le marché de l’électroménager. Comment en est-il arrivé là ?
Amazon paye d’abord le tribut d’une expansion menée tous azimuts. Dans les faits, celle-ci ne remonte réellement qu’au début de l’année 1999. C’est, en effet, à ce moment précis qu’Amazon donne le véritable coup d’accélérateur, rajoutant à son catalogue américain des produits d’électroménager bruns, des outils de bricolage, des logiciels, des jeux vidéo, et des jouets. Lesquels subissent des cycles de vente autrement plus imprévisibles que ceux du livre et du disque. Ont suivi des catalogues d’ameublement et, dernièrement, de voitures. Soit, en tout, près de vingt millions d’articles vendus en ligne ! Par contraste, Amazon avait, jusqu’en fin 1998, concentré quasi exclusivement son tir sur un marché du livre américain réputé sclérosé. Un secteur d’activité sur lequel la société se déclare d’ailleurs rentable.

Amazon a dû doubler le nombre de ses entrepôts

Sans surprise, le décrochage brutal opéré début 1999 avec l’ouverture à la vente d’une multitude de produits différents a grevé ses inventaires. Car, face à des revenus en constante hausse, le taux de rotation de ses stocks a, de son côté, été divisé par six depuis 1997, selon une analyse de Lehman Brothers. Preuve, s’il en faut, d’un problème inhérent aux difficultés de gestion du fonds des produits. Parallèlement, Amazon a dû doubler ses entrepôts – aujourd’hui, au nombre de dix. Aux Etats-Unis, ils occupent une superficie de plus de 400 000 mètres carrés, auxquels il faut ajouter 115 000 mètres carrés pour les filiales allemande et britannique. En revanche, la toute nouvelle filiale française n’exploite encore que 10 000 mètres carrés à Orléans, selon son directeur général, Denis Terrien. Ce dernier se refuse, pour l’instant, à s’avancer sur le nombre d’articles stockés, préférant jouer la carte de la prudence face au décollage toujours timoré du commerce électronique en France.
Amazon fait aussi les frais d’un système d’information bâti sur des applications propriétaires. “L’ensemble de nos systèmes, qu’il s’agisse de gestion de la relation client, de paiement ou de logistique, a été développé en interne. C’est notre force, et cela nous donne une longueur d’avance sur nos concurrents”, estime Denis Terrien. Mais si Amazon est, par exemple, en mesure d’offrir à ses clients un étalement et une notification des livraisons en amont de la commande, il n’a pas réussi à optimiser sa chaîne d’approvisionnement en aval. D’où l’adoption récente d’un progiciel classique dans la distribution : Networks Strategy et Transport, de Manugistics. L’objectif étant aussi de réduire les coûts de transport. Un véritable défi, puisque Amazon n’a pas de zone de chalandise déterminée. “Son marché est le monde”, insiste Jean-Claude Walvarens, vice-président pour l’Europe du Sud et le Benelux de Manugistics.
L’accord avec Toys “R” Us. com va plus loin. Ainsi, outre ses relations historiques avec les fournisseurs traditionnels du jouet, Toys “R” Us. com apporte à Amazon son système de gestion des commandes basé sur Demand et Fulfillment, d’I2 Technologies, partie intégrante de la place de marché Trade Matrix. “Il s’agit de synchroniser les commandes placées simultanément auprès de multiples fournisseurs, explique Olivier Faugère, directeur marketing chez I2 France. Si le produit réclamé par le cyberconsommateur est indisponible, il faut pouvoir anticiper et proposer une alternative viable en tenant compte des délais de fabrication.”

Sueurs froides pour l’industrie du livre américaine

Jadis, l’épopée Amazon avait déclenché l’espoir d’un grand bouleversement dans le milieu très fermé de la grande distribution. Lancé à l’aube du commerce électronique par un ancien programmeur de Bankers Trust spécialisé dans l’optimisation de produits financiers, Amazon avait donné des sueurs froides à une industrie du livre américaine sclérosée. Pris de court à l’époque, le premier réseau de libraires Barnes & Nobles n’a toujours pas pu combler son retard sur Amazon. Et ce malgré le renfort de Bertelsmann, numéro un mondial de l’édition.
Au siège allemand de sa propre filiale Internet Bol, on concède qu’Amazon détient la première place sur les marchés allemand et britannique du livre. En revanche, en France, où c’est la loi qui fixe le prix du livre, la bataille avec la Fnac, Bol et Alapage risque d’être difficile. Avec un chiffre d’affaires qui n’a augmenté que de 1 % sur les deux derniers trimestres, l’exercice 2000 d’Amazon dépend aujourd’hui des ventes de fin d’année. A l’instar des grands distributeurs classiques, avec la rentabilité en moins.

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Samuel Cadogan