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La LEN plonge la presse en ligne dans un climat d’insécurité juridique

Réunis en commission mixte paritaire, les parlementaires trouvent un accord sur la LEN notamment à propos de la surveillance du Web par les FAI et les hébergeurs. Et décident d’exclure la presse en ligne du champ d’application de la loi
du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse.

La loi Fontaine (LEN) avait pour objectif de restaurer la confiance dans l’économie numérique. Pour les éditeurs de presse en ligne, c’est manqué ! Réunis en commission mixte paritaire mardi 27 avril, députés et sénateurs
n’ont pas changé une virgule à l’amendement ?” très contesté ?” déposé en seconde lecture au Palais du Luxembourg par le sénateur René Trégouet.Ce texte modifie (certains diront ‘ supprime ‘) les délais de prescription des délits de presse sur Internet. En matière de presse, la loi du 29 juillet 1881 fixe ce délai à trois mois
à compter de la parution de l’article. En revanche, avec l’amendement Trégouet le délai de prescription d’un délit de presse sur Internet ne commence qu’à la date à laquelle le contenu incriminé cesse d’être mis à disposition du public.En pratique, si l’on considère qu’Internet permet techniquement la diffusion d’un contenu de manière illimitée dans le temps, cela revient à supprimer tout délai de prescription sur le Web. Un internaute qui retrouverait fortuitement,
plusieurs années après sa mise en ligne, un texte qu’il jugerait diffamatoire, pourrait ainsi attaquer à tout moment en justice l’éditeur du site incriminé.Le sénateur Trégouet avait lui-même reconnu que son texte était ‘ perfectible ‘ et s’attendait à ce qu’il soit modifié en commission. Il n’en a rien été. ‘ J’ai
pourtant envoyé un mail aux parlementaires concernés
, indique-t-il. Sur ce point le ministre aurait dû intervenir. Mais je pense que nous allons revoir cela dans un prochain texte ‘.

Deux poids, deux mesures au sein de la presse

Présent à la commission mixte paritaire, Bruno Sido, rapporteur de la LEN au Sénat, explique : ‘ Ce texte vise les gens qui ont l’intention de nuire [par des propos à caractère diffamatoire, NDLR]
à autrui et qui se jouent des trois mois de prescription traditionnellement applicables à la presse écrite. Il n’y a pas eu de modifications, car il y a d’un côté un droit de l’Internet et de l’autre un droit de la presse. Pour la presse
écrite, la mémoire s’estompe avec le temps, ce qui n’est pas le cas sur le Net. ‘
Pour sa part, Meryem Marzouki de l’association Iris (Imaginons un réseau Internet solidaire) reconnait que la mise à disponibilité en continu d’information sur Internet, constitue un vrai problème auquel il convient de donner une
réponse équilibrée. ‘ On aurait pu par exemple décider l’extinction de l’action publique ou civile au bout d’une période donnée, tout en laissant ouverte une possibilité permanente de droit de
réponse ‘
, précise-t-elle. ‘ En lieu et place, en intégrant dans la LEN l’amendement Trégouet, les parlementaires introduisent une rupture d’équilibre dans l’application du droit de la presse. On fait deux poids, deux mesures : d’un
côté la presse papier, de l’autre la presse en ligne ‘
, poursuit Meryem Marzouki. Un média aujourd’hui plongé dans une véritable insécurité juridique.

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Philippe Crouzillacq