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La grande mutation des sociétés de semiconducteurs est engrangée

Le classement des sociétés de semiconducteurs par chiffre d’affaires souligne particulièrement bien cette année les lames de fond qui touchent le milieu.

Les classements des sociétés de semiconducteurs publiés récemment montrent clairement que l’informatique s’est bien portée cette année : les chiffres d’affaires d’Intel et AMD vont en effet s’accroître de l’ordre de 15 %. A
peu de chose près, il s’agit là de la croissance du marché du PC en nombre de pièces. Mais ces classements soulignent surtout l’émergence de plusieurs familles de sociétés à destin a priori comparable.Une première famille est celle que l’on pourrait qualifier de sociétés protégées. La spécificité et/ou les performances des produits de ces sociétés leur évitent une concurrence trop difficile. AMD et Intel appartiennent à cette
famille. Avec des nuances. Le classement montre en particulier qu’AMD, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, n’arrive pas à remonter la pente, en termes de parts de marché en dollars, face à Intel. Comme il grignote des parts de marché à son
concurrent en nombre de pièces, cela veut dire qu’il est obligé de faire plus de sacrifices qu’Intel en matière de prix.Doivent aussi être classées dans la catégorie des sociétés à l’abri des grandes tourmentes Texas Instruments, qui a réussi à se rendre incontournable en matière de DSP, et Qualcomm, qui a su se protéger grâce à une enviable palette de
brevets autour du CDMA.Deuxième catégorie de société, les Coréens : cette appartenance nationale n’est pas a priori un critère de réussite, mais comment ne pas remarquer que Samsung va encore croître de bien plus de 10 % cette
année et Hynix de 18 %. Notre seule explication à cette exception nationale est que les Coréens sont particulièrement performants dans ce secteur : la croissance moyenne des 20 premiers du semiconducteur ne sera en effet que de
l’ordre de 7 % cette année. On peut seulement se demander où et quand s’arrêtera cette “exception culturelle”. Si elle doit s’arrêter.Suit dans le classement un gros peloton qui fera sans doute un jour l’objet des rachats/fusions si souvent évoqués. En tête de ce peloton figure le club des 8 Md$. Ce club réunit Toshiba (un peu échappé cette année grâce à une
croissance probable de plus de 10 %), ST, Infineon et Renesas. Toutes ces sociétés font des bénéfices insuffisants ; elles ne peuvent donc plus bien préparer leur avenir sauf à tisser des liens capitalistiques pour augmenter rapidement
leur masse critique.Arrivent ensuite des sociétés au chiffre d’affaires insuffisant pour ne pas les condamner à devenir fabless un jour au l’autre si elles ne se font pas racheter : elles ne peuvent plus en effet songer à
s’offrir, seules, une usine avancée (d’un coût supérieur à 3 Md$). Citons dans cette catégorie Philips Semiconductors, Nec, Freescale et Micron (CA compris entre 5 Md$ et 6 Md$).Apparaissent ensuite des sociétés appartenant à des grands groupes pour lesquels les semiconducteurs restent stratégiques, quoi qu’il arrive (pour l’instant). Figurent dans cette catégorie Sony, Matsushita, Sharp, IBM et Fujitsu (CA
compris entre 3 Md$ et 6 Md$). A part IBM, qui a clairement réorienté ses activités vers la fonderie, on ne peut considérer ces sociétés que comme “multiniches “, pas toujours en mauvaise santé
d’ailleurs (Sony va sans doute accroître son chiffre d’affaires de l’ordre de 15 % cette année ; mais on ne sait pas avec quelle rentabilité).En tout cas, ces sociétés n’ont plus aucune chance de devenir un jour des grandes : elles restent d’abord au service de leur maison mère, ce qui n’exclut pas qu’elles fusionnent un jour avec d’autres, si leur maison mère changeait
leurs critères de rentabilité…Les huit premiers mois de l’année auront été particulièrement difficiles pour les fondeurs, qui ont vu leurs clients déstocker jusqu’en juillet ; leurs clients fabricants de semiconducteurs leur ont ainsi passé commandes
a minima. Les fondeurs prennent toute-fois leur revanche en cette fin d’année car toutes les usines avancées dans le monde sont saturées et ces mêmes clients fabricants sont maintenant bien contents de pouvoir sous-traiter ce
qu’ils ne peuvent plus faire eux-mêmes.Le leader, TSMC, va ainsi réussir à croître, malgré un mauvais premier semestre, de 7 % cette année. Mais cette croissance risque d’exploser l’an prochain lorsque le contexte sera à nouveau favorable aux fondeurs. Notons tout de
même que, là encore, seules les plus grosses sociétés tirent leur épingle du jeu.En l’occurrence, seul TSMC n’a vraiment plus à s’inquiéter des cycles tant que ces derniers resteront d’une amplitude raisonnable. UMC se portera bien en 2006 du fait de la reprise mais il sera obligatoirement à nouveau fragilisé lors
du prochain retournement.Sera-t-il alors racheté par un Chinois ? Notons le cas spécial d’IBM, qui ne se comporte pas toujours comme un fondeur traditionnel : il peut aussi apporter des savoir-faire circuits, par exemple avec le processeur Cell, et
certaines de ses lignes de production extrêmement avancées peuvent parfois lui donner un avantage décisif.* Rédacteur en chef d’ Electronique InternationalProchaine chronique jeudi 23 février

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Jean-Pierre Della Mussia*