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La grande muette

L’industrie informatique est probablement la seule où les clients se contentent de ce qu’on leur vend. Sans broncher.

Quelle est la différence entre une entreprise flouée par l’industrie informatique et un consommateur trompé par l’industrie bovine ? Aucune. Dans le premier cas, il y a atteinte à l’intégrité de l’entreprise pour cause de logiciel poreux. Dans le second, il s’agit d’une atteinte à l’intégrité physique de la personne pour cause de viande spongieuse.Sauf que, en cas de vache folle, on fait un maximum de barouf et on décime des troupeaux. En cas de logiciel, prestation ou contrat extravagants… on se tait et on garde ses logiciels troués de miséreux pour soi.Entendez-vous la rumeur des responsables informatiques mécontents ? Ecoutez bien… Mieux que ça ! On n’entend rien. Sauf des reproches en coulisses, adressés à la presse ?” sans droit de citation, évidemment ?”, chuchotés dans certains cercles privés.Pourquoi donc n’a-t-on pas intérêt à ” rapporter ” ?
Par instinct protecteur ? Le fournisseur est trop petit et lui faire une mauvaise publicité peut le couler, bloquer toute évolution de son produit et de tous les services associés.
Par réflexe de conservation ? Le fournisseur est trop gros et là, on a peur de subir ses foudres.
Par gêne pour les inconscients qui ont encore une morale ? Par calcul personnel ? On a fait un mauvais choix, il n’est pas question d’avouer cela à quiconque ?” et surtout pas à la direction générale qui n’attend que ça. Finalement, tout se résume à un simple constat de fatalité inébranlable : on a déjà eu assez d’ennuis et on souhaite que le vent retombe.Et le vent retombe. L’histoire sans fin recommence, ailleurs.Pour sortir du cercle vicieux (je ne comprends pas mon contrat ; j’achète ; j’ai des problèmes ; mon fournisseur s’en f… ; je me tais ; rien ne change ; je ne comprends toujours pas mon contrat ; etc.), une seule solution : la délation ! Sans elle, pas d’affaire BNF-Cap Gemini. Sans elle, pas de mise au point sur les tarifications d’Oracle. Sans elle, pas d’études de cas sur les restructurations imposées par les gros progiciels de gestions intégrés. Mais il ne s’agit là que d’événements saillants, ridicules, comparés à tous ces problèmes, volés çà et là au hasard d’une discussion.Qu’en disent les premiers concernés ? ” A écouter les fournisseurs, à lire la presse, à assister à des démonstrations, nous sommes sans cesse confrontés à une fausse impression de facilité. “
Puis : ” On ne parle pas assez de nos problèmes quotidiens. ” Ou encore : ” Lorsqu’on est sur un projet, on est tout seul avec son expérience. ” Et enfin, dans un soupir : ” Si on avait de quoi s’informer avant de faire n’importe quoi… ” Encore faut-il accepter d’échanger ses expériences, bonnes ou mauvaises.Qu’il s’agisse de vache folle, de marée noire, de pneus déformés, ou de produits informatiques multipacks, se laisser marcher dessus par son fournisseur est maintenant complètement rétrograde. L’impertinence gagne aujourd’hui le devant de la scène, en passant par la case Web. Les sites contestataires fleurissent. Sauf dans lindustrie informatique, la grande muette.Prochaine chronique le lundi 18 décembre

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Philippe Billard