Passer au contenu

La grande bataille de l’UMTS

Le système de téléphonie mobile de troisième génération fait beaucoup parler de lui. Pourquoi est-il considéré comme un enjeu majeur par les opérateurs ? A quoi cette nouvelle technologie servira-t-elle ? Quand sera-t-elle opérationnelle ? Micro Hebdo décrypte pour vous la norme des mobiles du futur et ses colossaux enjeux.

Dite de troisième génération, la norme de téléphonie mobile UMTS (Universal Mobile Telecommunications System) devrait faire son apparition au début de l’année 2003. Suppléante de l’actuelle norme GSM et de sa remplaçante GPRS (lire l’encadré page ci-contre), elle offrira des débits pouvant aller jusqu’à 2 Mbits/s à condition d’être immobile, soit près de 200 fois plus qu’avec le GSM, limité à 9,6 kbits/s. Il faut cependant se garder de tout optimisme démesuré, puisque, dans un premier temps, les débits proposés ne devraient pas excéder 384 kbits/s lorsqu’on est en déplacement (train, voiture, etc. ). Cela représente tout de même sept fois plus que ce qu’il est possible de faire actuellement avec un modem. En conséquence, de nombreuses données pourront transiter par les futurs téléphones portables, notamment les images et les vidéos en provenance d’Internet et de la télévision.

Un ticket d’entrée élevé…

Plus besoin de créer un langage spécifique comme le Wap ; il sera enfin possible de voir directement les sites Internet comme avec un micro, et les échanges de données se feront plus facilement et, surtout, beaucoup plus rapidement.
Déjà, les opérateurs prennent position pour préparer la mise en place de ce nouveau réseau. En France, quatre licences seront attribuées. Elles devraient revenir aux trois possesseurs d’une licence GSM (Itinéris, SFR et Bouygues Télécom) ainsi qu’à un nouvel entrant, étranger ou français (on pense en particulier à Suez-Lyonnaise des eaux).
Laurent Fabius, ministre de l’Economie et des Finances, a finalement tranché : les licences seront attribuées selon le mode de la soumission comparative, c’est-à-dire, plus simplement, sur dossier… mais moyennant finances. Pour chacune des quatre licences mises en jeu, le ticket d’entrée a été fixé à 32,5 milliards de francs, ce qui représente au total une cagnotte de 130 milliards de francs pour l’Etat, somme qui devrait être consacrée notamment au financement des retraites.
Bien que cette solution épargne relativement les opérateurs, qui auraient sans doute été obligés de dépenser encore plus si la méthode retenue avait été celle des enchères, comme en Allemagne ou en Grande-Bretagne, ils sont tout de même montés au créneau pour faire savoir qu’ils trouvaient ce coût déraisonnable. Pourtant, tous sont déjà en train de se réorganiser pour trouver les moyens d’investir. France Télécom (Itinéris) compte utiliser les dividendes de la mise en Bourse de sa nouvelle filiale New Orange, Vivendi (SFR), ceux de la cession de ses parts dans le bouquet de télévision par satellite BskyB, et Bouygues Télécom lancera bientôt une vaste augmentation de capital.
Les opérateurs français se démènent aussi à l’étranger. Ainsi, France Télécom, via sa filiale Orange, titulaire d’un précieux sésame en Grande-Bretagne, est aussi candidat à une licence en Allemagne. Pour rien au monde les opérateurs ne manqueraient la grande bataille de l’UMTS ; preuve qu’ils voient dans le futur mobile une source de profits considérable.
Même si l’UMTS ouvre tout Internet au mobile, la taille réduite de l’écran d’un téléphone favorise avant tout l’accès aux services pratiques et de commerce électronique (baptisés m-Business).

… mais des profits à la hauteur

Les banques se préparent déjà à proposer des services à distance, tout comme les voyagistes (réservation de billets de train, d’avion ou d’hôtel), sans oublier tous les services pratiques, de l’information (journaux électroniques) à la météo, en passant par les plans des villes ou les guides de spectacles (avec, bien sûr, possibilité de réservation et d’achat en ligne). Les opérateurs comptent bien percevoir des commissions sur les transactions effectuées et toucher leur part sur toutes les publicités qui appara”tront.

Des portails pour supports mobiles

De plus, la plupart d’entre eux se diversifient pour devenir en même temps producteurs de contenus. Vivendi, par exemple, vient de racheter Universal et propose déjà Vizzavi, un site portail pour tous les appareils mobiles. Effet escompté par les opérateurs : que leurs abonnés, passant par leur réseau, se connectent via le téléphone mobile au site portail et consomment en priorité leurs services… qui pourront être payés directement sur la facture de téléphone !
Et comme les communications devraient être facturées non plus à la durée, mais au volume de données échangées, tous comptent aussi tirer une partie de leurs revenus du transfert de données effectué par les entreprises.
Malheureusement, le déploiement de ces réseaux ne se fera pas sans difficultés. Contrairement au GPRS, qui ne demandera qu’une adaptation des relais GSM, il faudra déployer pour l’UMTS des équipements spécifiques sur tout le territoire. Un coût important à ajouter à celui du ticket d’entrée. Dans un premier temps, seules les grandes agglomérations devraient donc en bénéficier. De plus, le déploiement de ce réseau est régi par des impératifs techniques et d’aménagement du territoire. La norme UMTS devant être utilisée dans le monde entier, tous les pays doivent lui allouer la même bande de fréquences. Ceci nécessite parfois une réaffectation des fréquences, certaines étant déjà occupées, notamment par l’armée.
En France, si seulement quatre opérateurs peuvent être sélectionnés dans un premier temps, c’est parce que seule une bande de fréquences large de 80 MHz (entre 1 920 et 2 170 MHz) peut leur être allouée, et qu’il faut deux fois 5 MHz pour faire fonctionner la technologie UMTS. Réglementé par l’Union européenne, le déploiement rapide de la technologie UMTS permettra à l’Europe de conserver l’avance qu’elle détient sur les Etats-Unis, plutôt concentrés sur le GPRS.
Les opérateurs européens seront donc en première ligne, surtout s’ils s’allient pour aller conquérir de nouveaux marchés… et de nouveaux abonnés.
Mais de nombreuses questions restent en suspens. Quels seront les sites ou les services entièrement dédiés à la technologie UMTS ? Qui les fabriquera ? Que faire de son vieux GSM ? Pour l’instant, personne ne semble pouvoir y répondre.

Plus grands et plus lourds

Seule certitude : les nouveaux téléphones seront toujours compatibles avec la norme GSM pour recevoir des appels.
Et, vraisemblablement, la tendance à la miniaturisation à outrance va s’inverser. Quel intérêt y a-t-il, en effet, à regarder des vidéos sur son portable s’il ne comporte qu’un écran noir et blanc de 4 cm de côté ?
Si certains prototypes semblent tout petits, il ne faut pas attendre des premiers modèles qu’ils tiennent facilement dans une poche ou dans un petit sac à main… ni qu’ils se distinguent par leur légèreté. Car l’ajout d’un écran plus grand et en couleur, donc plus gourmand en énergie, pose forcément un épineux problème d’alimentation énergétique. Et malgré les progrès effectués, il faut s’attendre à des batteries plus grosses et plus lourdes, de même qu’à… une perte d’autonomie !
De toute façon, le développement de l’UMTS ne se fera pas en un jour, et c’est seulement aux alentours de 2005-2006 que ce réseau sera pleinement opérationnel

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Emmanuel Genty