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La future loi antispam rend nerveux le monde du marketing direct

En voulant lutter contre le spam, la loi sur l’économie numérique crée un halo d’incertitudes en matière de prospection commerciale par mail. Le texte revient à l’Assemblée nationale début décembre.

La loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN) refait parler d’elle. Présentée en janvier par Nicole Fontaine, ministre déléguée à l’Industrie, adoptée en première
lecture par l’Assemblée nationale en février, retouchée par le Sénat, elle arrivera pour une deuxième lecture au Palais-Bourbon le 11 ou le 12 décembre.L’occasion pour le monde du marketing direct de faire à nouveau entendre sa voix. Les ambitions de la loi d’endiguer le spam, à l’article 12, inquiètent. Tout le monde est pourtant d’accord pour lutter contre les e-mails non
sollicités, ne serait-ce que parce qu’ils décrédibilisent la prospection commerciale directe. Mais la plupart des professionnels pointent les manques et les imprécisions du texte.‘ A terme, il y aura beaucoup d’euros à faire en expliquant aux entreprises la loi, qui est incompréhensible ‘, ironise Etienne Drouard, avocat du cabinet Gide Loyrette Nouel intervenant
lors d’un forum consacré au spam, lundi matin, dans une annexe de l’Assemblée nationale. En France, rappelle l’avocat, ‘ collecter une adresse sans le consentement de la personne, ou sans au moins la prévenir, c’est déjà
illégal ‘
. Le code pénal prévoit cinq ans de prison et trois millions de francs d’amendes.

Des questions sans réponse

Or la LEN, en introduisant certaines dérogations, soulève des questions, pour l’heure sans réponse. Notamment avec l’autorisation de la récupération d’adresses e-mail ‘ à l’occasion d’une vente ou d’une
prestation de services, si la prospection directe concerne des produits ou services fournis par la même personne physique ou morale ‘
. Sauf que, quand deux sociétés fusionnent, elles s’échangent leurs fichiers marketing.
L’internaute peut se retrouver sollicité par une entreprise à qui il n’a jamais eu affaire…Françoise Renaud, directrice marketing et nouvelles technologies de l’Union des annonceurs, souligne que le milieu du marketing direct a adopté en 2000 un code de déontologie. Ce texte ne reprend pas les termes précis
d’opt-in et d’opt-out, renvoyant à trop d’interprétations pratiques différentes selon les acteurs, mais privilégie la notion générique de consentement préalable. Un bon point pour la LEN, qui a suivi cette
voie.Mais qui crée une inconnue : une phase transitoire sera-t-elle prévue lors de l’entrée en application du texte ? Car s’il faut obtenir le consentement préalable des internautes, il s’agit de laisser le temps aux professionnels
du marketing de s’assurer que tous ceux dont le nom figure déjà dans les fichiers y consentent toujours.

La profession va demander des amendements

Sans ce genre de phase tampon, les sociétés de marketing direct risquent d’anticiper l’entrée en vigueur de la loi et de contacter, toutes en même temps et dans la précipitation, les internautes. Pratiquant ainsi le spam… pour
respecter les dispositions contre le spam.Mais Marc Lolivier, délégué général de la Fédération des entreprises de vente à distance (Fevad), va plus loin. ‘ La demande de consentement aux internautes par les entreprises faisant du marketing direct est
contestable. Juridiquement, parce qu’elle introduit de la rétroactivité. Ensuite, parce qu’elle pénalise les entreprises vertueuses qui ont constitué leurs fichiers légalement. ‘
La Fevad compte donc demander un amendement
sur la question.Elle ne sera en tout cas pas la seule, puisque que l’Association française des fournisseurs d’accès à Internet (AFA) prévoit, elle aussi, de réclamer son bout de texte. L’association voudrait que la loi autorise les fournisseurs d’accès
à agir contre les spammeurs pour le compte de leurs abonnés. ‘ Cela ne veut pas dire que les FAI agiront systématiquement, précise Stéphane Marcovitch, délégué permanent de l’association, mais si notre proposition est reprise,
ils
pourront mettre en ?”uvre les moyens nécessaires. ‘
La loi n’est pas encore revenue dans lHémicycle, mais les débats sont en tout cas déjà bien entamés.

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Arnaud Devillard