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La France va passer le pas du numérique hertzien

Le CSA lancera le 24 juillet son appel à candidatures pour la télévision numérique terrestre. Au programme : une trentaine de chaînes et un zeste d’interactivité, mais juste pour 50 % de la population, au départ.

Finie la télévision de papa ? Le 24 juillet, le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) devrait lancer les appels à candidature pour les futures fréquences de télévision numérique terrestre (TNT). Attendue pour Noël 2002, la ” TNT ” devrait mériter son surnom en faisant ” exploser ” l’offre télévisuelle disponible pour les quelque 17 millions de foyers hexagonaux (80 % des téléspectateurs français), rétifs au câble et au satellite, qui ne recevaient jusque-là que les grandes chaînes généralistes par voie hertzienne.

Six chaînes par canal

Monsieur tout le monde pourra accéder à une trentaine de chaînes thématiques supplémentaires, “dont une quinzaine seront gratuites“, avance-t-on au CSA, et ce via sa bonne vieille antenne ” râteau “… Seule contrainte pour le particulier, il devra se doter d’un décodeur numérique, qui devrait lui coûter 305 euros (2 000 francs). Mais en contrepartie, la compression du signal permettra de diffuser par la TNT jusqu’à six chaînes (au lieu d’une) sur un même canal. Autre avantage, les programmes seront diffusés en numérique avec une grande qualité sonore (stéréo) et visuelle. Enfin, le téléspectateur pourra accéder à un zeste de services interactifs (guide de programmes, messagerie, téléachat, etc.).” Le grand chantier de la TNT va jeter les bases d’une télévision plus démocratique, puisque la loi prévoit d’étendre la diffusion numérique à tous les foyers à l’horizon 2010. Reste à s’entendre entre acteurs aux intérêts souvent divergents “, prévient Jean Mino, directeur en charge du projet chez France Télévision. Le problème numéro 1 du CSA sera de gérer la pénurie de fréquences disponibles. Dans un premier temps, la TNT ne couvrira que 50 % des foyers. Le Conseil prévoit d’attribuer six ” multiplexes ” permettant chacun de diffuser cinq à six chaînes. “Le nombre définitif de chaînes disponibles par multiplexe sera évidemment fixé d’ici l’appel à candidatures “, indique-t-on au CSA. Le service public sera bien loti : France 2, France 3, La Cinquième, Arte et la Chaîne Parlementaire disposeront d’un ” droit de priorité ” pour diffuser leurs chaînes gratuites. Les télés publiques sont assurées d’obtenir huit chaînes, car France Télévision lancera trois nouveaux programmes grâce à un budget spécifique de 152,5 millions d’euros : “Une chaîne info, une chaîne de découverte familiale et culturelle et une grande chaîne régionale avec huit décrochages régionaux, le tout couvrant nos grandes missions de service public“, détaille Jean Mino.

Un gâteau de 3,7 milliards

Reste à attribuer une vingtaine de chaînes aux opérateurs privés : vieux routiers comme TF1 et M6 ; acteurs sur le retour comme Lagardère ou Pathé ; seconds rôles affamés comme AB Productions ; nouveaux entrants venus du monde la presse ou du milieu associatif… Tous sont a priori partants.D’abord parce que les autorisations d’émettre seront délivrées pour 10 ans. Ensuite parce que l’avènement de la TNT risque de modifier la répartition d’un gâteau publicitaire télévisuel estimé à 3,7 milliards d’euros. Très discrets sur leurs projets, TF1 et M6 devraient réclamer chacun le maximum (cinq chaînes) pour elles mêmes et décliner leurs chaînes thématiques (LCI, TV Breizh, Eurosport, M6 Musique, Fun TV, etc.), sans oublier leur filiale commune TF6. Canal Plus cherchera à placer i-Télévision. De son côté, le bouquet satellitaire TPS (TF1, France Télévision, M6, etc.) devrait déposer un dossier pour une chaîne à péage concurrente des programmes de la filiale de Vivendi Universal (cinéma et sport). Très motivé, AB Productions veut lui aussi obtenir cinq chaînes pour caser ses programmes (RTL9, AB1, XXL, etc.), quitte à privilégier le gratuit pour s’attirer les bonnes grâces du CSA : “Pour de nouveaux entrants, la TNT constitue une opportunité historique d’accéder au marché de masse “, s’enthousiasme Grégory Samack, en charge du projet chez AB. Ce dernier est moins enthousiaste en ce qui concerne les services interactifs : “La TNT est une première marche vers l’accès de tous les Français à la société de l’information. Il ne faut pas que cette marche soit trop haute en compliquant l’offre avec une interactivité encore balbutiante“, plaide-t-il.À l’inverse, Lagardère vient de créer une société dédiée à la télévision interactive avec Accenture ?” The Broadway Factory ?” et en fera son fer de lance pour décrocher des canaux pour ses chaînes (MCM, Canal J, Match TV, etc.). Bien vu, car au gouvernement, des voix s’élèvent pour imposer plus d’interactivité aux opérateurs privés, accusés de vouloir réduire la TNT ” à sa plus simple expression “.

Du retard sur le calendrier

Reste que le lancement de ce nouveau mode de diffusion pourrait prendre du retard sur son calendrier idéal. Les câblo-opérateurs, qui ont le plus à craindre de cette nouvelle concurrence, sont sortis du bois à la veille de l’échéance qu’avait fixée le CSA pour recueillir les observations juridiques sur son appel d’offres : l’Avicam (Association des villes pour le câble et le multimédia) a demandé au Conseil “de surseoir au lancement des appels à candidatures“. Arguments avancés : ” aucune assurance n’est donnée ” sur la place réservée aux chaînes locales, et ” aucun essai ” n’a été mené pour mesurer les ” perturbations techniques engendrées par la TNT ” sur la réception par câble. Le magazine spécialisé Ecran Total affirmait récemment que 80 % des antennes parisiennes devraient être modifiées pour permettre la réception numérique hertzienne dans de bonnes conditions…

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Jean-Christophe Féraud et Célia Pénavaire