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La fortune d’Hemera, le cliché quotidien

En 4 ans, la start-up a accumulé 50 000 photos d’objets usuels, et rivalise avec les géants de l’édition numérique.

Vous accumulez les porte-clefs à ne plus savoir qu’en faire ? Vos placards sont remplis de disques vinyle ? Les Pokémon ont envahi la chambre des enfants ? Surtout, ne jetez rien. Car il se pourrait bien qu’un jour vous receviez la visite d’un représentant d’Hemera Technologies… Les objets, tous les objets, voilà le fonds de commerce de cette start-up québécoise lancée à Hull, en banlieue d’Ottawa, il y a quatre ans. Du plus banal au plus recherché, du plus ancien au plus moderne, Hemera s’obstine à les photographier, les uns après les autres. Le but de la man?”uvre ? Bâtir l’une des plus vastes collections de photo-objets pour ordinateurs. Du ” prêt-à-illustrer ” pas cher et libre de droits, recherché par les créateurs de pages web et autres pros de la PAO. Devenue leader mondial de ce type d’images numériques, Hemera vaut désormais 77 millions d’euros (500 millions de francs), et rivalise avec Corbis ou Getty Images, deux géants américains du secteur basés à Seattle, dans le Nord-Ouest.”Le premier objet qu’on a photographié ? Une agrafeuse…” Les trois jeunes fondateurs d’Hemera n’ont rien oublié de leurs débuts. L’idée de départ revient à Marc-Antoine Benglia, l’actuel président, un Français de 32 ans installé au Canada depuis une décennie. “ Un jour, se souvient-il, dans mon ancienne boîte, j’ai voulu illustrer un document interne avec un billet de banque. Il y avait bien les “clip arts” mais je préférais une vraie photo. Cela me paraissait tout bête, mais on m’a dit qu’il était compliqué de séparer, à partir d’une photo, l’objet principal de son arrière-plan. L’idée d’une collection d’objets est partie de là…

Prises de vue en sous-sol

La suite se passe dans le sous-sol de la maison de Marc-Antoine. Avec Simon Grégoire et David Hood, deux compères du secteur high-tech d’Ottawa, il réunit un tas d’objets ordinaires, qu’un photographe se charge d’immortaliser. Les clichés serviront de base de travail à Simon, le technicien de l’équipe, qui leur adjoint un ” masque de transparence “, une technologie permettant une utilisation informatique ultra-simple. “Plus tard, sourit David Hood,on a reçu un courrier d’un client qui disait : “C’est marrant, on dirait que vous avez photographié tout ce qui vous est tombé sous la main.” En lisant ça, on s’est dit qu’il y en avait au moins un qui savait ce qu’on avait fait ! “Avec le temps, la chasse aux objets s’est organisée. Toronto, New York, Paris… Une partie des 70 employés d’Hemera s’affairent désormais à démarcher les musées, les manufacturiers ou toute autre institution qui accepte la présence d’un photographe en son sein. Radio-Canada, la chaîne publique, a déjà joué le jeu. Demain, Vivendi ou Canal plus pourraient se laisser tenter. “Pénétrer ainsi chez les autres, ce n’est pas toujours facile, insistent-ils. Il faut souvent signer un tas de paperasse. Et puis les gens ont parfois l’impression qu’on leur vole une part d’eux-mêmes. “Avec 50 000 images, la collection de photo-objets est un vrai succès technologique, récompensé par de nombreux prix, dont celui du produit de l’année décerné par PC Magazine en 1999. Mais le succès est également marketing. En signant des accords avec Hewlett-Packard ou Yahoo, en distribuant ses produits à travers la chaîne américaine Bestbuy, Hemera a regardé d’emblée vers les États-Unis, où se trouvent aujourd’hui 60 % de ses clients.”Dans les nouvelles technologies, il n’y a pas de secret : soit tu grossis, soit tu es racheté.” Sans hésiter, les trois fondateurs ont opté pour la première solution. L’an dernier, ils ont acquis Graphic Corp, une filiale de Corel, mettant ainsi la main sur la collection d’images haut de gamme du géant canadien. Quant aux investisseurs, ils répondent présents et viennent d’augmenter leur mise de 19 millions deuros. “Une somme pareille, il y a trois ans, on en rêvait…“, avoue Marc-Antoine Benglia, qui prévoit une entrée en bourse en 2003. Et une action, ça se photographie ?

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Denis Guerin