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La foire aux excuses

Les sociétés high-tech s’apprêtent à publier leurs comptes du premier trimestre. Que vont-elles bien pouvoir trouver pour justifier leurs mauvais résultats ?

Les investisseurs sont des gens difficiles : non seulement ils sont versatiles, mais, en plus, ils sont exigeants. Voilà le paradoxe de la communication financière : il est extrêmement difficile de convaincre des gens qui changent tout le temps d’avis.Quand tout va bien, passe encore : on s’autocongratule, on s’autofélicite, on sabre le champagne et c’est reparti pour un trimestre. Mais quand les choses ne se passent pas comme on le voudrait, comment faire avaler la pilule ? Comment dire, sans le dire, que ça va mal ?Depuis plusieurs trimestres, les entreprises du secteur high-tech ont eu l’occasion de s’exercer à ce genre d’exercice. Ne pas se déclarer en premier est l’une des règles fondamentales : on vous montre du doigt et on ne voit que vous. Ensuite, bien entendu, il s’agit de mettre l’accent sur ce qui ne va pas trop mal, ou insister sur les efforts qui ont déjà été faits mais qui ne se voient pas encore, autant d’astuces finalement pas très éloignées de celles qu’on utilise pour convaincre son entourage que cette fois, ce régime, c’est le bon, ou qu’on va bientôt retrouver sa forme de vingt ans.Dire que les choses devraient bientôt s’améliorer est également une façon élégante de sous-entendre qu’elles ne vont pas très bien en ce moment : mieux vaut parler d’un futur souriant que d’un présent qui fâche. Reconnaître ses erreurs passées est une stratégie à double tranchant, et si possible autant s’en abstenir. Mieux vaut avoir un peu moins de panache, ou de droiture, et s’en remettre à une méthode antédiluvienne mais toujours efficace : désigner un bouc émissaire.Une mauvaise passe dans les affaires est en effet rarement de la faute à pas de chance. Il s’agit donc de trouver un coupable suffisamment crédible pour se défausser, suffisamment supérieur pour justifier son impuissance et suffisamment flou pour ne pas avoir l’air de dénoncer ses petits camarades. L’année dernière, quand tout a commencé à aller mal, la conjoncture économique était le grand coupable. Soudain, plus personne n’achetait quoi que ce soit. Comment vendre dans ces conditions ? Puis il a fallu se restructurer et, à la fin du trimestre suivant, la litanie était que cet effort avait mobilisé toute l’entreprise mais que c’était un mal pour un bien, car on allait bientôt voir ce qu’on allait voir. Puis il y a eu le 11 septembre : cette fois le méchant tombait, littéralement, du ciel. Rien ne s’arrangeait pour les entreprises des TMT, mais il faut reconnaître que rien ne venait les aider non plus.Il aura cependant suffi d’un petit frémissement de la Bourse, de l’embellie de quelques indicateurs économiques, du mot ” reprise ” prononcé de-ci de-là, pour que l’on s’attende à ce que les résultats reprennent leur marche en avant. Las, PeopleSoft et IBM, qui avaient été parmi les plus résistants l’année dernière, ont prévenu qu’ils ne fallaient pas s’attendre à des miracles : la vague de conférences, qui se préparent, risque donc d’être à nouveau un théâtre de mines contrites et d’explications embarrassées. Car cette fois, que vont pouvoir arguer les entreprises, hormis, tout simplement, que ça ne s’arrange pas ?Trouveront-elles un nouveau bouc émissaire à désigner ou, sans grande imagination, la ” conjoncture ” sera-t-elle à nouveau le baudet de la fable ? Cette explication est la plus vraisemblable, mais elle risque cependant d’apparaître un peu courte aux analystes et aux investisseurs. A défaut d’éléments tangibles leur permettant enfin de trier les bons élèves des mauvais, ils réclament de quoi calmer leur impatience. Du moins jusquau trimestre suivant.* Rédacteur à 01 Informatique

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Jean-Baptiste Dupin*