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La fin ambigue d’un monopole

Masqué par l’ouverture prochaine à la concurrence des services d’accès aux données xDSL, le vrai dégroupage est encore à construire. Avec de vrais réseaux nationaux alternatifs.

Le 30 juin, le dégroupage tant attendu de la boucle locale devrait devenir une réalité. À cette date, 12 des 33 salles de cohabitation des centraux téléphoniques parisiens seront ouvertes aux sept opérateurs alternatifs nationaux encore en lice, sur les 37 candidats déclarés l’an dernier. Les autres centraux de Paris, ainsi qu’une quinzaine à Marseille, neuf à Lyon, trois à Strasbourg, et une vingtaine en proche banlieue parisienne, suivront d’ici à la fin de l’année. Sur le papier, le dégroupage, associé à l’utilisation des technologies xDSL, est censé libéraliser le marché de l’accès voix-données pour les entreprises et les particuliers. Pour ce faire, les opérateurs alternatifs doivent installer leurs points d’accès xDSL (DSLAM) dans les locaux techniques de France Télécom. Une véritable manne pour l’opérateur historique. Selon les opérateurs alternatifs, il en coûte de 1 à 3 millions de francs par point de présence, sans compter la location de la paire de cuivre jusqu’à l’usager (de 40 à 95 F par mois). “Aucun opérateur n’aura les moyens d’être présent partout à ce niveau “, admet Christophe Roy, directeur de l’interconnexion et de la réglementation chez 9Telecom. Une tendance confirmée par les chiffres : à Paris et en région parisienne, 85 % des lignes principales d’abonnés (LPA) devraient être ouvertes à la concurrence dès août prochain. Pour les dix plus grandes villes de France, cette part chute à 65 %, et à moins de 40 % pour les 20 plus grandes agglomérations. “Pour que le dégroupage soit total, il faudrait que les opérateurs atteignent chacun les douze mille n?”uds de raccordement du réseau de France Télécom, explique Marie-Agnès Dequidt, responsable de la réglementation chez Siris. Avec les coûts actuels, c’est irréalisable en dehors de Paris et des grandes villes.”

La densité du réseau fera la différence entre les opérateurs

Un opérateur doit choisir entre rétrocéder à France Télécom de 40 à 70 % du prix de la minute pour payer les coûts d’interconnexion, et tirer lui-même une fibre optique depuis son point de présence jusqu’à un n?”ud de raccordement de France Télécom, et débourser 75 F en moyenne par mètre installé. “Si le trafic est inférieur à 155 Mbit/s, tirer sa propre fibre n’est pas rentable “, estime Charles Rozemaryn, président de Télécom Développement, filiale commune de Cegetel et de la SNCF. Les opérateurs alternatifs n’ont donc pas le choix. Les services de données sur xDSL ne sont en effet pas le seul – et peut-être même pas le principal – enjeu du dégroupage : à partir du 1er janvier 2002, la réglementation autorisera les opérateurs alternatifs à prendre en charge les communications vocales locales, c’est-à-dire près de 80 % du trafic téléphonique, dès le poste de l’abonné. Pour bénéficier de cette véritable corne d’abondance, les opérateurs alternatifs doivent pouvoir émettre, mais aussi redistribuer l’appel, ce qui signifie être présent là où se prend la décision de commutation de l’appel, au niveau des quelque 800 commutateurs à autonomie d’acheminement (CAA). Ce réseau national très dense, qu’ils ne peuvent construire, la majorité des opérateurs alternatifs nationaux – et demain les opérateurs de boucle locale radio – devront le louer et donc réduire leurs marges. Pour tenter de limiter le phénomène, la course aux CAA a déjà commencée. Les opérateurs alternatifs disent vouloir doubler le nombre de CAA auxquels ils sont connectés d’ici à l’été 2002. Mais les chiffres sont trompeurs. Et beaucoup se limiteront en fait aux très grandes agglomérations (Paris, Lyon, Marseille). Pour le reste, France Télécom n’aura plus affaire qu’à deux concurrents directs. Le plus avancé est incontestablement Cegetel, au travers de sa participation (à 49 %) dans l’opérateur Télécom Développement. Utilisant les infrastructures ferroviaires, le réseau de Télécom Développement relie aujourd’hui 350 CAA en France. Derrière, LDCom, filiale du groupe Louis-Dreyfus, multiplie depuis trois ans les accords avec les Voies Navigables de France, les sociétés d’autoroute et les fournisseurs d’énergie pour faire passer ses fibres optiques le long des canaux, des routes ou des pipelines. Au bout du compte, le dégroupage aboutit à une situation ambigu’ : certains opérateurs alternatifs n’auront de nationaux que le nom et la licence. Les nouvelles relations d’interdépendance qui se dessinent, entre la poignée d’opérateurs disposant de leur propre infrastructure nationale et les autres, réduisent l’espace de concurrence. Et ce n’est pas la faute du monopole historique…























































 Plusieurs options pour le dégroupage 
 Option     Tarif mensuel     Objet 
 Option 1 Accès partagé     6,10 € ht (40 F)     L’opérateur alternatif n’assure que le trafic données de l’abonné et laisse les communications vocales locales à France Télécom. 
         
 Option 2 Accès total     14,50 € ht (95 F)     L’opérateur alternatif prend intégralement en charge les communications voix et données de l’abonné. 
         
 Option 3     32 € ht par ligne (210 F) et 203 € ht (1 330 F) le Mbit/s     C’est le système utilisé aujourd’hui par les opérateurs pour fournir des services ADSL. France Télécom se charge d’acheminer le trafic jusqu’au point de présence du réseau de l’opérateur alternatif. 
 
Les opérateurs alternatifs ont le choix entre trois options pour atteindre l’abonné.





































































































































































 7 opérateurs de réseau restent encore en lice 
     Nombre de CAA* raccordés fin 2001     Nombre de commandes d’emplacement des répartiteurs     Réseau     Chiffre d’affaires France 2000 
 Cegetel (Télécom Développement)     400     51 (Paris, Lyon, Marseille)     14 MAN** ; 12 000 km de fibre optique     33 milliards de francs 
                 
 LDCom Networks     150     Non communiqué     5 MAN ; réseau de fibre optique     Non communiqué 
                 
 Colt     200     20 (Paris)     3 MAN, 4 500 km de fibre optique     940 millions de francs 
                 
 Siris     100     32 (Paris)     3 000 km de fibre optique     1,1 milliard de francs 
                 
 9Telecom     195     63 (Paris, Lyon, Marseille)     4 500 km de fibre optique     Non communiqué 
                 
 Kaptech     100     Non communiqué     45 MAN fin 2001, 5 500 km de fibre optique     265 millions de francs 
                 
 FirstMark     0     85 dans huit villes     Boucle locale radio     Non applicable 
 
Cegetel, grâce à sa filiale commune avec la SNCF, est le mieux placé
Sources : opérateurs et CESMO

*CAA : Commutateur à autonomie d’acheminement

**MAN : Réseau métropolitain (boucle locale)



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Paul Philipon-Dollet et Thomas Pimont