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La défaillance de KPNQwest entraîne ses clients à repenser leur politique télécoms

Confrontées à la disparition de leur opérateur KPNQwest, les entreprises sont contraintes de revoir leur stratégie. Certaines optent sur les opérateurs historiques, mais d’autres misent sur les opérateurs sans réseaux.

La faillite de KPNQwest deviendra, à n’en pas douter, un cas d’école pour bon nombre d’entreprises. Jamais un opérateur de télécoms de ce calibre ?” il revendiquait cent mille clients en Europe et un millier en France ?” n’avait sombré aussi vite. Pour beaucoup, la nouvelle est tombée comme un coup de tonnerre. ” Le rachat d’Ebone (réseau européen de fibre optique ?” NDLR) nous avait rassurés sur leur pérennité “, commente Jean-Marc Fritsch, chef de projet département R&D chez Manutan, spécialiste européen de vente à distance d’équipements industriels et de bureau, et client de réseau privé virtuel IP (VPN) de KPNQwest.Malgré la situation d’urgence, qui les ont contraintes à se tourner vers de nouveaux prestataires ?” le réseau de KPNQwest menaçant de tomber à tout moment ?”, les entreprises que nous avons interrogées ont surtout veillé à ne pas paniquer. D’autant que certaines d’entre elles disposaient déjà de liens de secours. comme l’explique Alexandre Cormier, directeur informatique de l’éditeur SPSS, un client VPN IP : “Nous avions déjà opté pour un réseau redondant ?” à base de DSL, par exemple ?” non pas par méfiance vis-à-vis de tel ou tel fournisseur, mais plutôt pour des raisons technologiques, liées à internet.”

Des offres de secours venues de toute l’Europe

Même les entreprises ne possédant pas une telle redondance ont fait preuve de calme. D’abord parce que le réseau de KPNQwest ne s’est pas arrêté du jour au lendemain ?” ce qui leur a laissé du temps ?” et que la plupart des opérateurs historiques ont assuré qu’ils ne couperaient pas les liaisons louées raccordant les sites des clients au backbone de KPNQwest. Ensuite ?” et surtout ?” parce que la concurrence s’est très vite déclarée prête à prendre la suite.Dès l’annonce de la faillite, les communiqués des opérateurs se sont succédé. Même si certains les ont qualifiés de ” vautours “, les clients, eux, ont apprécié cette mobilisation. “Notre souci était de trouver une solution de rechange dans les plus brefs délais. Or, à cet égard, la réactivité des concurrents de KPNQWest a été foudroyante. Nous n’avons jamais été autant approchés que depuis l’annonce des difficultés de notre opérateur. C’est venu de l’Europe entière, souligne Nicolas Sibon, directeur des opérations réseaux/télécoms d’Alain Mikli, marque internationale d’optique-lunetterie. Nous ne paniquons pas, car les propositions des concurrents prennent en compte l’arrêt éventuel du réseau de KPNQwest.” Beaucoup d’entreprises ont improvisé un réseau de secours en attendant de passer chez un autre fournisseur. C’est le cas de Manutan : “Nous ne nous sommes pas affolés, persuadés que des solutions de rechange existaient. Dans l’immédiat, nous avons bâti des solutions temporaires ?” à base de liens DSL ou RNIS ?”, en cas d’arrêt du réseau de KPNQwest. L’idée est de pouvoir récupérer au minimum les flux provenant de la plate-forme web et EDI centrale du groupe, hébergée à Paris.” Manutan en profitera d’ailleurs pour conserver ce réseau secondaire.

Une situation délicate pour les VPN IP

Pour les opérateurs et les fournisseurs d’accès à internet clients de KPNQwest, le transfert chez un nouvel opérateur de réseaux s’est opéré de façon douce, les uns et les autres étant souvent hébergés dans les mêmes cybercentres. Côté entreprises, les situations sont plus délicates ?” notamment en matière de VPN IP. Le plan d’adressage IP doit être récupéré par le nouvel opérateur, et de nouvelles liaisons louées doivent être déployées : “Concernant les délais de basculement, cela risque de prendre de quatre à six semaines. Le goulet d’étranglement se situera au niveau des opérateurs de boucle locale, qui sont les opérateurs historiques dans tous les cas, puisque nos sites ne sont, en général, pas situés dans les grandes agglomérations urbaines”, confie Jean-Marc Fritsch, de Manutan. Ironie de l’histoire : au moment du naufrage de KPNQwest, certains ont pensé se tourner vers Worldcom, plongé peu de temps après dans la tourmente.Le défi consiste aujourd’hui à signer vite, mais en prenant un maximum de précautions. Tâche d’autant plus difficile que la chasse aux clients de KPNQwest rend les opérateurs plutôt pressants : “Nous sentons bien que le fait que nous manquions de temps les favorise. Et ils en jouent”, confie un client. “La bataille fait rage. Les opérateurs sont très agressifs”, confirme un autre. Face au maelström de faillites chez les opérateurs de réseaux (voir tableau), certaines entreprises estiment que le plus sûr est de s’approvisionner désormais chez les opérateurs historiques. “Pour l’avenir, au même rang que la nécessité technique, nous pensons que ce qui est le plus important, c’est la solidité financière et l’identité des bailleurs de fonds. De ce point de vue, ce sont les opérateurs historiques qui présentent les meil- leures garanties”, explique Nicolas Sibon. Cet ancien client de KPNQWest est donc logiquement en passe de basculer son réseau privé IP, sur lequel tourne un PGI, chez France Télécom.Un autre ex-client pour de l’accès à internet est également en train de transférer son lien Transfix à 2 Mbit/s chez France Télécom. “Sa pérennité a joué dans notre décision, car le monde des télécoms bouge très vite”, confie-t-il. L’opérateur historique français et ses homologues européens devraient donc engranger des clients en quête de sérénité. Leur maîtrise souvent quasi monopolistique de la boucle locale, et notamment des liaisons louées, les place en bonne position pour assurer rapidement le transfert commercial et technique des clients.

Choisir plusieurs fournisseurs pour répartir le risque

D’autres sociétés misent plutôt sur des challengers d’un genre nouveau : les opérateurs virtuels, qui ne possèdent pas d’infrastructures en propre, et sont donc moins exposés. C’est la piste qu’a retenue Manutan. “Cette solution me paraît adéquate, puisque ce type d’opérateurs utilise plusieurs fournisseurs. Nous préférons, à l’avenir, répartir le risque sur plusieurs fournisseurs d’accès, étant donné que même un opérateur historique ne présente plus forcément de garanties sur son avenir”, raconte Jean-Marc Fritsch.Pour SPSS, dont le VPN IP est pris en charge par Via Networks, le métissage de réseaux est la meilleure voie : “Nous allons opter plutôt pour des opérateurs locaux ?” de type Telia dans les pays nordiques ou Colt en France et en Espagne ?” plutôt que pour des opérateurs européens uniques. Choisir ces opérateurs n’a plus vraiment de sens quand on voit les difficultés des uns et des autres.”Côté prix, les clients n’ont pas, pour l’instant, constaté d’inflation. “Pour le moment, nous n’avons pas le sentiment que la hausse soit à l’ordre du jour. Ce sera le cas sans doute si d’autres opérateurs disparaissent”, estime Nicolas Sibon, de Mikli. Dans certains cas, la compétition pousse au contraire à abaisser drastiquement les tarifs ?” notamment en ce qui concerne l’accès à internet.Mais cela n’est pas forcément pour plaire aux entreprises, devenues méfiantes : “Certains opérateurs nous ont fait des propositions moitié moins chères que ce que nous facturait KPNQwest, précise un ex-client pour de l’accès internet. Je ne trouve pas cela très sérieux. D’autant que ces opérateurs risquent de rejoindre un jour ou l’autre la cohorte des disparus. Nous ne voulons pas revivre la même situation dans six mois.”

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Guillaume Deleurence