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La décentralisation française aux abonnés absents

La réponse à la demande de téléphonie mobile pourrait entrer dans le champ des services d’intérêt général : elle est essentiellement locale et non nationale et les personnes capables d’y répondre ne peuvent être l’exploitant public.

En 2002, la France fête les 20 ans des lois de décentralisation. L’an dernier, l’Union européenne affichait sa volonté de promouvoir les services d’intérêt général (SIG) lors du sommet de Lacken dans le respect du principe de subsidiarité. C’est-à-dire que l’Union n’a pas le droit de prendre des décisions et/ou de les appliquer si les États membres ou leurs collectivités territoriales sont capables de faire au moins aussi bien.Pourtant, en matière de télécommunications, la France semble résister à ce mouvement, initié il y a plus de vingt ans en interne et en tant qu’acteur majeur dans la recherche d’une reconnaissance de ces services au niveau européen. Cette résistance a deux causes principales : la première tient au cadre réglementaire issu de la loi de 1996, la seconde à l’attitude de l’exploitant public.Le service public des télécommunications, tel qu’il est défini par le code des Postes et Télécommunications, est caractérisé par trois éléments essentiels : un contenu limité, un champ géographique national et un titulaire unique : l’exploitant public. Ces trois éléments, qui étaient justifiés au jour de la publication de la loi, ne le sont plus aujourd’hui.L’exemple de la couverture du territoire et de sa population par les réseaux mobiles suffit à le démontrer. En nombre d’abonnés, le service de téléphonie mobile a dépassé aujourd’hui le service de téléphonie fixe, objet du service universel tel que défini dans la loi de 1996.

Le vol, indicateur de la demande

Pourtant, ce service de téléphonie mobile ne peut être fourni à tous, bien que la demande d’universalité, tant géographique que sociale de ce service, existe. En ce sens, on pourra se référer aux demandes répétées de nos élus locaux qui ont abouti, l’été dernier, aux décisions du Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT), mais aussi à la fascination que provoque ce service au regard des chiffres de la criminalité en la matière. En effet, le vol de portables est désormais en tête des statistiques de la criminalité.Sans aller plus loin dans la démonstration, on s’aperçoit que la réponse à cette demande est de celles qui pourraient entrer dans le champ des services d’intérêt général, que cette réponse est essentiellement locale et non nationale, que les personnes capables d’y répondre ne peuvent être l’exploitant public. En ce qui concerne le rôle de ce dernier, il a été essentiellement de freiner la décentralisation en matière de télécommunications. L’exemple le plus flagrant est celui du long cheminement de la reconnaissance du rôle des collectivités territoriales en ce qui concerne la construction d’infrastructures de télécommunications. Ici, l’exploitant public s’est opposé systématiquement à toute initiative des collectivités telle que, par exemple, celle de Nancy.Dans le même temps, il a réussi à repousser l’adoption du texte permettant une clarification du rôle de ces mêmes collectivités. C’est ici l’histoire du trop bref processus d’adoption du texte modifiant le code des collectivités territoriales. Ce texte, modifié le 17 juillet dernier, qui permet timidement aux collectivités de jouer leur rôle, a mis plus de quatre ans à être adoptée dans sa version actuelle. Finissant d’écrire ces lignes lors d’un déplacement en Guinée en vue de réformer le secteur public des télécommunications, il peut sembler que la notion de service public soit toute relative. Certes, mais avec lidée que chaque régime juridique évolue de manière contingente.* avocat à la cour, cabinet coudert frères

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Benoît de La Taille*