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La Commission européenne impose les brevets logiciels

Sa directive visant à les légaliser repose sur le concept mal défini de ” processus inventif “.

Finalement, la Commission européenne a choisi le passage en force. Elle a rendu public, le 20 février dernier, une directive autorisant les brevets logiciels. Alors même qu’elle reconnaît que 91 % des organisations (éditeurs, utilisateurs, associations) consultées s’y sont déclarées opposées.Cette directive vise à légaliser, en Europe, les brevets détenus sur des logiciels. Jusqu’à présent, les programmes d’ordinateurs étaient écartés explicitement des inventions brevetables, à la fois par le droit français (article L611-10, alinéa 2 du Code de la propriété industrielle) et par la Convention européenne sur les brevets (article 52 de la Convention de Munich 1973). Mais l’Office européen des brevets ?” qui représente cinquante-deux pays du continent, dont ceux compris dans l’Union européenne ?” a distribué plus de vingt mille brevets logiciels en s’appuyant sur le fait que les programmes concernés font partie d’une invention susceptible d’applications industrielles.

Un risque de délivrance abusive

Pour être brevetables, les logiciels ?” ou plus exactement les “inventions implémentées sur ordinateurs”?” doivent, selon l’article 4 de la directive, “être susceptibles d’applications industrielles, être nouveaux, et impliquer un processus inventif.” Ce processus inventif suppose que l’invention implémentée sur ordinateur apporte une contribution technique non évidente à l’état de l’art préexistant (article 2 de la directive).Cette définition floue de la contribution technique enrage les opposants aux brevets logiciels. Selon eux, sans limites claires, la contribution technique pourra permettre de breveter n’importe quel type de logiciels ou de méthodes commerciales s’appuyant sur un logiciel. D’autant que le brevet ne protège pas le développement du logiciel (le code source relève du droit d’auteur) mais sa finalité, sans se préoccuper de la méthode utilisée pour y parvenir. Sans aller jusque-là, l’appréciation de la contribution technique d’un logiciel exigera la mise à disposition des offices de brevets de nombreux experts informatiques. Faute de quoi, l’Europe se retrouverait dans la même situation que les Etats-Unis, où les délivrances abusives de brevets ont été si nombreuses que le Software Patent Institute va devoir créer un historique complet des logiciels pour fournir des repères à ses examinateurs.Pour les opposants aux brevets logiciels, la partie n’est toutefois pas perdue. Pour avoir force de loi, cette directive doit d’abord être votée par le Parlement européen, ce qui ne se fera pas avant 2003. Elle doit ensuite être reprise par une loi française. Or, en cette période préélectorale, la majorité des partis politiques s’affirment, pour l’instant, antibrevets logiciels.

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Stéphanie Chaptal