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La commission Attali orchestre le retour de la licence globale

Le rapport remis aujourd’hui au président de la République préconise que les FAI versent une contribution en échange d’une légalisation de la circulation des fichiers en peer to peer.

Certains vont tomber de leur chaise. Deux mois après que le
rapport Olivennes conforte les positions de l’industrie du disque et de la vidéo par un arsenal de mesures répressives contre le
téléchargement illégal, la commission Attali pour la libération de la croissance vient jeter un gros pavé dans la mare.Son rapport, remis au président de République ce mercredi 23 janvier, préconise ni plus ni moins de faire payer les fournisseurs d’accès à Internet en contrepartie des fichiers vidéo et musicaux échangés par les internautes.
Autrement dit, c’est le retour de la licence globale, même si ce terme ne figure pas dans le rapport. Celle-ci fait l’objet de la décision 57, dans un rapport qui en compte plus de 300. Concrètement, il s’agit ‘ de faire
verser par les fournisseurs d’accès à Internet une contribution aux ayants droit auprès des différentes sociétés de gestion collective de droits d’auteur, sous la forme d’une rémunération assise sur le volume globale d’échanges de fichiers vidéo ou
musicaux ‘.
Forcément, cette contribution pourra avoir une incidence sur le prix de l’abonnement de l’utilisateur.Ce dispositif avait déclenché les foudres de l’industrie phonographique, mais aussi des FAI, à l’occasion du débat parlementaire sur la loi Droits d’auteur et droits voisins en 2005. Les députés avaient même réussi à le
voter en première lecture, avant que tout cela ne disparaisse au cours d’un
méli-mélo de procédure. Depuis, la licence globale était donnée pour morte et enterrée.

Les FAI, ‘ vrais bénéficiaires du téléchargement ‘

La commission Attali voit dans cette mesure ‘ une condition de la croissance du secteur ‘ de la musique et de l’audiovisuel, un moyen de rémunérer enfin des artistes pour la circulation et
les échanges de leurs ?”uvres considérés jusque-là comme illégaux. Mais le rapport va plus loin. Il estime que tout ce qui a été privilégié pour l’instant, à savoir le filtrage, le contrôle des usages (avec les DRM), la surveillance des réseaux
‘ constituerait un frein majeur à la croissance dans ce secteur-clé ‘. C’est un véritable camouflet pour le rapport de la mission Olivennes qui ne parle quasiment que de répression, avec suspension de
l’abonnement à Internet à la clef pour les contrevenants.Jacques Attali s’est d’ailleurs déjà exprimé contre ces mesures sur son
blog hébergé sur le site de L’Express. La loi censée les mettre en place ‘ ne ferait pas acheter un seul
fichier musical de plus aux internautes, et ne rapporterait pas un euro de plus aux artistes ‘,
écrivait-il le 27 novembre 2007. Mais quelques mois auparavant, au Midem 2007, il plaidait lors d’une interview
publique pour la gratuité de la musique sur Internet, avec divers types de financement derrière (publicité, services, concerts, etc.).Le rapport Attali rejette également l’idée d’une autorité indépendante, elle aussi préconisée par le rapport Olivennes, chargée de superviser la lutte contre le piratage. Celle-ci mènerait à ‘ une surveillance de
nature à porter atteinte au respect de la vie privée et aux libertés individuelles, tout à fait contraire aux exigences de la création et à la nature réelle de l’économie numérique ‘.
En revanche, le document reprend un
argument largement utilisé par l’industrie du disque, à savoir que les FAI sont ‘ les vrais bénéficiaires du téléchargement ‘, qui leur a permis de vendre des abonnements, de faire décoller l’ADSL et de
développer leur activité. Il est donc logique qu’ils contribuent.Petit problème, tout de même, le président de la République, qui s’est déclaré favorable à la plupart des mesures de ce rapport, s’est plusieurs fois dit hostile à la licence globale, notamment
pendant sa campagne. Pour lui, ce mécanisme relevait du ‘ jeunisme ‘ et s’abritait derrière
‘ le prétexte de la société de l’information ‘. Or Nicolas Sarkozy semble décidé à quasiment tout appliquer des mesures qui y figurent. Le débat ne fait que (re)commencer.A lire aussi sur le sujet :
‘ Les nouvelles technologies préconisées par le rapport Attali pour doper la
croissance ‘

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Arnaud Devillard