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La commission antipiratage américaine prône l’utilisation de malwares

Pour limiter le vol de propriété intellectuelle et le piratage, la commission IP américaine aimerait pouvoir doter les Etats-Unis d’un arsenal de mesures et outils, quitte à utiliser des pratiques peu orthodoxes.

Cent pages denses et alarmistes constituent le « rapport […]sur le vol de la propriété intellectuelle américaine » de la Commission sur la propriété intellectuelle américaine. Cent pages qui dressent un tableau catastrophiste de l’état de la situation de la propriété intellectuelle aux Etats-Unis, mais également en Europe et au Japon, avec un ennemi tout désigné, qui a d’ailleurs droit à son propre chapitre, la Chine. Un géant qui est responsable selon ce rapport de 50 à 80% du vol de propriété intellectuelle dans le monde…

A situation désespérée?

Toujours selon ce document, les pertes entraînées à la fois par le piratage et le vol de propriété intellectuelle (hack, cyberespionnage, etc.) atteindraient les 300 milliards de dollars par an : « Les pertes annuelles sont vraisemblablement comparables au niveau annuel actuel des exportations américaines vers l’Asie, plus de 300 milliards de dollars ». De quoi faire réfléchir un pays en crise qui cherche à se réinventer et voit dans l’innovation technologique et l’exportation de ses biens culturels des vecteurs de croissance future.

Des solutions extrêmes

On ne va pas passer ici en revue l’intégralité des 14 chapitres que compte ce rapport. On s’arrêtera toutefois sur le treizième, intitulé Cyber Solutions car il laisse entrapercevoir, tant le « désespoir économique » que le jusqu’auboutisme des « défenseurs » de la propriété intellectuelle.

Une bonne part des solutions sont destinées au cadre de l’entreprise : surveillance du réseau local, mise en place de protections dissuasives, etc. Une première recommandation, « soutenir les efforts des entités privées américaines pour tout à la fois identifier et retrouver ou rendre inopérant les propriétés intellectuelles volées par des moyens électroniques », retient toutefois l’attention par les utilisations qu’elle pourrait avoir auprès du grand public.

A la manière des malwares

Ainsi, parmi les actions proposées dans le cas où un fichier volé ou piraté tomberait en de mauvaises mains, le rapport indique que « le fichier pourrait être rendu inaccessible et l’ordinateur de l’utilisateur non autorisé pourrait être verrouillé, avec des instructions pour contacter la police pour obtenir un mot de passe pour débloquer le compte ». Une solution qui « ne viole pas les lois existantes » précise immédiatement le rapport mais qui n’est pas sans rappeler le fonctionnement exact de certains malwares qui prennent le contrôle d’une machine et imposent à l’utilisateur crédule d’aller sur un site ou de payer une somme pour se désinstaller. La différence, ici, est que le malware serait bien intentionné.

La fin de la sphère privée ?

Un peu plus loin, le rapport avance une autre proposition tout aussi inquiétante. « Sans endommager le réseau de l’attaquant, les sociétés qui sont victimes d’un cyber vol devrait pouvoir récupérer leur fichier électronique ou empêcher l’exploitation des données dérobées ». Autrement dit, la commission aimerait que la loi américaine permette l’intrusion à distance sur les ordinateurs des voleurs ou pirates.
D’autres recommandations passent au crible des solutions de contre-attaques, de représailles visant à dissuader pirates et voleurs.

En définitive, ce rapport dessine et détaille par le menu un appel à accorder aux défenseurs du copyright plus de pouvoir, via des procédures où la justice n’a pas à intervenir. Il ouvre ce qui ressemble à un nouveau front qui fait penser à CISPA, le Cyber Intelligence Sharing and Protection Act, qui par deux fois a échoué sur le seuil du Sénat américain sans y être validé. Il compromettait trop violemment la vie privée et le respect des libertés essentielles en ligne.

Dans un contexte de tension économique, de chasse aux pirates et de rodomontades liées à la cyberdéfense ce rapport laisse entrapercevoir un avenir potentiel assez inquiétant, où les Internautes pourraient voir leurs droits sévèrement raboter…

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Sources :
Rapport de la Commission Propriété Intellectuelle
(PDF)
TorrentFreak

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Pierre Fontaine