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La BLR se restructure sous la houlette de LDCOM

LDCOM est autorisé à reprendre 50 % de Fortel et se taille ainsi la part du lion dans un environnement toujours aussi mouvementé. Les premiers services de BLR sont en cours de déploiement, mais la recomposition du secteur est loin d’être achevée.

Malgré tout ce qu’on a pu lire, nous sommes bien vivants et ne sommes pas à vendre.” Pour Roland de La Chapelle, directeur général adjoint de Broadnet France, les incertitudes autour de l’avenir de la boucle locale radio (BLR) ne sont pas véritablement fondées.“Dans le contexte actuel, il n’y a pas que les opérateurs de BLR qui ont des difficultés. Et, en ce qui nous concerne, nous n’avons aucune dette et aucun crédit fournisseur”, martèle-t-il. Broadnet n’a donc rien à voir avec la débâcle qui touche la plupart des opérateurs de BLR en Europe…Car le petit monde de la BLR est bel et bien en émoi. Témoin Lynn Forester, figure emblématique de la BLR et coprésidente de FirstMark Communications, qui ne se déclare pas surprise que certains de ses homologues ” paniquent “. C’est notamment le cas de Winstar, le premier opérateur de BLR américain, en faillite depuis la mi-avril, ou de Teligent, autre pionnier de la BLR également mal en point. Même FirstMark, le chouchou de la BLR tricolore, serre les dents.Après l’euphorie des premiers mois, l’heure est plutôt à la morosité, et les perspectives à court terme sont souvent compromises par l’état des marchés financiers.

Une consolidation inévitable

Alors que la plupart des acteurs présents dans l’Hexagone ont encore bien des obstacles à surmonter, Fortel, l’un des deux opérateurs titulaires d’une licence nationale, vient de s’enlever une épine du pied en se rapprochant de LDCOM, la filiale spécialisée dans les télécommunications du groupe Louis-Dreyfus.Initialement adossé au câblo-opérateur néerlandais UPC, aujourd’hui exsangue, Fortel était depuis plusieurs mois en quête d’un nouvel actionnaire de référence. Une démarche d’autant moins évidente que les partenaires potentiels ne se bousculaient pas et que sa licence reposait pour beaucoup sur la présence d’UPC à son capital. Un vrai casse-tête que l’ART a fini par résoudre en donnant son feu vert à LDCOM en vue de ” sauver ” Ernest-Antoine Seillière (Marine Wendel), l’autre grand actionnaire de Fortel, quelque peu égaré dans l’aventure. Déjà détenteur de onze licences régionales via sa filiale BLR Services, LDCOM se retrouve donc en position de force dans la BLR hexagonale grâce à ses 50 % dans Fortel. L’Autorité, qui était ces dernières semaines dans ses petits souliers, a déclaré qu’elle serait très vigilante quant au respect des obligations prévues par le cahier des charges de Fortel, “notamment les obligations de déploiement en termes de couverture de la population ainsi que de services d’accès à Internet à débit garanti entre 64 kbit/s et 4 Mbit/s”. Ce sur quoi LDCOM s’engage.En revanche, le montant faramineux de 17 milliards de francs que promettait d’investir Fortel n’est plus d’actualité, LDCOM évoquant une fourchette de 1 à 2 milliards sur les quatre ans à venir. Un dénouement prévisible, mais qui laisse toutefois un goût amer. Moins d’un an après l’euphorie de l’attribution des licences, c’est l’esprit même du concours si cher au président de l’Autorité qui est remis en cause.

Un ” corbeau ” dans la BLR !

De même, l’existence d’une ” note blanche “, intitulée Reconfiguration du capital de Fortel : risques et objections, risque de laisser des traces. Cette lettre anonyme, qui a circulé dans le tout-Paris des télécoms, exprimait tout le mal qu'” on ” pensait d’une éventuelle reprise de Fortel par LDCOM. Outre que de tels procédés, où la contestation avance masquée, n’honorent pas leur(s) auteur(s), ils dissimulent mal l’absence d’un autre repreneur. Pour le reste, on peut effectivement se demander si le cumul de licences régionales et d’une licence nationale n’est pas contraire aux règles fixées par l’ART. “Il y a manifestement distorsion de concurrence dans la mesure où un opérateur disposant localement de deux fois plus de ressource spectrale que ses homologues devrait pouvoir vendre le mégabit par seconde deux fois moins cher”, s’insurge un opérateur. Bref, l’ART ne sort pas grandie de cet épisode où elle a soigneusement évité de prendre position sur le fond.Suffit-il, de ce point de vue, de promettre la lune à l’ART en janvier pour décrocher une licence en juillet ? Y a-t-il véritablement de la place pour quatre opérateurs de BLR par région (deux nationaux + deux régionaux) ? À la première question, on ne peut que plaider en faveur d’une extrême rigueur afin que des mésaventures du type Omnicom ou Fortel ne se reproduisent pas. À la seconde, la réponse est non. C’est l’avis de Frédéric Gastaldo, véritable janus de la BLR avec sa double casquette de président de Fortel et de BLR Services, pour qui la concentration va manifestement se poursuivre. “Il n’y a pas de place pour quatre opérateurs dans toutes les régions”, renchérit Roland de La Chapelle, qui se dit “potentiellement candidat à l’extension de son réseau” tout en anticipant une poursuite du mouvement de concentration. Bref, la restructuration du secteur n’est pas finie ! Parmi les plus menacés, Landtel, l’un des principaux opérateurs régionaux, fait régulièrement l’objet de spéculations ?” mollement démenties ?” quant à sa pérennité. Toujours la malédiction de la BLR…Autre opérateur qui risque également de devoir repasser devant l’ART, BLR Services, dont le deuxième actionnaire, l’américain Teligent, lutte pour sa survie.

Teligent : le maillon faible de BLR Services

Officiellement, LDCOM minimise la situation en expliquant que “Teligent a toujours souscrit aux diverses augmentations de capital de BLR Services”. Et d’ajouter que “LDCOM et Artémis rempliront leur devoir d’actionnaires” quoi qu’il arrive. Il n’empêche que la recherche d’un véritable opérateur susceptible de pallier la défaillance prévisible de Teligent (dont la dette atteint 1,65 milliard de dollars) et d’épauler le groupe Louis-Dreyfus dans les télécoms semble bien à l’ordre du jour. Autant dire que Louis-Dreyfus a encore beaucoup à prouver dans la BLR. Sans accabler personne, force est de reconnaître que l’ensemble des acteurs de la BLR en Europe en sont à peu près au même point et que la France fait plutôt mieux que la moyenne.Alors que la dimension paneuropéenne de la BLR était au c?”ur de la stratégie de nombre d’acteurs, l’heure est au recentrage. Témoin FirstMark, qui a levé le pied en Allemagne et se prépare à passer la main à Suez, en France. Nullement échaudé, Broadnet est quasi le seul opérateur à maintenir ce cap. “Notre approche intégrée et résolument européenne nous permet de réaliser d’importantes économies d’échelle “, insiste Rian Wren, président de Broadnet Europe, qui met également en avant la présence de Comcast, “un actionnaire unique et déterminé”. Jusqu’à ce qu’il se ravise ?

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Henri Bessières et Jérôme Desvouges