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La bit generation détrône la beat generation

Pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité, ce sont les jeunes enfants qui enseignent la vie à leurs parents.

Cela fait déjà dix ans que les gamins surclassent les adultes. Dès la maternelle, ils sont meilleurs que leurs parents pour programmer le magnétoscope ou l’ordinateur. Connaissez-vous un père qui batte son fils à la Game Boy ? Même quand ils font des efforts, les papas surbookés n’ont pas le temps de s’entraîner, et pas de copains pour leur passer des soluces. Comme si cela ne suffisait pas, le Net est arrivé. Des gosses de 12 ans montrent à leur mère comment envoyer des cartes de v?”ux en “nimèle”, et à leur père comment revendre sur le web le lecteur de DVD qui prend la poussière sous la télé. La famille internaute fait de la formation continue, et c’est le petit dernier qui éduque tout le monde. Au point que les spécialistes de l’Audimat sur le Net, MMXI et e-ratings, ont annoncé en avril que les études d’audience et de comportement prendraient désormais en compte les enfants dès 2 ans. Anodin ? Sûrement pas. C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité que les enfants maîtrisent une technologie avant leurs parents et la leur enseignent. Les psys y voient un phénomène de “parentification”, une sorte de monde à l’envers.La nouvelle génération n’est pas seulement aux commandes des consoles. Aux Etats-Unis comme en France, les rois du joystick créent des start-up. “Chaque période agitée ?” guerre ou révolution ?” donne aux jeunes une chance d’accéder au pouvoir en brûlant les étapes habituelles”, rappelle Bernard Préel, l’un des patrons du Bipe, auteur du Choc des générations. Dans la nouvelle économie, le pouvoir est à ceux qui ont manié la souris au berceau. Dans leurs chambres, sur le campus d’HEC, des gourous à peine sortis de l’adolescence poussent leurs lits contre le mur durant la journée pour pouvoir se réunir ou recevoir des banquiers. On la connaît, la liste de ceux qui, à peine trentenaires, ont fait fortune, les Orianne Garcia, Loïc Le Meur, Nicolas Gaume ou Jérémie Berrebi. Le CV du dernier cité ? Première console à 4 ans, premier PC à 10, il a créé Net2one à 21, pèse 100 ou 200 millions de francs et habite… chez ses parents. Ils ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Les petits génies de l’effet de levier pullulent, même s’ils ne deviendront pas tous millionnaires. Le Céreq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications) a dû ajouter un item jusqu’alors inconcevable sur ses questionnaires destinés aux étudiants : “je suis à mon compte”. On ne construit plus un monde meilleur à coups d’idéologie, mais de technologie. La bit generation détrône la beat generation.Autre signe que les valeurs se diffusent des jeunes vers les vieux ? L’ambiance de l’université d’été du Medef, fin août, à HEC. Cravate au vestiaire, manches retroussées et sourire jusqu’aux oreilles, Ernest-Antoine Seillière et ses collègues du patronat débattaient nouvelle économie en faisant concurrence à BHL pour le plus beau décolleté de Paris. C’était gai, décontracté, un peu surréaliste. Dommage qu’il n’y ait qu’un mois d’août par an ?” et une nouvelle économie par siècle. Dommage aussi que tout cela ait senti, forcément, la récupération, donc le début de la fin.Et c’est vrai que la chute du Nasdaq a jeté un froid au printemps. Que les financiers se méfient désormais de ceux qui ont appris à éviter les pièges de la vie avec Mario sur la Nintendo. La fenêtre d’opportunité ouverte par la révolution internet se refermerait-elle déjà ? “La revanche de la jeunesse”, comme disent les vieux, va-t-elle faire long feu ? “Non”, pense Bernard Préel, qui annonce un affrontement entre les enfants du Net et les quinquas de 68, prêts à tout pour garder le pouvoir économique. Pour le pouvoir politique, ils peuvent tous aller se rhabiller : en France, si l’on veut plaire à tout le monde, il faut être sexagénaire. Résultat, nos dirigeants sont allergiques au mulot. On les excusera : ils sont, eux, les enfants de la TSF.

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Christine Kerdellant