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L’Europe veut légiférer sur la neutralité du Net

Neelie Kroes, commissaire européenne en charge du numérique, entend garantir la neutralité du Net par des lois et réglementations, pour nos libertés mais aussi afin d’assurer la construction d’un marché unique des télécommunications.

A plusieurs reprises ces derniers jours, Neelie Kroes, Commissaire européenne chargée du numérique, a pris des positions sur la neutralité du Net. Elles ont abouti à la présentation d’un ensemble de propositions soumises au Parlement européen, dont l’objectif est la constitution d’un ensemble réglementaire.

Besoin de réglementation

La neutralité du Net se trouve ainsi inscrite dans l’agenda numérique européen et la Commissaire entend, par des lois et textes réglementaires, imposer aux opérateurs et fournisseurs d’accès plus de transparence au sujet de leur connexion à Internet. Elle veut également interdire le blocage des services concurrents par un acteur qui voudrait mettre en avant sa propre offre.

Dans cette optique, l’étude sur l’état du Net en Europe commandée par la Commission européenne et rendue par le BEREC, organisme des régulateurs des communications électroniques européens, « montre le besoin d’une plus grande certitude réglementaire et qu’il y a suffisamment de problèmes pour justifier des actions fortes et ciblées visant à protéger les consommateurs », déclarait Nellie Kroes récemment sur son blog officiel.

En avoir pour son argent

Devant les Parlementaires, la commissaire chargée du numérique indiquait que ses propositions garantiraient de « nouveaux droits à tous les citoyens [européens] et de nouvelles obligations pour les fournisseurs d’accès ». En se référant à l’étude du BEREC, elle rappelait ainsi que de nombreux abonnés à Internet n’avait pas droit à ce pour quoi il payait. Une situation que les prochaines lois devraient corriger, selon elle, afin de faire en sorte qu’une qualité de service soit garantie. Selon quels critères, la question reste à trancher.
« Avant que vous ne signiez un contrat avec un fournisseur d’accès à Internet, vous voulez connaître les détails clés. […] Après tout quand vous achetez une bouteille de lait, vous ne vous attendez pas à ce qu’elle soit à moitié vide. C’est la même chose pour les accès à Internet à 50 Mbits ».

Un grand principe

Neelie Kroes déclarait ainsi vouloir constituer « un garde-fou à tous les Européens, sur tous les appareils, sur tous les réseaux – une garantie d’accès à un Internet complet et ouvert ». En cela, elle ressert la définition de la neutralité du Net telle que donnée par le Conseil de l’Europe en septembre 2010 : « Les utilisateurs doivent avoir le meilleur accès possible au contenu en ligne, aux applications et aux services de leur choix, qu’il soit ou non gratuit, en utilisant le périphérique qui a leur préférence. Un tel principe général, communément appelé neutralité du net, doit être appliqué sans tenir compte de l’infrastructure ou du réseau utilisé pour se connecter à Internet ».

Quelle neutralité ?

Malgré cette définition Neelie Kroes n’abandonne pas sa vision qui correspond à ce qu’on appelle la « net neutralité lite ». Une vision qui permet d’introduire la notion de « discrimination » dans l’accès au Net, par le prix et le bande passante. Autrement dit, l’accès à Internet est assuré mais il est possible d’imaginer des forfaits premium pour mieux en profiter. Et donc des forfaits de base moins performants…

Une discrimination par l’argent en quelque sorte. C’est ce qu’on peut comprendre de son discours du 31 mai dernier : « Si ce n’est pas de l’Internet complet, cela ne doit pas être vendu comme tel, peut-être que ça ne devrait pas être vendu comme de « l’Internet » tout simplement, au moins pas sans avertissement franc ». Mais cela pourra toujours être vendu ? Notamment, à ceux qui ne peuvent pas payer plus ?…

Pour autant, Nellie Kroes a fait évoluer sa position. L’année dernière encore, elle acceptait l’idée que des acteurs puissent bloquer l’accès à un service concurrent pour autant qu’ils le précisent. Une position qu’elle dénonce désormais.

Le marché unique en guise de moteur

En définitive, au-delà de la question de la liberté d’expression, la vision de la neutralité du net et son évolution de la Commissaire euroopéenne semble dictée par un autre impératif essentiel de son calendrier : la création d’un marché unique des télécommunications en Europe.

Dans ce contexte, la neutralité du Net est tout à la fois une pierre angulaire et un point d’achoppement éventuel pour la création de ce marché. C’est ce qu’elle dit d’ailleurs dans son discours du 4 juin devant le Parlement européen : « Nous observons des pressions pour des actions nationales sur la neutralité du Net. Le marché unique des télécoms est loin d’être établi – et un échec pour coordonner des actions sur la neutralité du Net ferait éclater cette fragile construction. Si nous ne prenons pas en compte la neutralité du Net, des problèmes plus conséquents apparaîtront et les services innovants de demain pourraient devoir s’arrêter à la frontière ».

Un enjeu colossal. Un double enjeu de première importance économique et citoyen. Or, Neelie Kroes déclarait en début d’année vouloir réussir à créer le cadre réglementaire pour un marché unique d’ici la fin 2013. Cela paraît bien court pour réussir à trancher la question de la neutralité du Net…

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Sources :
Discours de Neelie Kroes devant le Parlement européen
– 4 juin 2013
Prochaines étapes de la neutralité du Net – Blog de Neelie Kroes
– 29/05/2013
Wall Street Journal

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Pierre Fontaine