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Juniper grignote l’empire de Cisco en s’attaquant au c?”ur de réseau IP

Roi du protocole IP, Cisco voit son trône vaciller sous les coups de boutoir d’un jeune prétendant, nommé Juniper. Celui-ci a déjà gagné un quart du marché du routage de c?”ur de réseau.

Chez Cisco, on affecte la plus grande sérénité. “Il est normal que nous ayons un concurrent. D’ailleurs, les utilisateurs n’aiment pas être liés à un seul fournisseur, et cela stimule l’innovation”, affirme Patrice Bellagamba, consultant chez Cisco. De fait, si le numéro un des réseaux voulait un rival, il est servi : en près de deux ans, Juniper a en effet gagné un quart des parts de marché du routage dans le c?”ur des réseaux IP.L’attaque paraît sérieuse, menaçant Cisco dans son c?”ur de métier même, le routage IP, où il semblait régner en maître absolu. Des concurrents, certes, il en avait eu. Mais aucun n’avait connu un tel succès, aussi rapide. Au début des années quatre-vingt-dix, Wellfleet s’était, un moment, posé en rival sérieux. Mais il n’avait pu tenir la distance et avait choisi de fusionner avec Synoptics en 1994 pour devenir Bay Networks. Une erreur stratégique dont il ne se remettra pas : en 1998, la nouvelle société est rachetée par Nortel. Les autres, tels Enterasys (à l’époque, Cabletron) ou 3Com, n’ont jamais constitué une menace sérieuse. Ce dernier avoue même aujourd’hui s’être épuisé dans cette guerre et a déposé les armes.Au contraire de s’épuiser, Juniper multiplie plutôt, quand à lui, les accords avec les plus grands. Tout d’abord avec les constructeurs comme Alcatel, Nortel ou Ericsson, auxquels il fournit les plates-formes de routage à haut débit qu’ils ne possèdent pas, et qui sont heureux de pouvoir se passer de l’épouvantail Cisco. Ainsi, tout récemment, Ericsson a retenu Juniper pour son offre de produits de routage à la norme IPv6 dans les réseaux de troisième génération UMTS (Universal Mobile Telecommunications System). Accords ensuite avec les opérateurs, comme Ipergy, un nouvel entrant européen, Sonera (Finlande), Cable & Wireless, MCI Worldcom, Metromedia Fiber Networks, GTE ou UUnet. Dernier en date : Dante, le réseau européen de la recherche.Si l’un des atouts de Juniper est justement d’être une solution de rechange face à Cisco, un autre est de tenir largement la comparaison en termes de performances, avec une architecture centralisée assez originale. Le c?”ur du système, pour les machines M20, M40 et M160, est l’IP2 (processeur internet de deuxième génération). Celui-ci est capable de traiter quarante millions de paquets à la seconde, et il assure non seulement les fonctions de routage des paquets, mais aussi celles de qualité de service, de filtrage, etc.Un bémol toutefois : la capacité de traitement du routeur repose sur les performances du processeur principal IP2. Ainsi, augmenter la capacité de traitement des paquets oblige à concevoir un nouveau processeur, plus puissant. C’est pourquoi Juniper a acquis, en fin d’année 2000, le concepteur de circuits intégrés Micro Magic pour pouvoir proposer, à terme, un processeur IP3 (troisième génération).A l’inverse, Cisco, qui s’était longtemps fait le champion de l’architecture centralisée – jusqu’à la série 7500 -, est passé à l’architecture distribuée pour son modèle haut de gamme GSR 12000 (Gigabit Switching Routing) : les fonctions de réception et d’envoi de trame, ainsi que de qualité de service sont effectuées sur les cartes d’entrée/sortie, reliées entre elles et au module de routage par une matrice ” crossbar “.Selon les experts, Juniper l’emporte en performances pures. “Nos machines ont, dès le départ, été pensées pour les grands réseaux d’opérateurs, souligne Hector Avalos, consultant chez Juniper Europe. Alors que Cisco a commencé dans les réseaux d’entreprise et a dû faire évoluer ses produits pour les grands réseaux.” De plus, le système d’exploitation de Juniper, le JunOS, est 100 % compatible avec l’IOS de Cisco. “Nous avons passé dix-huit mois à le tester dans toutes les configurations et tous les environnements, déclare Hector Avalos. En outre, toutes nos machines sont dotées des mêmes Asic et du même JunOS. Ce qui simplifie largement leur exploitation dans les grands parcs.” En revanche, chez Cisco, les utilisateurs doivent gérer toute une filiation de logiciels IOS et plusieurs plates-formes : le 12000 en c?”ur de réseau et la série 7000 en accès.Mais, pour Cisco, la bagarre est loin d’être terminée, et Juniper aurait plutôt mangé son pain blanc. “Disposant d’une bonne plate-forme matérielle, il est normal que Juniper obtienne des succès dans le c?”ur de réseau. Mais le JunOS n’offre qu’un sous-ensemble de toutes les fonctions de l’IOS. A la périphérie, là où il faut faire de l’agrégation de services, du réseau privé virtuel, c’est un autre défi. Et, là, Juniper n’a pas encore fait ses preuves”, affirme Patrice Bellagamba. La concurrence ne s’arrête pas au duel Juniper/ Cisco. Elle s’étend à l’ensemble des constructeurs capables d’afficher une totale compatibilité avec le matériel Cisco. Dans le c?”ur d’un réseau IP, les commutateurs-routeurs appartiennent encore à la catégorie du Gigabit. Ils doivent être rapides, mais ils restent assez simples, n’ayant que peu de protocoles à traiter. Cette vitesse est obtenue en gravant les principales fonctions (routage, commutation, qualité de service, filtrage, facturation) dans des Asic. En revanche, la fiabilité du logiciel de routage doit être à toute épreuve. C’est la grande force de Cisco, qui bénéfice d’une quinzaine d’années d’expérience. Son système d’exploitation IOS s’est enrichi au fil des années, et il est devenu la référence avec laquelle il faut être entièrement compatible. Apparemment, le système JunOS de Juniper a brillamment réussi l’examen de passage.Et c’est tout l’enjeu qui attend les postulants venant du monde du réseau local, comme Foundry, Extreme Networks ou Enterasys (ex-Cabletron). Du point de vue de la bande passante et de l’architecture, tous rivalisent en performances. Mais reste à savoir si, insérés dans un vaste réseau d’opérateurs, leurs machines seront capables d’assurer tous les services attendus dans un tel environnement.A l’autre extrémité du spectre, arrivent les constructeurs travaillant sur des routeurs Terabit (traitant des térabits par seconde), comme Avici, Ironbridge, Pluris. En général, ce sont des machines modulaires, constituées d’un ” maillage ” de routeurs. Ce qui procure des performances supérieures. Certains dépassent même le seul domaine des performances et innovent. Ironbridge a imaginé le concept de routeur virtuel. C’est la possibilité de ” découper ” virtuellement un routeur matériel en plusieurs routeurs indépendants : comme sur un même serveur, on peut faire fonctionner plusieurs applications indépendamment les unes des autres.Enfin, à noter l’arrivée d’un grand des télécoms, Alcatel, dans un domaine où ces industriels ne sont guère présents. Sa plate-forme 7770, fruit du rachat de Newbridge, est un pur routeur Terabit IP. A la différence du 7670, qui était un commutateur ATM enrichi de fonctions IP. Enfin, le 7770 utilise majoritairement des processeurs PowerPN. Et ce “parce qu’ils peuvent être plus facilement adaptés aux nouvelles fonctions que des Asic”, déclare Alan Johnson, Vice President Business Development et Marketing pour les c?”urs de réseaux IP chez Alcatel.

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Jean-Pierre Soulès