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Jean Vincent (Adami) : ‘ Les dispositifs anticopie sont illégaux ‘

Alors que l’industrie musicale et les auteurs veulent imposer les dispositifs anticopie sur les CD, les représentants des artistes interprètes s’élèvent contre cette décision. Jean Vincent, directeur des affaires
juridiques de l’Adami1 et membre du CSPLA2, s’explique.

01net. : Quelle est votre position vis-à-vis des mesures de protection anticopie actuellement utilisées par l’industrie musicale ?Jean Vincent : Nous estimons qu’elles sont illégales au regard du droit français et de la directive européenne 2001/29 [relative aux droits d’auteur et droits voisins, NDLR]. Dans sa
définition des mesures techniques, la directive précise que ces dispositifs doivent être contrôlés par les titulaires de droit. Donc par les producteurs, mais aussi par les auteurs et les interprètes. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas.
Les grandes maisons d’édition nous ont mis devant le fait accompli en distribuant des CD protégés contre la copie, sans aucune concertation avec les organisations représentant les auteurs interprètes.Les majors affirment qu’elles demandent aux artistes leur accord avant de protéger leurs disques contre la copie. Je suis sceptique. Ce n’est de toute manière pas la bonne méthode. Lorsque les pratiques professionnelles évoluent, comme c’est aujourd’hui le cas, cela doit passer par des accords globaux entre les organisations
interprofessionnelles. On ne peut pas se contenter de contrats passés entre Untel et Untel.Que pensez-vous de la proposition de Pascal Nègre, d’autoriser une copie unique à qualité dégradée ? Cette notion de dégradation est totalement inacceptable. C’est incompatible avec le respect du droit moral des auteurs et des artistes. Croyez-vous qu’un artiste qui passe trente ans de sa vie à créer, à travailler les
sons, accepte que le public entende son ?”uvre avec une qualité audio plus que médiocre ? La réponse est non.La copie sur cassette audio, telle qu’on la connaissait avant l’ère du numérique, impliquait déjà une dégradation de la qualité sonore.Oui, mais c’était inévitable. Aujourd’hui, on impose une dégradation volontaire.Quelles sont les propositions de l’Adami pour concilier mesures techniques de protection et copie privée ? Je ne peux pas répondre sur ce point. Il faut arrêter de polémiquer et donner la priorité à la concertation. Ce que nous souhaitons, c’est que tous les professionnels se mettent autour d’une table et définissent des
normes de contrôle des mesures techniques de protection. Nous ne voulons pas faire de propositions précises avant de discuter avec nos partenaires.Où en sont les travaux du CSPLA sur l’avant-projet de loi sur le droit d’auteur ?Il y a eu un consensus au sein du conseil pour reproduire quasi à l’identique les termes de la directive européenne, ce qui n’était pas le cas au mois de décembre. En plus, le CSPLA a suggéré la création
d’un organe de médiation chargé de statuer sur la conformité des mesures techniques de protection.Sur quoi va s’appuyer ce médiateur pour prendre ses décisions, alors que la loi reste floue sur la cohabitation des mesures techniques et de la copie privée ?Effectivement, tout n’est pas écrit. Cet organe devra donc assumer la responsabilité de créer une forme de jurisprudence cohérente avec les jurisprudences qui vont se mettre en place en Europe. Il aura un pouvoir
d’injonction, a priori, avec un impératif de rendre ses décisions dans un délai renouvelable de deux mois. On peut imaginer qu’il soit composé de trois personnalités indépendantes, avec des profils différents,
juriste, technicien, économiste.Cette solution vous satisfait-elle ?Pas totalement. Je crains que les décisions du modérateur ne soient pas aussi rapides que cela, qu’elles se compliquent, qu’elles aboutissent à du judiciaire. Et que, pendant ce temps, les mesures techniques se
développent sans aucun contrôle. C’est pour cela que nous préconisons la mise en place d’un organe de régulation qui devrait se prononcer a priori, c’est-à-dire avant la sortie sur le marché des dispositifs
techniques. Cela permettrait d’avoir une phase de conciliation entre tous les professionnels. Malheureusement, le CSPLA ne nous a pas entendus sur ce point. Mais nous espérons encore que les choses évolueront dans le bon sens.(1) Administration des droits des artistes et musiciens interprètes. (2) Le CSPLA (Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique), créé par Catherine Tasca, est chargé de réfléchir à l’évolution de la propriété intellectuelle dans le monde numérique et en particulier de la copie
privée.

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propose recueillis par Stéphane Long