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Jean-Emmanuel Ray, professeur de droit à l’université de Paris I : ” Signer une convention collective assure légalité et légitimité “

L’enseignant, spécialiste du droit du travail et des NTIC, relativise l’arrêt Nikon qui interdit à l’entreprise l’accès au courrier personnel de ses salariés.

Quelle est la marche à suivre par les entreprises avant la mise en place des nouvelles technologies en leur sein ?Selon le Code du travail, l’entreprise doit préalablement consulter le comité d’entreprise (CE) “en cas de projet important d’introduction des nouvelles technologies susceptibles d’avoir des conséquences sur l’emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail du personnel”. Ce dernier peut alors demander les services d’un expert, extérieur à l’entreprise, pour évaluer la pertinence de la mise en place des NTIC. Mais l’entreprise rechigne le plus souvent à suivre cette procédure, et en particulier à investir quelque 4 000 euros pour un expert extérieur, dont les compétences ne sont même pas assurées, aucun diplôme en NTIC n’étant à ce jour reconnu.Les chartes d’utilisation d’internet, mises en place par certaines entreprises, ont-elles valeur juridique ?Non, aux yeux des juristes, les chartes n’existent pas en tant que telles. Elles sont néanmoins légitimes pour édicter des règles de savoir-vivre. Mais ces textes visent, parfois, à poser des interdits et les sanctions qui en découlent. En nommant “charte” l’ensemble de ces dispositions, l’entreprise pense parfois échapper aux règles qui régissent le règlement intérieur. Celui-ci doit être soumis au comité d’entreprise pour information, mais peut aussi être transmis à l’inspection du travail. Ce que préfèrent éviter nombre d’entreprises.L’arrêt Nikon, rendu par la Cour de cassation, indique que l’employeur ne peut pas prendre connaissance des messages personnels émis ou reçus par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail. Est-ce là la seule jurisprudence ?D’autres arrêts ont été rendus depuis. La chambre sociale a corrigé l’interdit émis par l’arrêt Nikon dans son arrêt du 11 décembre 2001, qui porte sur l’ouverture d’armoire personnelle. Ce meuble, auquel peuvent être assimilés les dossiers électroniques portant la mention personnelle dans un disque dur, est considéré comme un lieu privé. Si l’on en croit cet arrêt, l’armoire peut être ouverte dans des situations exceptionnelles, sans l’avis du salarié.Peut-on réguler le droit à la déconnexion, pour les salariés qui sont équipés également à leur domicile ?Il ne s’agit évidemment pas de construire une usine à gaz technico-juridique, avec puces ou logiciels de contrôle dans chaque instrument de travail mobile, et contrôle hebdomadaire du serveur central. C’est une réaction du XIXe siècle ! Certains cadres peuvent naturellement préférer partir plus tôt le vendredi pour aller chercher leurs enfants à l’école, et finir leur travail, par exemple, le dimanche soir. L’enjeu dépasse largement le droit du travail puis- qu’avec les NTIC, le travail peut s’immiscer dans les moindres interstices de la vie privée. Il est donc légitime que loi, jurisprudence et surtout accords d’entreprise s’allient pour garantir le droit à l’isolement : la vie privée au XXIe siècle.

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Valérie Quélier