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Isaac Getz, professeur de management de l’innovation à l’ESCP-EAP : ” La créativité se gère avec un système de management des idées “

Les nouvelles technologies intensifient la créativité. Sa prise en compte en tant que ressource nécessite une gestion spécifique.

Le contexte

Lorsqu’il n’enseigne pas le management de l’innovation et de la créativité à l’ESCP-EAP, Isaac Getz accompagne des entreprises, tel le constructeur télécoms Wavecom, dans la mise en place de systèmes de gestion des idées des salariés. Son expérience lui permet d’en mesurer les enjeux et l’impact sur les organisations.Gérer les idées deviendrait-il incontournable pour les sociétés en quête d’innovation ? Toutes les entreprises, des industriels aux banques, cherchent l’innovation et la créativité. Or, certaines ont fait le constat des insuffisances de leur démarche, focalisée sur la recherche et le développement ou sur le jackpot d’une invention technologique. D’autres sont parvenues aux limites de la rationalisation suite aux fusions et acquisitions. Elles cherchent maintenant la croissance par l’innovation et la créativité. D’anciennes start up craignent, de perdre leur esprit créatif depuis qu’elles sont dans une logique financière. Toutes ces entreprises se retrouvent alors confrontées au management des idées.D’où la sollicitation des salariés ? En effet, elles ont compris que la créativité de leurs employés constitue leur plus grand facteur de réussite, davantage que les coûts et la qualité. Mais encore doivent- elles trouver leurs propres solutions pour la gérer. Car le risque lié à la non-gestion de ce potentiel est d’être dépassé par un concurrent qui le maîtrise parfaitement.L’informatique est-elle plus touchée que les autres secteurs par cette problématique ? Sur le marché mondial, les coûts ne jouent pas en faveur des éditeurs de logiciels et des fabricants de matériels européens. D’autant que la qualité est, elle aussi, généralement bien maîtrisée par leurs concurrents. Pour toutes ces entreprises, la seule et unique façon de se démarquer consiste alors à avoir un flux permanent de nouvelles idées menant à de nouveaux procédés, produits et services. Cela ne peut être obtenu que par le management de la créativité et des idées de leurs employés. Les SSII sont toutefois moins touchées par cette problématique, car le marché est plus localisé.Existe-t-il des outils spécifiques à mettre en place pour manager les idées ? L’entreprise doit mettre en place un système de management des idées. Bien qu’il n’en existe pas de générique, tout bon système doit néanmoins posséder certains mécanismes. Par exemple, le traitement rapide des idées est primordial : le délai de réponse à leurs auteurs ne doit pas excéder trois jours. Un mécanisme de reconnaissance permettra, quant à lui, d’éviter le piège classique, qui consiste à remplacer la véritable reconnaissance managériale et l’implémentation effective des idées par des sommes d’argent galvaudées. Les premières étapes de la mise en place d’un tel système consistent, entre autres, à faire l’état des ressources, à informer la hiérarchie et à communiquer en interne. Des démarches émergent un peu partout en Europe, et c’est déjà un excellent point. Le constructeur STMicroelectronics, le groupe Pirelli et d’autres ont développé de bonnes pratiques de management des idées. Mais il est regrettable que ces entreprises ne partagent pas leurs expériences pour continuer de s’améliorer.Quel est l’impact d’une telle méthode sur l’organisation de l’entreprise ? La direction générale tient une place capitale dans le management des idées, qui ne décollera pas si elle ne s’implique pas périodiquement dans la reconnaissance des meilleures idées de ses salariés. L’organisation doit, quant à elle, être décloisonnée. Il s’agit d’encourager et d’aider chaque salarié à remettre en question tout procédé, produit ou service de son entreprise, à proposer des améliorations, et à réaliser son idée, seul ou avec d’autres. Aujourd’hui, chez Toyota, les employés sur le terrain tirent des centaines de fois par jour sur la corde d’arrêt de la chaîne d’assemblage pour signaler des problèmes de qualité, et cela ne choque personne. En général, les opérationnels accueillent bien la démarche qui les encourage à émettre et à réaliser leurs idées. En revanche, l’impact est dur pour les directions intermédiaires, car le management participatif devient incontournable. En contrepartie, on gagne une nouvelle ambiance et un climat d’enthousiasme partagé.L’entreprise peut-elle évaluer la rentabilité d’un système de management des idées ? Un employé de l’équipementier Lucas a gardé pour lui pendant quatre ans une idée qui pouvait faire économiser 3,5 millions d’euros par an à sa société. Il ne l’a proposée qu’au moment du lancement du système de management des idées. Son implémentation a pris quelques heures, pour un coût de quelques centaines d’euros…

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Jean-Marie Portal