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Internet, facteur d’insertion ou d’exclusion pour les handicapés ?

Les nouvelles technologies permettent aux personnes invalides de mieux s’insérer dans la vie professionnelle. Mais, en France, bien des obstacles culturels demeurent.

“Si on brisait la glace” : c’est le slogan de la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées, organisée par l’Adapt (association pour l’insertion sociale et professionnelle des handicapés) et l’Agefiph (fonds pour l’insertion des personnes handicapées) qui se tiendra du 11 au 17 novembre prochain. Comme l’an dernier, Emailjob, l’un des principaux sites d’emplois sur le web, est partenaire de l’opération. Objectif : récolter le maximum d’offres d’entreprises souhaitant recruter des personnes handicapées. Une initiative originale ?” qui prouve qu’internet peut contribuer, d’une façon ou d’une autre, à améliorer leur insertion professionnelle?”, une goutte d’eau, à vrai dire, dans l’océan !Aujourd’hui, 300 000 handicapés sont au chômage, et leur taux d’emploi dans les entreprises stagne autour de 4 %, au lieu des 6 % prévus par la loi de 1987. “Souvent, les chefs d’entreprise pensent que c’est compliqué d’embaucher ces personnes parce qu’il faut s’assurer de l’accessibilité des locaux, et demander aux autres collaborateurs qui travaillent déjà beaucoup de s’occuper de ces personnes”, déplore Jacques Michaut, le directeur de la communication de l’Adapt. Pourtant, l’introduction dans leur environnement quotidien de technologies toujours plus performantes, et notamment internet, les rend de plus en plus autonomes et, par là, plus aptes à s’intégrer dans une entreprise. Une aubaine, en effet, tout particulièrement pour les personnes qui souffrent d’un handicap physique, et qui peuvent exploiter toutes les potentialités du réseau des réseaux (chat, etc.) en utilisant, par exemple, un clavier virtuel qui s’affiche sur leur écran d’ordinateur. Les personnes invalides acquièrent ainsi un nouveau statut au sein de leur équipe. Noemi Gourhand, frappée de surdité, est chef de projet internet au sein du service de communication de Total Fina Elf.“Avant, c’était frustrant de devoir passer par d’autres personnes pour communiquer. Maintenant, grâce à l’e-mail, je peux dialoguer avec tout le monde, sans distinction et sans frustration, en temps réel surtout.” Et d’ajouter : “Je travaille alors plus facilement en groupe, et nous perdons moins de temps en réunion qui sont de véritables calamités pour les sourds : les gens parlent en même temps et s’échauffent parfois. Du coup, c’est difficile de lire sur leurs lèvres et de ne pas perdre le fil de la discussion.”

Accès aux informations

Autre avantage, l’accès aux informations sur la toile. À partir d’un ordinateur équipé d’un logiciel de synthèse vocale, les non-voyants, par exemple, sont capables de lire des textes ou d’écrire des messages grâce à un clavier en braille. “Je peux enfin consulter “Le Monde”, se réjouit Sylvie Duchâteau, chargée de mission dans l’association Braillenet. Je n’ai plus à scanner les journaux et à les imprimer en braille ou à solliciter un de mes collègues pour qu’il me les lise.”Le web a donc apporté son lot de transformations dans le quotidien des handicapés. Reste qu’à ce jour, les choses se compliquent. Au départ, le réseau réduit à sa plus simple expression était surtout un lieu d’échanges réservé aux scientifiques, et les informations, essentiellement textuelles, qui y circulaient étaient lisibles par les non-voyants. Le net devient de moins en moins abordable pour eux car les sites, plus sophistiqués, intègrent des éléments graphiques que leurs outils ne reconnaîssent pas. “Mon sentiment à l’égard des NTIC est paradoxal : je suis à la fois content de les utiliser et très frustré, déplore Bachir Kerroumi, non-voyant, conseiller technique auprès de l’adjointe au Maire de Paris chargé des personnes handicapées. Quand je navigue sur le net, j’ai l’impression de passer à côté de plein de choses.” Il faut dire que, pour l’heure, aucun site n’est parfaitement accessible aux handicapés. Pourtant, il suffirait que ceux qui les conçoivent appliquent déjà des règles simples. Comme accompagner d’un commentaire textuel chaque image pour rendre toutes les informations lisibles en braille. Ainsi, plutôt que de mettre en ligne une icône représentant un haut parleur pour indiquer à l’internaute l’endroit où il faut cliquer pour écouter du son, la bonne solution est d’ajouter une mention explicite “cliquer ici pour écouter le son”. Ces obstacles techniques sont l’arbre qui cache la forêt. En réalité, le vrai problème est encore de changer le regard qu’on porte sur les handicapés. Et vite, car la France demeure sur ce point l’une des plus mauvaises élèves de l’Europe.

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Sandrine Chicaud