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Instinet dans l’incertitude

La filiale de Reuters doit trouver les moyens de lutter contre la concurrence. Les analystes restent confiants.

Un fil continu de mauvaises nouvelles. À la fin du mois de janvier dernier, Instinet licenciait 150 employés, 7 % de l’ensemble de ses effectifs globaux. Déjà, en juillet, la filiale de Reuters à 83 % avait congédié 240 personnes, et annoncé 78 millions d’euros (511 millions de francs) annuels d’économie.Tout avait pourtant bien commencé pour cette Bourse électronique. En mai dernier, l’introduction au Nasdaq avait dépassé les attentes, et la capitalisation avait atteint les 3,9 milliards d’euros. Le titre à 17 dollars à l’époque est retombé à 7 dollars.

Instinet a perdu la première place

“Le problème essentiel d’Instinet est la perte de sa part de marché”, juge Judah Kraushaar, analyste chez Merrill Lynch. De fait, la société, qui pesait à la fin de l’année 2000 près de 10,2 % du volume total des échanges d’actions américaines, ne représente plus que 8,6 % à la fin 2001.Pire : selon les dernières statistiques du Nasd (National Association of Securities Dealers), l’autorité de régulation des sociétés de Bourse aux États-Unis, Instinet aurait même été détrôné de sa place de numéro 1 par son grand rival américain, Island.Celui-ci aurait, en effet, exécuté 10,1 % du volume d’échanges du Nasdaq sur décembre, contre 9,2 % pour Instinet.“La théorie selon laquelle la liquidité engendre la liquidité semble se détériorer peu à peu pour Instinet”, commente l’analyste de Merrill Lynch. Mauvais point car ce critère de liquidité est crucial aux yeux des marchés.“Le problème rencontré, aujourd’hui, par les Bourses électroniques est d’acquérir la taille critique en volume sur le réseau”, commente un observateur.

Problème de liquidités

Faute d’un niveau de liquidité décent, il est difficile de garder des prix bas, principal avantage de ces plateformes en regard des marchés traditionnels. Les dangers potentiels ne s’arrêtent pas là pour Instinet. L’arrivée de nouveaux entrants comme Super Montage, le système de courtage électronique créé par le Nasdaq lui-même, pourrait confisquer un peu plus de liquidités.En outre, la part de marché consolidée par la fusion des numéros 3 et 4 des Bourses électroniques américaines ?” Archipelago et Redibook ?” pourrait, aussi, égratigner le Britannique. Les analystes ne se contentent toutefois pas de tirer la sonnette d’alarme.D’abord, les difficultés du leader ne semblent pas condamner le modèle des Bourses électroniques : ensemble, elles ont accru leur emprise sur Wall Street, de 20,1 à 24 % des échanges entre septembre et novembre 2001. Ensuite, la position d’Instinet est moins fragile qu’il n’y paraît.“La diminution de parts de marché reflète aussi une fidélisation accrue des clients à l’égard des Bourses les moins chères, commente Judah S. Kraushaar. Ce qui suggère que Instinet devrait améliorer sa proposition de valeur.”

Le plus du premier entrant

Autres opportunités possibles : celle d’augmenter la part des revenus générés par les transactions à l’international ?” en Europe et en Asie. Aujourd’hui, ces dernières ne représentent que 17 % de l’ensemble des revenus d’Instinet.L’activité de compensation pourrait également générer de plus gros revenus : un accord de partenariat noué avec Broadway Trading et l’acquisition à la fin de l’année dernière de ProTrader, un concepteur de logiciels spécialisé, devraient permettre de doper les revenus de cette nouvelle branche.Selon les recommandations des analystes, Instinet aurait intérêt à multiplier les commandes de ses clients investisseurs :“Cette clientèle représente 25 % de l’ensemble du volume d’actions du groupe, explique l’analyste de Merrill Lynch. Or, la tarification par action pour les institutionnels est 1,8 à 2 fois plus forte que celle des transactions des “brockers””.Dans la tourmente, Instinet semble donc posséder un certain nombre de cartes à jouer : “Nous continuons à penser qu’il atteindra ses objectifs de croissance : il s’agit d’un important agrégateur de liquidités qui dispose encore de l’avantage d’être le premier entrant dans ce secteur”, commente un analyste de Merril Lynch. Créé, il y a plus de 30 ans, Instinet a été racheté par Reuters en 1987 pour favoriser son implantation américaine. L’investissement doit encore faire ses preuves.

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Stéphanie Salti à Londres