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Informatique embarquée

Quelques jours avant son appareillage, le plus grand bâtiment de la marine française nous a permis de découvrir de quelles puces il est fait !

Toulon, février 2010. Quelques jours avant son retour à l’exercice et après plusieurs mois de révision dans son port d’attache, le porte-avions Charles-de-Gaulle nous a ouvert ses portes et dévoilé ses ordinateurs. Un sujet en or pour l’Ordinateur individuel ! Mais avant de monter à bord, quelques chiffres s’imposent pour présenter le premier bâtiment de surface français à propulsion nucléaire conçu par DCNS (l’ex Direction des Constructions Navales) et entré au service actif en 2001. Ses dimensions, bien que relativement modestes par rapport à celles des porte-avions nucléaires américains restent très impressionnantes. Avec sa masse de 40 000 tonnes environ et son pont d’envol long de 261 m (12 000 m2 soit la surface de deux terrains de football), le Charles-de-Gaulle est à l’heure actuelle le seul porte-avions européen doté d’une capacité de catapultage. Il peut accueillir et mettre en œuvre jusqu’à 40 aéronefs. L’équipage de cette base aérienne flottante se compose de 1 200 marins, auxquels s’ajoutent les 600 membres du groupe aérien embarqué (pilotes, techniciens, mécaniciens…).

Jamais sans ses frégates

Le Charles-de-Gaulle ne se déplace jamais seul. Il est accompagné d’une frégate de défense aérienne, d’une frégate anti-sous-marine, d’un ravitailleur et d’un sous-marin d’attaque. Pour commander cette force, un état-major composé d’une centaine de personnes est embarqué sur le porte-avions. Les moyens informatiques mis à leur disposition sont imposants puisque l’état-major utilise à lui seul 300 des 1 000 prises réseau déployées sur le navire, sans compter tous les systèmes de renseignement, d’information et de communication nécessaires à la conduite des opérations. Plus généralement, l’informatique est utilisée pour la mise en œuvre de l’armement et des avions et bien sûr pour tous les services qui contribuent à assurer le fonctionnement du navire, dans sa dimension d’entreprise ou de ville flottante : logistique, gestion du personnel, sécurité, loisirs, entretien… Bienvenue à bord !

SIC21

Le Système d’Information et de Commandement du 21e siècle, réalisé par Thales avec DCNS, est le dispositif logiciel et matériel modulaire qui permet la mise en relation des forces navales entre elles et avec les états-majors à terre ou embarqués. SIC21 est notamment utilisé pour l’échange d’informations de situation et de renseignement, la gestion des données météo, la préparation de missions… Le système repose sur le Réseau IP de la force navale (RIFAN), un intranet sécurisé réservé à un usage militaire. Les serveurs SIC21, déployés sur les navires en fonction des missions et besoins, sont fournis par HP et fonctionnent dans un environnement Windows. Ils regroupent de nombreux outils de communication (Exchange Outlook, visioconférence, tchate…) et d’information tels que des bases de données de navires civils et militaires utilisées dans le cadre de la lutte contre la piraterie maritime.

Le SENIT

C’est au centre DCNS du Mourillon à Toulon qu’est développé le Système d’exploitation naval des informations tactiques. Le SENIT, qui équipe la majorité des Central Opérations (CO) des grands bâtiments de la marine nationale, pilote tous les équipements qui participent au système de combat du CDG. C’est lui qui centralise et analyse les informations en provenance des différents senseurs (radars, sonars…), gère les liaisons automatiques des données tactiques, assure la mise en œuvre de l’armement et des systèmes d’autodéfense et, enfin, organise la défense de la flotte. Les 25 consoles du dispositif sont regroupées dans le CO, le cœur du système de combat, dont la mise en œuvre est assurée par 8 calculateurs, le tout refroidi par un circuit d’eau à 20°. Les calculateurs sont montés sur des résilients (ressorts) qui absorbent les vibrations du navire.

La cartographie

Le logiciel de navigation fonctionne à partir de cartes électroniques aux normes internationales, les mêmes que celles utilisées pour la navigation civile. Compte tenu du prix des cartes, certaines (assorties d’une mise à jour hebdomadaire) ne sont achetées qu’en cas de besoin, pour la durée de la mission. Le logiciel de navigation est couplé au GPS, afin de garantir une précision maximale. En effet, le porte-avions navigue souvent très près des eaux territoriales d’autres nations. Avant chaque pontée (phase de lancement d’un ou plusieurs aéronefs) et lors des phases de récupération, le chef de quart doit donc déterminer le cap du porte-avions et sa vitesse, en tenant compte des données météo. Il s’assure que le navire ou les appareils resteront à distance des eaux territoriales durant le temps que dureront ces manœuvres.

La Hotline

Le service informatique emploie douze personnes dont cinq se relaient dans ce local exigu pour assurer la permanence du service Hotline, accessible en composant le 16 depuis n’importe quel poste du navire. Ces derniers peuvent prendre le contrôle à distance de n’importe quelle machine, notamment pour résoudre les plantages de logiciels bureautiques (Word, Excel…). Pour les pannes plus complexes, ce sont les techniciens et administrateurs qui interviennent. Enfin, en cas de dysfonctionnement majeur d’un appareil, la société qui l’a fourni devra en assurer la réparation. Un service de hotline est également dédié à la téléphonie.

Le PC sécurité

En mer, plus d’une centaine de pompiers professionnels surveillent voies d’eau et incendies. Dans chaque service, des marins assurent la surveillance et la sécurité de la zone dans laquelle ils travaillent. En cas d’incendie, ce sont les premiers à intervenir avant la mise en alarme du bâtiment qui monopolisera tous les moyens de lutte de la zone concernée. Le PC sécurité dispose de plusieurs unités de traitement et de visualisation (UTV) sur lesquelles s’affichent les plans de chaque partie du navire. L’écran ci-dessus présente l’état de toutes les zones d’un pont couvertes par des détecteurs. En vert, tout fonctionne, en jaune, un détecteur est en panne, en rouge, c’est l’incendie. En cas d’alerte, la zone concernée s’affiche automatiquement. En plus des écrans, les pompiers disposent d’immenses plans papier grâce auxquels ils peuvent visualiser l’ensemble de la zone d’intervention.

Le soutien technique aéronautique

Dès qu’un Rafale se pose sur le pont, un technicien récupère la cassette de vol et la confie à l’application Harpagon qui va enregistrer les lignes de vol du chasseur et répertorier les éventuels dysfonctionnements et pannes. Le compte-rendu est diffusé, via le réseau local, aux trois ateliers de maintenance (avionique, cellule, armement), qui vont déterminer si l’appareil est apte pour une nouvelle mission ou s’il doit subir une intervention. Les données sont ensuite transférées vers le logiciel Amasis qui conserve les traces de toutes les interventions. Le service technique du porte-avions, comparable à celui d’une base aérienne, dispose notamment d’une salle propre où des techniciens en combinaison interviennent sur les organes électroniques du Rafale.

La salle de distraction

Cette pièce dispose de trois PC reliés à Internet. Chaque marin peut y accéder librement à l’aide d’un mot de passe personnel, mais pour des raisons légales et de sécurité, l’historique de navigation est systématiquement conservé. En outre, certains sites lui sont interdits, de même que l’accès aux services de messagerie instantanée et aux réseaux sociaux. Le marin peut également envoyer des mails (en mode texte et sans pièce jointe) via le service de messagerie autorisé. En revanche, toujours pour des raisons de sécurité, les réponses lui sont adressées par courrier papier sous enveloppe. Outre l’accès à Internet, la salle dispose de huit PC dédiés au jeu en réseau. Par convention, les marins s’y relaient tous les quarts d’heure afin de laisser à chacun l’opportunité de jouer. Enfin, ceux qui le souhaitent peuvent s’initier à l’anglais grâce à des logiciels d’apprentissage.

L’administration

Comme n’importe quelle entreprise, le Charles-de-Gaulle dispose d’un service de gestion du personnel. Gestion de carrière, paie des marins, droits individuels, sans oublier la notation annuelle ou l’aspect disciplinaire sont traités ici. Historiquement, il s’agit d’un des premiers services de la marine à avoir été doté de PC grand public, au milieu des années 90. Auparavant, les navires embarquaient des systèmes durcis (et donc extrêmement coûteux) censés mieux résister aux conditions parfois difficiles de la navigation.

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Philippe Fontaine