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Hervé Simon (Leroy Merlin)

‘ Externaliser la totalité de son informatique est une démission. ‘

Hervé Simon a pris le large : Chine, Russie, Brésil… Le DSI de Leroy Merlin a du pain sur la planche et, en matière de système d’information, c’est sûr, il ne bricole pas.01 DSI : Leroy Merlin occupe la sixième place mondiale dans le secteur du bricolage. Désormais, les préoccupations de votre DSI sont-elles donc forcément de nature internationales ?


Hervé Simon : Le groupe de bricolage Leroy Merlin est généralement très connu au travers de son enseigne éponyme. Or, son périmètre s’est fortement élargi depuis quelques années. Il regroupe aujourd’hui plusieurs
enseignes (Bricoman, Domaxel, Obi, Aki, Bricocenter… et a diversifié ses activités. Leroy Merlin s’est implanté en Espagne, au Portugal, en Italie, en Pologne et plus récemment en Chine, en Russie et au Brésil. Notre groupe emploie environ
15 000 personnes en France et a affiché l’an dernier une croissance soutenue. Son taux de croissance organique est continu (entre 15 et 20 %) depuis plusieurs années.


L’informatique y tient donc une place de plus en plus importante. Mon rôle est d’essayer de mettre la performance de la DSI au service de la performance de l’entreprise. Et mon objectif, d’ici à cinq ans, consiste à baisser de
30 % nos coûts relatifs et à construire une DSI capable de gérer la croissance de l’entreprise. Sans pour autant la laisser grossir de façon disproportionnée.Est-il difficile d’adapter le SI à tous ces marchés internationaux ?


En tant que DSI, je dois aligner le système d’information en fonction de l’évolution du périmètre d’activité et du taux de croissance du groupe. Mais aujourd’hui, le marché du bricolage devient très encombré, les opportunités
d’acquisitions se font plus rares. Maintenir un taux de croissance élevé apparaît de plus en plus compliqué. Aussi, le système d’information forme la partie la plus complexe de l’entreprise, du fait de son extension à l’international.


Nous avons installé cette année les systèmes d’information adaptés à nos nouveaux sites de Pékin et de Moscou. Pour ce faire, nous avons décidé de respecter l’homogénéité de l’infrastructure informatique du groupe. Les infrastructures
installées en Chine, en Russie et au Brésil sont par conséquent bâties sur la même base qu’en Europe. Nous avons toutefois innové en matière de briques logicielles. Ne serait ce que pour résoudre les problèmes de langue, comme en Chine. Je dispose à
ce jour de 7 000 programmes Leroy Merlin, qu’il s’avère impossible de traduire en chinois. Nous avons donc préféré mettre en place un nouveau progiciel intégré, adapté à la spécificité du pays. Mes équipes ont eu besoin de neuf mois pour
pouvoir implanter le nouveau système d’information. Un record ! Avec nos applicatifs d’origine, nous aurions mis au moins deux ans.


Pour nos récentes implantations, nous nous accordons le temps nécessaire pour comprendre les nouveaux marchés locaux et le pouvoir d’achat qui en découle. En 2015, la Chine devrait représenter un véritable relais de croissance pour
notre groupe.Est-ce un chantier permanent ?


Je citerai plusieurs axes stratégiques. Avec tout d’abord l’étape, lancée depuis trois ans, du reenginering interne et de la réurbanisation du système d’information en Europe. Puis nous avons l’intention de fédérer un ensemble de
systèmes d’information du groupe. Je suis aujourd’hui dans un grand virage technologique, et dans une logique de centralisation des architectures. Je dois rendre plus performants le système d’information lié aux activités de vente assistée de Leroy
Merlin ainsi que l’informatique des magasins offrant le libre-service.Nous avons également décidé de rajeunir le système d’information des moyennes surfaces de bricolage. Plusieurs produits sont actuellement en phase de test, comme le progiciel de gestion intégré Aldata. Le choix sera arrêté en juillet
prochain. Un autre chantier en cours pour ces petites et moyennes surfaces consiste en la migration de l’environnement Unixware vers Linux ?” et ce, tout simplement pour des raisons de coûts.


Parallèlement, le projet de mise en place du système d’information à l’international a été lancé cette année. Et, de ce fait, j’ai dû définir un projet d’externalisation. Je déléguerai un certain nombre de tâches liées à la technicité.
Une partie de la production informatique sera ainsi confiée à un tiers. L’appel d’offre est d’ailleurs en cours. Quant aux applicatifs, j’ai chargé récemment Sopra Group d’assurer la maintenance des applications achats et logistique. Pour être plus
précis, disons que nous avons changé de prestataire depuis un an. Le précédent fournisseur ne nous avait pas donné satisfaction.Quels principes appliquez-vous pour l’externalisation ?


J’estime qu’externaliser la totalité de son informatique révèle une démission. Sous prétexte que le système d’information est un domaine compliqué ! On ne peut pas déléguer une tâche à ce point stratégique. Concernant le groupe
Leroy Merlin, nous n’externalisons pas notre c?”ur de métier, à savoir le commerce. En revanche, nous serons épaulés par des collaborateurs externes, performants et aptes à gérer les informatiques du Brésil, de la Chine, de la Russie, tout comme
celles de l’Europe concernant les enseignes Leroy Merlin, Bricoman, Domaxel, Obi, Aki et Bricocenter.


Nous avons besoin d’assistance extérieure et voulons recourir à des compétences en termes techniques et de méthode. Et ce, sans oublier trois critères importants : souplesse, économie et professionnalisme. Si l’on ne retrouve pas
au minimum deux de ces critères chez un prestataire, ce n’est pas la peine d’externaliser.


Nous externalisons une partie de chaque composant de la DSI, mais en aucun cas la totalité de l’informatique. Il ne s’agit pas non plus de décharge. Je dois donc m’assurer que je possède les compétences en interne. Ce contrôle allant
du pupitrage au développement, en passant par la maintenance applicative. Un projet d’externalisation doit être mené avec beaucoup de prudence et de professionnalisme. Les conséquences, dans le cas contraire, peuvent se révéler dramatiques après
seulement deux ans. Le prestataire doit également pouvoir faire progresser mes équipes en interne. Sinon, l’externalisation ne sert à rien.Vous affirmez ne pas être très favorable au référencement des fournisseurs et des SSII tel qu’il a été effectué ces dernières années par de nombreuses grandes entreprises. Estimez-vous qu’il existe des risques à ce
sujet ?



Je n’approuve pas ce mode de fonctionnement et, volontairement, je ne l’ai pas instauré dans mon service. Certes, la conséquence de ne pas référencer ses fournisseurs est de subir une sollicitation plus fréquente. Mais, à l’inverse,
référencer des fournisseurs exige beaucoup de temps, occulte la recherche permanente de mise en compétition et d’innovation, et ignore la vie même des fournisseurs.


Par exemple : nous évaluons le niveau de qualité de nos fournisseurs. S’ils réalisent des prestations à valeur ajoutée et si l’on constate une volonté véritable de mieux nous servir, un système de primes se voit alors appliqué.
C’est exactement le même principe que celui que nous suivons avec nos propres clients. S’ils viennent dans nos magasins, nous ferons tout pour les fidéliser. Et s’ils ne sont pas nos clients, nous essaierons de les attirer. Mais je n’imagine pas
faire signer un contrat à un client en lui demandant de ne pas aller voir en face !


Il faut savoir rester le meilleur, en permanence. C’est sans doute le secret de la performance à long terme. L’idéal serait un comportement identique chez nos fournisseurs. Nous leur serons alors fidèles. Mais je refuse le terme de
‘ partenaire ‘ pour un fournisseur ! Cela ne veut rien dire.


Cependant, si ma DSI ne privilégie pas la pratique du référencement, cela n’empêche pas non plus mon service des achats de signer des contrats cadres susceptibles de régir plusieurs types de prestations.Comment organisez-vous votre DSI et les équipes ?


Ma direction des systèmes d’information rassemble cinq directions dédiées aux métiers de l’informatique ainsi qu’à celui de la distribution. En résumé, je désire que la DSI soit proche du métier de l’entreprise, avec une assistance à la
maîtrise d’ouvrage (MOA) forte, dotée d’un double savoir-faire, technique et métier. En effet, je ne conçois pas de structure de DSI propre à chaque pays, mais préfère développer des DSI selon des couples continent-métier.


Et c’est à partir de ce modèle d’organisation que mes équipes d’informaticiens optimisent, consolident et urbanisent les systèmes d’information, tant au niveau national qu’à celui international. Les missions sont diverses, à commencer
par les travaux de développement, de conception d’applicatifs, de maintenance, d’exploitation informatique, de la mise à disposition des outils et des systèmes. Et elles peuvent aller jusqu’à l’accompagnement et la formation des utilisateurs. Il
existe tellement de projets en cours, nationaux et internationaux, que nos collaborateurs sont devenus très mobiles.


A ce jour, nous sommes à la recherche de nouveaux profils très proches des métiers, avec une grande capacité d’écoute auprès de nos utilisateurs. La valeur ajoutée de mes équipes, c’est d’abord et avant tout la connaissance du métier
de la distribution !

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Clarisse Burger