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Hadopi : quelques précisions et beaucoup de flou

L’autorité chargée de la lutte contre le piratage est revenue sur la notion de sécurisation de l’accès à Internet mais reste vague sur bien des points. Et ne donne aucun calendrier.

La riposte graduée, au centre du dispositif de l’Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet), ne va pas concerner les pirates et les contrefacteurs. Non, elle vise les internautes qu’on soupçonne d’atteinte au droit d’auteur (adresse IP relevée sur les réseaux de P2P) et qui n’auront pas sécurisé leur accès à Internet pour éviter qu’il y ait téléchargement illégal. C’est l’Hadopi elle-même qui a tenu à rappeler cette nuance ce lundi 28 juin après-midi, lors d’une conférence de presse dans ses locaux.

Samedi 26 juin a ainsi été publié au Journal officiel le décret définissant la « contravention de négligence caractérisée protégeant la propriété littéraire et artistique sur Internet ». Cette infraction pourra être retenue par un juge contre une personne, si, après deux recommandations – dont une lettre recommandée – envoyées par la Commission de protection des droits [la CPD, entité de l’Hadopi chargée de traiter les infractions repérées par les ayants droit, NDLR], elle n’a pas sécurisé son accès à Internet. Et si des actes illicites ont continué d’être relevés sur ce même accès pendant un an suivant la seconde recommandation.

La CPD, pendant le processus, appréciera la réalité de l’infraction (en recevant les observations de l’internaute) et saisira éventuellement le procureur de la République. Dans ce cas, un juge décidera si la personne est reconnue coupable de négligence caractérisée. L’internaute risquera alors 1 500 euros d’amende (1) et une peine complémentaire de suspension de son accès à Internet pendant un mois.

Le problème, c’est que ni la loi ni le décret n’imposent tel ou tel moyen de sécurisation. « Ils seront appréciés par la Commission de protection des droits, a précisé Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la CPD. On ne demande pas forcément que ce soit un système labellisé par l’Hadopi. Il s’agit de tout moyen mis en œuvre pour empêcher le téléchargement. Si une mère met l’ordinateur dans un placard sous clé pour empêcher son fils de télécharger et que cela marche, c’est un moyen de sécurisation, pas besoin d’installer un logiciel. »

En revanche, si l’internaute n’a rien fait ou que le moyen mis en place ne fonctionne pas, ou plus, il y aura négligence.

Les dossiers d’infraction soumis aux critères de l’Hadopi

Résultat : l’Hadopi peut parfaitement commencer son travail sans les décrets, qui ne sont toujours pas parus, concernant la labellisation des logiciels de sécurisation.

Pour le reste, la Haute Autorité, comme les ayants droit, ne livre aucun calendrier. Elle ne compte d’ailleurs pas annoncer de date pour l’envoi de ses premiers messages d’avertissement. Le message en lui-même n’est de toute façon pas validé. Une première version est bel et bien rédigée, mais elle doit encore passer par une consultation publique auprès des professionnels.

Si l’on sent nettement une volonté de dédramatisation de la part de l’Hadopi, les choses ne sont pas plus claires pour autant. « Ce n’est pas parce qu’il y aura un procès-verbal d’infraction qui sera transmis à l’Hadopi par les ayants droit qu’il y aura sanction, a par exemple expliqué Mireille Imbert-Quaretta. C’est la CPD qui décidera quoi faire ; c’est donc le contraire d’un système automatisé. » Cette dernière appliquera ses propres critères pour savoir quoi faire des procès-verbaux. Elle pourra même décider de ne pas tous les étudier. Mais voilà : les critères en question ne sont pas encore définis. L’Hadopi attend justement d’être confrontée aux premiers dossiers pour définir sa politique.

De plus, l’autorité ne compte saisir le parquet que « lorsqu’il n’y aura aucun doute que l’abonné qui correspond à l’adresse IP est bien l’auteur de l’infraction ». Et comment l’Hadopi sera-t-elle sûre de son coup ? Là encore, il faudra attendre qu’elle entre en action pour le savoir.

(1) 3 000 euros en cas de récidive. Les montants sont mutlipliés par cinq pour les personnes morales (7 500 et 15 000 euros).

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Arnaud Devillard