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Hadopi : « loi folle », projet « mort-né », « la destruction du Net »

Il n’y avait pas que des adeptes d’un « Internet civilisé » à l’e-G8. Les détracteurs de ce modèle promu par Nicolas Sarkozy étaient aussi présents. Petit verbatim.

L’e-G8 aura eu son petit « contre-sommet ». En marge du forum, la Quadrature du Net organisait ce mercredi matin une conférence de presse pour faire entendre la voix de ceux qui s’opposent à la régulation d’Internet, telle que Nicolas Sarkozy la souhaite. Selon l’association qui milite pour la liberté d’expression sur la Toile, les mesures voulues par le président de la République pour « civiliser » le Net déboucheront sur la censure et la surveillance des citoyens.

Le modèle de Nicolas Sarkozy est d’ailleurs loin de faire l’unanimité, y compris parmi les invités officiels de l’e-G8. La réponse française à la question du droit d’auteur sur Internet, en particulier, ne convainc pas tout le monde. La Hadopi en prend pour son grade. Morceaux choisis.

John Perry Barlow, cofondateur de l’Electronic Frontier Foundation, ancien parolier du groupe Grateful Dead.
Cet activiste, fervent défenseur des libertés individuelles, a abordé le thème de la propriété intellectuelle, sur le même plateau que Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et Pascal Nègre, patron d’Universal Music France.
John Perry Barlow a commencé par leur donner sa propre définition de la création artistique : « Je ne viens pas de la même planète [que les gens qui participent au débat, NDLR]. Je suis peut-être le seul à gagner ma vie en créant ce que ces messieurs ont l’air ravis d’appeler la propriété intellectuelle. Je ne considère pas ma création comme une propriété. Une propriété, c’est quelque chose que l’on peut me prendre […]. La propriété intellectuelle ne s’applique pas à l’expression. »

« La propriété intellectuelle ne s’applique pas à l’expression »

Et d’interpeller Frédéric Mitterrand sur la tentation de renforcer les mesures de contrôle de la diffusion des contenus en ligne, au profit de « certains milieux d’affaires ». Il appelle à un comportement éthique et moral. Selon lui, le renforcement de mesures toujours plus restrictives pour défendre la propriété intellectuelle aboutira à casser le Net. « Si on commence par contrôler la propriété intellectuelle, on finira pas contrôler également toutes les formes d’expression qui nous déplaisent », souligne John Perry Barlow, pour qui Internet constitue une opportunité incroyable pour l’humanité. « Pour la première fois dans l’histoire, il est possible d’accorder à chaque être le droit de savoir […], le droit de s’exprimer, voilà un héritage crucial que nous pouvons laisser à nos enfants ».

Lawrence Lessig, professeur de droit, promoteur du concept de free culture et créateur des licences Creative Commons.
Ce spécialiste du droit d’auteur, défenseur d’une alternative au copyright, a également fustigé les tentatives du gouvernement français pour réguler Internet et encadrer le droit d’auteur en ligne. « Bien sûr, il nous faut un système de droit d’auteur qui garantisse la rémunération des créateurs, reconnaît M. Lessig. Nous en avons besoin. » Mais la solution apportée par les gouvernements occidentaux dans ce domaine n’est pas la bonne, selon lui. « Elle favorise ceux [les industries, NDLR] qui sont déjà en place au détriment des autres, qui sont porteurs d’innovation », explique le juriste, qui met directement en cause la réponse graduée française, qualifiée d’idée « mort-née ».

« Il faut protéger l’architecture du réseau »

Le système en place a vécu, il nuit à l’innovation, selon M. Lessig, qui conclut par une mise en garde adressée aux gouvernants : « Méfiez-vous de ceux qui sont en place et vous demandent des solutions. Ils veulent augmenter leurs profits, mais vous, vous devez vous préoccupez de l’intérêt collectif. […] L’avenir d’Internet, ce n’est pas Twitter, Facebook ou Google. L’avenir d’Internet n’est pas ici. Il n’a pas été invité. […] Le moins que l’on puisse faire c’est de protéger l’architecture du réseau et son avenir pour garantir celui de ceux qui ne sont pas encore dans cette salle. »

Xavier Niel, patron d’Iliad.
L’entrepreneur français est un habitué des déclarations anti-Hadopi. Invité officiel de l’e-G8, il n’a pas raté l’occasion de rappeler son hostilité au dispositif français : « La loi française n’est pas bonne. Si vous piratez, le gouvernement français vous coupe Internet. […] C’est fou. On ne peut pas faire cela. On peut faire ce que l’on veut, donner une amende, mais pas couper Internet aux gens. »

Le forum se terminera ce soir avec une déclaration commune des participants. Leurs propositions seront soumises aux chefs d’Etat du G8, qui se déroulera à Deauville les 26 et 27 mai 2011.

L’enregistrement vidéo de ces interventions est disponible sur le site de l’e-G8.

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Stéphane Long