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Génération d’accros

Il s’échange plusieurs milliards de messages par jour via les logiciels de messagerie instantanée. Un outil de communication qui s’est développé de manière fulgurante.

Parmi les nouveaux moyens de communication électronique, la messagerie instantanée tient une place prépondérante dans le quotidien des Français. Selon l’enquête de Juniper Networks réalisée en 2008, 64,5 % des personnes interrogées considèrent qu’elle est devenue un outil essentiel pour garder le contact avec leur entourage. La messagerie instantanée arrive en troisième position derrière le courrier électronique (plébiscité à 91,3 %) et le téléphone mobile (84,7 %).Le principe est simple : permettre aux internautes de communiquer avec leurs proches en temps réel, dès lors qu’ils sont connectés en même temps sur le même réseau. Le premier logiciel de messagerie instantanée a été développé par le MIT (Massachusetts Institute of Technology) en 1987 aux États-Unis et utilisé dans les années 1990 par les abonnés d’AOL. C’est en 1996 qu’une société israélienne lance ICQ (“ I seek you ”, “ je te cherche ” en français), un logiciel à destination du grand public. Une petite révolution pour l’époque qui rencontre un grand succès, ce qui pousse le fournisseur d’accès américain AOL à racheter la société. Il va proposer en parallèle son logiciel AOL Instant Messenger (AIM). Puis apparaissent simultanément des nouveaux systèmes propriétaires comme Yahoo! Messenger en 1998, puis MSN chez Microsoft en 1999. D’autres acteurs vont également investir le secteur : Skype, développé en 2003 par les créateurs de Kazaa et davantage axé sur la VoIP, ainsi que Jabber, un logiciel libre dont la première version publique est sortie en 2000. Google ne lance Talk, son service de messagerie instantanée, qu’en 2005.

Échange et partage

En France, le logiciel de Microsoft, Windows Live Messenger (ex-MSN), domine le marché. “ Je suis sur MSN tous les jours après les cours pour tchater avec mes copains. Je reste connecté toute la soirée en même temps que je travaille ou que je regarde la télévision. On garde le contact, on s’échange des fichiers ou des vidéos. Ça permet de discuter avec plusieurs personnes en même temps sans faire exploser mon forfait de téléphone ”, confie Julien, 17 ans, lycéen. Comme bon nombre de jeunes, le premier geste de Julien lorsqu’il rentre chez lui est d’allumer son ordinateur et d’ouvrir sa session sur sa messagerie instantanée. Un geste qui tient plus du réflexe que de l’acte réfléchi. Il signifie ainsi à ses amis sa présence en ligne et sa disponibilité et voit lesquels sont connectés. Pour tchater, Julien utilise un langage direct, spontané, sans fioriture. Cette grande liberté de ton est l’apanage de ce type de conversation. Personne ne se formalise des tournures de phrases approximatives ou des réponses sibyllines. Le jeune homme envoie aussi de nombreux fichiers, une fonction très simple qui contribue à renforcer les notions de partage et d’échange. “ Les ados sont très à l’aise avec ce mode de communication qui structure leur vie sociale et qui relève de l’intimité, note Pierre Harand, directeur des services Internet grand public chez Microsoft. Leur engouement ne faiblit pas, bien au contraire. ”L’utilisation quotidienne de la messagerie instantanée démontre l’importance que ce mode de communication a prise dans les relations sociales. Cet outil qui s’est développé de manière fulgurante chez les jeunes séduit maintenant toutes les tranches d’âge, jusqu’aux seniors. En France, Windows Live Messenger comptabilise 80 % des internautes utilisateurs chez les 15-25 ans, 75 % chez les plus de 25 ans et 20 % chez les plus de 50 ans.Cette dernière catégorie a connu un taux de croissance record de 80 % en un an à la fin 2008. Les adolescents, fans de la première heure, ont grandi avec MSN et lui sont restés fidèles tout en initiant leurs parents et grands-parents. Ce service, qui fête ses 10 ans d’existence cette année, relaye un fort lien de socialisation intergénérationnel. Sylvie, 46 ans, qui habite Nouméa en Nouvelle-Calédonie, en est devenue une accro. “ C’est une façon économique et simple de papoter régulièrement avec ma fille, étudiante à Toulouse, de rester en contact avec mon père ainsi qu’avec mes amis qui vivent en France et au Maroc. Les appels téléphoniques coûtent très cher depuis Nouméa et nous sommes vraiment à l’autre bout du monde. En me connectant, j’ai l’impression d’abolir le temps et les distances. ”Ces conversations en temps réel se sont installées dans la vie quotidienne des Français en complément de l’utilisation du téléphone portable ou des e-mails. À tel point qu’elles sont vite passées de la sphère privée à celle de l’entreprise.

Attention aux dérives !

La messagerie instantanée est devenue un outil de communication interne privilégié dans les start-up du Web et des nouvelles technologies. “ Grâce à la rapidité et la flexibilité de cet outil, les cloisons entre les bureaux tombent, les distances sociales sont abolies, les contacts désinhibés, observe Frédéric Cozic, chef de projet pour le Web. C’est moins formel que l’e-mail, moins dérangeant que l’appel téléphonique et plus réactif. ”Mais ce service peut devenir très vite chronophage, surtout si se confondent sur le poste de travail échanges privés et professionnels. La frontière est vite franchie dès lors que les employés sont connectés en permanence. C’est à eux de s’autoréguler pour éviter les dérives qui pourraient nuire à leur activité. Face à des utilisations excessives, certains DSI ont pris la décision d’en limiter l’accès aux seuls contacts professionnels ou, de manière plus radicale, de les bloquer. “ On devient dépendant, toujours l’œil à l’affût du dernier message, et les copains deviennent rapidement envahissants quand ils nous voient connectés. Il faut instaurer des règles entre nous ou se signaler “ indisponible ” pour ne pas être dérangé en permanence ”, confie Gilles, directeur artistique dans une boîte de publicité.

Vers encore plus d’ouverture

Face à ce succès, les réseaux sociaux ont réagi en créant leur propre messagerie instantanée. En 2008, Facebook et MySpace ont ouvert leur site aux conversations en temps réel. Avec le tchat de Facebook, les membres peuvent converser avec leurs amis sans avoir à gérer une liste de contacts. Il leur est possible de tchater depuis n’importe quel navigateur Web sur n’importe quel ordinateur sans installer de logiciel. Avant d’implémenter de nouveaux services, le site a dû s’assurer qu’il pouvait gérer chacun de ses utilisateurs à travers le monde, soit 150 millions de personnes. Un développement qui tient d’une logique économique pour fidéliser les membres et engendrer du trafic. Le site américain Twitter (“ gazouillis ” en français) a vu son audience exploser depuis un an grâce à la communauté geek. À mi-chemin entre le réseau social, le blog et la messagerie instantanée, il fonctionne sur le principe de l’échange de messages courts (140 caractères) de type informatif diffusés à partir d’une page Web ou d’un téléphone mobile. D’une vitalité et d’une instantanéité impressionnante, le service enregistre entre 5 000 et 10 000 nouveaux comptes par jour. C’est par un “ tweets ” que la communauté a appris, une demi-heure avant CNN, l’amerrissage d’urgence d’un Airbus A320 sur l’Hudson, à New York, photos à l’appui. Véritable phénomène de société, le service a été utilisé par de nombreuses personnalités pour diffuser leur information : le staff de Barak Obama lors de la campagne présidentielle, l’équipe de Steve Jobs à l’occasion de la présentation de ses nouveaux produits, Britney Spears pour la promotion de son dernier album.Les messageries instantanées évoluent vers plus d’ouverture, plus d’interopérabilité. Elles ne se contentent plus de l’écrit mais sont passées à l’oral et à l’image via les webcams, tout en s’ouvrant à une dimension plus sociale. Des développements très suivis par les utilisateurs pour lesquels la communication instantanée sous toutes ses formes et vers tous les réseaux est devenue une vraie nécessité.

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Frédérique Crépin