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François Hurel (APCE) : ‘L’opposition entre ancienne et nouvelle économie a des effets pervers’

Observateur privilégié en matière de création d’entreprise, le délégué général de l’Agence pour la création d’entreprise replace le phénomène de la Net-économie dans un contexte plus global.

François Hurel gère l’Agence pour la création d’entreprise ( étude sur les start-up françaises pour dresser un portrait de la nouvelle économie.Pensez-vous que la France est entrée dans l’ère de la Net-économie ? Non. La révolution de la Net-économie n’est pas achevée. L’e-business ou l’e-commerce sont encore balbutiants en France. On avance, mais on n’est pas encore mûrs. D’accord, l’économie en réseau a bouleversé les vieux principes. Mais attention : l’avancée d’Internet ne touche pas encore tout le monde. La Net-économie a décollé, certes, mais il reste beaucoup à faire. En tout cas, le secteur est loin d’être bouché, et il reste largement la place pour les bonnes idées et les initiatives.Que représentent aujourd’hui les start-up dans la création d’entreprise ? Les start-up constituent une infime partie de la création d’entreprise. Mais c’est celle que l’on met en avant. Mais au fait, qu’est-ce qu’une start-up ? Il n’existe pas vraiment de définition : forte croissance, capitalisation de ressources financières, nouvelles technologies … La définition dépend de l’interlocuteur. Finalement, le terme ” jeune pousse ” ne convient pas si mal. D’ailleurs, je connais un tas de start-up qui n’ont aucune activité sur le Net. Pour moi, ce sont des entreprises qui attirent une capitalisation extérieure très rapidement et proposent une nouveauté à quelque titre que ce soit : modèle économique, stratégie commerciale ou technologie, par exemple. Internet en fait, bien entendu, partie. Mais ce n’est pas le seul critère. Et, aux Etats-Unis, c’est la même chose. Cependant, pour la plupart, il est vrai qu’elles sont au moins utilisatrices de nouvelles technologies. Il n’existerait donc pas de nouvelle économie …Je n’accepte pas l’opposition entre ancienne et nouvelle économie. La ” nouvelle ” n’existe pas sans l’autre. Et cette opposition a des effets pervers. On ne peut pas promouvoir la Net-économie, qui est une économie de type casino, en mettant les start-up dans une bulle. Imaginer qu’il faut aider particulièrement ces entreprises-là serait dangereux pour l’ensemble de notre économie, mais aussi injuste. Les petites entreprises qui se créent dans toute la France ?” sur des services de proximité, par exemple ?” méritent tout autant notre attention. Ne serait-ce que par les emplois qu’elles créent, elles aussi.Mais les start-up et, surtout, leurs créateurs n’ont-ils pas des profils bien différents ? Justement, pas tant que l’on croit. Nous avons publié les résultats de la première étude menée en France sur ces sociétés créées depuis deux ou trois ans. Je croyais fermement à la mythologie aujourd’hui répandue sur les start-up. Mais j’ai finalement appelé cette étude ” Du mythe aux réalités “. Première surprise, les créateurs de start-up ont, pour la grande majorité, entre quarante et quarante-cinq ans ; et ce sont des hommes à 97 %, contre 60 % pour les entreprises en général. Ils ont un haut niveau de formation et ont tous exercé une activité salariée à un degré élevé qui leur a permis de se créer leur réseau personnel. Et c’est justement grâce à ce réseau qu’ils ont pu lancer leur entreprise.Quels sont les enseignements de votre étude ? Les objectifs de ce sondage étaient de définir la start-up, de la remettre dans une perspective historique et face aux autres pays, et, surtout, d’en étudier les principales caractéristiques en France actuellement. Première conclusion issue des réponses d’une centaine de start-up : ces sociétés sont des entreprises comme les autres. Seul l’environnement financier est différent. Mais elles sont confrontées aux mêmes difficultés que les autres. Le deuxième enseignement que je tire de cette étude est qu’il ne faut surtout pas traiter ces entreprises à part, en les opposant aux autres entreprises. L’environnement financier correspond-il aux besoins particuliers de ces entreprises ? Il manque des outils de financement au niveau local. Il faudrait réinventer la Bourse locale. Certains ont besoin de capitaux dès le départ. Et il est difficile de trouver des mécanismes qui allient proximité, rentabilité et solidarité. Dans la Silicon Valley, d’ailleurs, on voit bien que la capitalisation des start-up est issue du tissu local. En France, c’est du tout ou rien : soit on va à Paris et on trouve tout ce que l’on veut, soit c’est le désert. Heureusement, quelques initiatives, comme les First
Tuesday, commencent à essaimer en province.Le taux d’échec est-il plus important au sein des start-up ? Il faut absolument tordre le cou à un chiffre qui se diffuse largement à tort : les 50 % d’échec ne veulent rien dire, car ils prennent en compte les fusions-acquisitions d’entreprises. En réalité, ce sont seulement 19-% des entreprises qui essuient un échec économique dans les trois ans suivant leur création. La vente d’une entreprise ne peut pas être considérée comme un échec, surtout à l’heure actuelle ! Et puis, focaliser sur l’échec reviendrait à dissuader une personne d’acheter une voiture sous prétexte qu’il y a huit mille morts par an sur les routes ! Il est très facile de décourager les créateurs. Notre rôle est, au contraire, de les encourager.

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Propos reccueillis par Corinne Zerbib