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Financement des start-up : les ” equity line ” arrivent en France

Elles s’apparentent à des augmentations de capital étalées sur plusieurs années. Dernière bouée de sauvetage des start-up, ces lignes de crédit seront peut-être le dispositif boursier du futur.

Ralentissement de la croissance, déprime boursière… Le cash est devenu une denrée très rare pour les entreprises. Seulement une vingtaine de sociétés du Vieux Continent devraient s’introduire en Bourse d’ici à la fin de l’année. Soit moins du quart des opérations réalisées sur le dernier trimestre 2000. Les entreprises craignent la défaillance des investisseurs. Elles redoutent peut-être aussi d’être obligées de brader la valeur de leurs nouveaux titres. Ainsi, Deutsche Telekom, l’opérateur historique allemand, a renoncé ?” pour le moment, tout au moins ?” à l’introduction en Bourse de sa filiale de téléphonie mobile, T-Mobile.

Le précédent Orange

Difficile, en effet, de séduire de nouveaux bailleurs de fonds quand tout le monde a en tête la déconfiture d’Orange ! La filiale de France Telecom a perdu 38 % depuis son introduction au début de l’année. Et que dire du décrochage du Nouveau Marché français, qui chute de 98 % depuis un an et demi. Ce bilan est-il sans appel ? Rien n’est moins sûr.” La nécessité est la mère des inventions “, comme dit l’adage populaire. C’est pourquoi on assiste à l’arrivée en France de nouvelles formes d’augmentation de capital.Dans le cadre d’une augmentation traditionnelle, les nouveaux titres sont proposés aux investisseurs pendant une durée n’excédant généralement pas deux semaines. Un laps de temps qui, en période d’euphorie boursière, est largement suffisant pour ” placer du papier “, pour reprendre le jargon les ” mécanos ” des opérations financières. Mais en période de déprime, le délai réglementaire d’une classique augmentation de capital devient beaucoup trop court pour séduire des investisseurs devenus frileux. Dès lors, le risque, pour l’entreprise, est de ne pas parvenir à lever suffisamment de fonds, de devoir se contenter que de quelques miettes et, par suite, de voir son image de marque en pâtir. C’est pourquoi ces derniers mois, 90 % des annonces d’augmentation de capital programmées sur l’ensemble des marchés français ont été reportées.Pour les valeurs très endettées de la nouvelle économie, une dernière bouée de sauvetage est donc apparue en France. Pour le moment, seulement deux cobayes ont jouée la carte de l’equity line : Kalisto et Genset, cotés au Nouveau marché. Il est vrai que leur situation financière ne leur donnait pas l’ivresse du choix. Gageons cependant que cette nouvelle technique financière, pour le moment embryonnaire, va chambouler le paysage boursier français, comme ce fut le cas lors de son déploiement aux États-Unis, sur les valeurs en difficulté du Nasdaq, notamment.

Des crédits à la carte

De quoi s’agit-il ? Le mécanisme de l’equity line, baptisé dans l’Hexagone ” ligne de crédit-actions ” ou encore ” ligne de crédit à la carte “, a le grand avantage de pouvoir s’étaler, sur une période pouvant aller jusqu’à deux ans ! Les fonds sont donc levés progressivement, et non en l’espace de deux semaines. Le deuxième avantage de ce nouveau mécanisme est d’éviter ce que les analystes appellent une ” trop forte dilution du bénéfice par action “.Le ” crédit à la carte “, c’est ce que vient de réaliser ?” après bien des vicissitudes auprès de la Commission des opérations de Bourse (COB) ?” l’éditeur de jeux vidéo Kalisto, qui évoluait dangereusement au bord du gouffre. L’entreprise a été aidée par les équipes de la Société générale, spécialisée depuis peu ?” mais comme tous ses concurrents ?” dans ce nouveau type de montages financiers.Dans son sillage s’est engouffrée la société de biotechnologies Genset, qui a négocié une ligne d’action de 50 millions d’euros (328 millions de francs) pour une durée de deux ans. Mais d’autres sociétés seront prochainement candidates. Car les banques d’affaires, comme les filiales spécialisées des banques généralistes, nourrissent de grandes ambitions dans ce nouveau secteur. C’est que tout le monde a à y gagner ! Les entreprises, qui auront de plus en plus de mal à lever des fonds de façon classique. Et les banques, qui, par définition, trouvent de moins en moins de candidats pour monter des augmentations de capital, activité très lucrative s’il en est.Pour les banquiers, l’élaboration des equity line est également un marché des plus juteux. Tous les grands établissements sont en train de fourbir leurs armes. Non seulement les dossiers sont plus faciles à monter qu’une simple augmentation de capital d’une société inconnue, qui nécessite une lourde infrastructure (notamment l’organisation des road shows et l’édition des notices COB). Mais, en plus, il y a en ce moment pléthore de candidats en raison de la déprime grandissante des marchés boursiers, renforcée par les événements survenus aux États-Unis.Mais une autre question se pose. Les equity line sont nées de la crise boursière. Rien ne prouve qu’une fois la reprise revenue, elles ne démoderont pas les augmentations de capital à l’ancienne. D’autant que la COB semble aujourd’hui plus proche des réalités du marché, ne considérant plus que cette technique nuise à l’égalité des actionnaires. L’institution à cependant tenu à préciser ” que le marché devait être clairement informé. Que ces augmentations de capital ont vocation à être financées par le marché “. La COB veut aussi interdire à l’intermédiaire financier en charge du pilotage de l’opération d’intervenir sur le cours du titre pendant les périodes de souscription.

L’OPE en profonde réforme

En effet, lors d’une opération à la carte, le risque existe que le petit actionnaire ne soit pas informé de la même manière que les grands investisseurs. Autre signe du ” réalisme ” de la COB : sa volonté de simplifier les offres publiques d’échange (OPE). La nouvelle procédure baptisée ” voiture balai ” a été tout récemment inaugurée par Integra. Il s’agit d’un véritable accélérateur de fusion : une fois que deux tiers du capital ont été échangés entre les deux fusionnaires, une seconde OPE peut être élaborée et bouclée en une seule semaine au lieu de s’étaler sur plusieurs mois.

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Jean-Pierre Savalle