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Feu vert pour la création d’un brevet unique européen

Le parlement européen a validé le projet de brevet unique européen.Une réforme qui devrait simplifier significativement les démarches pour les entreprises, mais qui pourrait aussi susciter des dérives dans les dépôts de brevets.

Les ministres européens de l’industrie ont donné leur accord, hier, à la création d’un brevet unique européen, une réforme que le parlement européen vient d’entériner aujourd’hui, mardi 11 décembre. Le brevet unique va simplifier les  démarches administratives et réduire considérablement les coûts pour une entreprise qui souhaite protéger son innovation.

En effet, le système actuel, tel que défini par la Convention sur le brevet européen, est très complexe. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le brevet européen ne correspond pas à un titre de propriété intellectuelle unique pour l’espace européen, mais il est en réalité équivalent à une accumulation de brevets nationaux. Pour l’obtenir, une entreprise doit faire la demande auprès de l’Office européen des brevets à Munich, qui se charge d’examiner sa pertinence. Mais ensuite, il faut le valider dans chaque état où l’entreprise souhaite être protégée, entrainant des coûts de traduction et de taxe. Pour une validation dans les 27 états de l’Union européenne, cette procédure peut aller jusqu’à 32 000 euros. A titre comparatif, le coût moyen d’un brevet est de 1850 euros aux Etats-Unis et de 600 euros en Chine.

Une juridiction unifiée, basée à Paris

Avec le brevet européen unique, ces coûts pourront être réduit à 5 000 euros à terme, car ce nouveau système apportera d’emblée, avec un seul dépôt, une protection unitaire dans les 25 pays qui sont à l’origine de ce projet de coopération renforcée. L’Espagne et l’Italie n’ont pas voulu y participer, car ils se sentent lésés par le fait que les brevets ne soient traduits que dans les trois langues de travail de l’UE, l’allemand, le français et l’anglais. Autre avantage : la création du brevet unique européen s’accompagne de la mise en place d’une juridiction unifiée des brevets. Ce qui évitera, en cas de conflit, la multiplication de procédures nationales en parallèle.  

Si le concept d’un brevet unique européen semble assez logique, sa naissance s’est fait plutôt au forceps. Les discussions ont commencé il y a plus de trente ans et n’ont jamais réellement pu aboutir à un consensus. Ce n’est qu’avec l’arrivé de la procédure européenne de coopération renforcée, qui permet de court-circuiter l’exigence de l’unanimité dans les décisions de l’UE, qu’un projet politique a finalement vu le jour.

Les dernières tractations se sont jouées sur le lieu où siègera cette nouvelle juridiction unifiée. Un compromis très européen a finalement été trouvé : la division centrale de la juridiction sera à Paris, les pôles spécialisés de la division centrale à Londres et Munich. « Le compromis obtenu comporte deux éléments essentiels pour la France : la place de la langue française dans le système européen du brevet est confortée et Paris a été choisie comme localisation pour le siège de la division centrale de la Cour de Première Instance », se sont félicité les ministres Arnaud Montebourg, Bernard Cazeneuve et Fleur Pellerin dans un communiqué.

La porte ouverte aux « patent trolls » ?

Néanmoins, des voix critiques s’élèvent également contre ce brevet unique. L’eurodéputée Françoise Castex, qui s’est abstenu lors de ce vote, souligne qu’ « il est fondamental que l’Europe encourage les esprits innovateurs à moindre frais et que le brevet soit accessible à nos PME qui sont le moteur de la croissance européenne ». Or, il n’est pas sûr que ce nouveau dispositif permette cela. Si le coût moyen sera abaissé à 5 000 euros, cela reste relativement élevé pour une PME. En revanche, cela pourrait faciliter le verrouillage juridique du marché par les grandes entreprises, qui ont davantage de moyens. Mme Castex, par ailleurs, restera vigilante « à ce que l’acquis communautaire soit respecté », à commencer par la non-brevetabilité du vivant et des logiciels. A ce jour, il semblerait que ce soit le cas.    

Certains fournisseurs high tech européens se sont également positionnés contre cette réforme, à commencer par  Nokia, Ericsson et BAE Systems. Ils redoutent, entre autres, la multiplication de « patent trolls », c’est-à-dire de sociétés qui ne font rien d’autres que d’accumuler des brevets et de les défendre en justices, dans un but strictement financier.

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Gilbert Kallenborn