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Chat torturé : les cyberjusticiers veillent

Dans l’affaire du chat torturé, des centaines d’internautes se sont mobilisés sur les réseaux sociaux pour retrouver le coupable. Une chasse à l’homme 2.0 qui n’avait jamais atteint un tel niveau en France mais qui reste monnaie courante dans les pays anglo-saxons.

Ce 27 janvier, Farid poste une vidéo de lui sur Facebook où il jette un chaton contre un mur. Un contenu choquant aussitôt dénoncé par des internautes sur la plate-forme de signalement Pharos du ministère de l’Intérieur (voir encadré ci-dessous). Quatre jours plus tard, Farid est arrêté par la police grâce aux très nombreux témoignages ayant permis de l’identifier. Pétitions en ligne, page Facebook, appel à l’aide sur 4chan, c’est la première fois en France que la mobilisation des internautes atteint une telle ampleur. Et que police et gendarmerie reconnaissent officiellement qu’elle leur a permis de boucler plus vite l’enquête. Un phénomène pourtant bien connu des Anglo-saxons depuis l’émergence des réseaux sociaux. Passage en revue des faits divers les plus marquants qui ont mobilisé par le passé des communautés entières de cyberjusticiers. Pour le meilleur… et aussi pour le pire.

La tortionnaire de chat identifiée en moins de 24 heures sur 4 chan

Mary Bale a été la femme la plus détestée de Grande-Bretagne en 2010. Un soir d’été, cette employée de banque s’empare d’un chat et le jette dans une poubelle. La vidéo de son méfait, filmé par une caméra de surveillance, est mise en ligne. L’identité et l’adresse de cette femme d’une cinquantaine d’années est découverte et dévoilée en moins de 24 heures dans les forums du site 4chan. « Mary Bale doit aller en prison », « Mort à Mary Bale ! », les esprits s’échauffent sur les réseaux sociaux. La police locale finit par monter la garde devant chez elle par crainte d’une agression. Mary Bale perdra son emploi et devra déménager à la suite de ce scandale.

Des passants accusés à tort d’être terroristes sur Reddit

Il arrive que les vigies du web se trompent carrément de cible. Comme lors des attentats de Boston au mois d’avril dernier. Twittos et habitués du forum Reddit postent par centaines des photos de la scène de crime. Et tous tentent de les analyser pour retrouver des suspects. Une véritable armée en marche qui finit par accuser plusieurs hommes d’être les poseurs de bombes. Parce qu’ils ont le tort de porter un sac à dos trop gros ou une casquette louche. Le problème, c’est que ces derniers sont tous innocents. Erik Martin, le patron de Reddit, a présenté après-coup ses plus plates excuses pour « ces chasses aux sorcières et spéculations dangereuses qui ont eu des conséquences très négatives pour des innocents ».

Dépressive après avoir été harcelée sur le web

Parfois, la machine dérape encore davantage. Ce fut le cas à Vancouver en 2011. Une soirée d’émeutes a suivi la défaite de l’équipe locale de hockey. La police de Vancouver lance alors un appel à témoin et diffuse la photos de tous les passants qui ont pris part à la casse. Seulement les vandales identifiés ont été aussi systématiquement harcelés sur le web. A l’initiative de justiciers comme ce mystérieux Captain Vancouver qui a tenu un blog appelant à faire licencier tous les pilleurs. Et il a été entendu. Camille Cacnio, une jeune femme de 23 ans coupable d’avoir volé un jean a effectué 150 heures de travail d’intérêt général. Mais elle a surtout perdu tous ses petits boulots et quitté la fac où elle subissait des intimidations. Une sorte de double peine qui l’a plongée dans une profonde dépression.

Viol dans l’Ohio : les coupables retrouvés par des Anonymous

Mais la mobilisation des internautes peut aussi résoudre des affaires sérieuses. Comme le viol d’une jeune fille de 16 ans, à l’été 2012, par une équipe de football américain du lycée de Steubenville. Ils se vantent même de leur acte sur les réseaux sociaux et posent sur des photos. Fils de notables, ils ne sont pas inquiétés. leur crime serait resté impuni sans l’intervention des groupes d’hacktivistes KnightSec et Anonymous qui identifient les violeurs et mènent une véritable campagne contre eux en ligne. Une enquête est alors enfin ouverte. Elle s’est soldée par la traduction en justice et la condamnation de deux adolescents au mois de mars 2013.

Des milliers d’internautes français enquêtent sur Dupont de Ligonnès

En France, un fait divers a déchaîné les internautes : l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès. Cet homme en fuite est soupçonné d’avoir assassiné son épouse et ses quatre enfants. Leurs corps ont été découverts le 21 avril 2011. Le dimanche qui suit, un jeune homme qui se cache derrière le pseudo Christophe Lavérité, commence à scruter internet à la recherche de traces laissés par le suspect. Dans la foulée, il crée la page Facebook « Dupont de Ligonnès : Enquête et Débats ». Il sera rejoint en quelques jours par 4 000 internautes. Parmi eux, des proches des victimes. Les apprentis Sherlock Holmes grillent journalistes et policiers en retraçant très vite le parcours chaotique et les petits secrets du père de famille. Aujourd’hui, Christophe Lavérité a cessé d’enquêter mais il continue à s’intéresser de prêt à l’affaire. « Je ne crois pas que ça soit la première fois que des internautes se mettent à enquêter sur une affaire criminelle, mais de manière aussi organisée et efficiente c’est sans doute du jamais vu en France. Pour ce qui est de notre aide à la résolution de l’enquête, je m’en remets aux déclarations du procureur qui a considéré que nous avions trouvé “des informations utiles pour l’enquête de personnalité”», nous avait-t-il confié au mois de juin dernier.

Operation Withern : comment Scotland Yard a identifié les émeutiers

Au mois d’août 2011 à Londres, une série d’émeutes éclate après la mort d’un jeune homme au cours d’une fusillade. Scotland Yard lance « Operation Withern » et diffuse des clichés de pilleurs sur Flickr, notamment. La police est aussitôt débordée par l’afflux de témoignages qui conduiront à 4 867 arrestations. Il faut dire que les initiatives privées se sont multipliées pour identifier les émeutiers. Comme les sites zavialia.com ou The LondonRioters. Ou encore la mobilisation en ligne de la communauté Crimestoppers, une oragnisation américaine qui offre des récompenses en échange d’informations sur les personnes recherchées. Impensable et même illégal en France. L’article 9 de la Loi Informatique et Libertés garantit en effet que « le traitement de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté » ne peut être mis en œuvre que par les autorités compétentes.

Des dealers dénoncés en France sur Facebook

« Prenez les dealers du quartier en photo et postez-les sur Facebook ». Au mois d’avril 2013, à Bordeaux, les habitants d’un quartier ont incité à dénoncer des dealers sur une page baptisée sans équivoque « Deal Safari ». Jusqu’à ce que la presse nationale s’émeuve de cette chasse aux sorcières 2.0. « Des riverains appellent à la délation des dealers sur Facebook », avait alors titré Le Figaro. Cette fois, la police avait plaidé pour la fermeture du site, tout en procédant à une arrestation. On était loin alors, dans les rangs des forces de l’ordre, de souhaiter mobiliser des internautes dans la résolution d’enquêtes.

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Amélie Charnay