Passer au contenu

Face à l’opacité française

En matière de gouvernement d’entreprise et de valeur actionnariale, tout reste à faire dans l’Hexagone.

En déposant dans un coffre-fort une enveloppe cachetée détenant le nom de son “successeur légitime en cas de force majeure”, Jean-Marie Messier, PDG de Vivendi Universal (propriétaire du Nouvel Hebdo), a suscité des interrogations parmi les associations d’actionnaires minoritaires comme chez les gestionnaires anglo-saxons de fonds de pension. Cette attitude peut être jugée contraire à l’esprit de “gouvernement d’entreprise
né outre-Atlantique, où l’actionnaire est roi, dans les années 1970.
Le concept de gouvernement d’entreprise tient en quelques idées fortes : transparence de la gestion et de l’information, respect des droits des gestionnaires de fonds, compte rendu précis sur le processus de nomination des administrateurs et des gérants, etc.La dernière étude annuelle du cabinet Korn-Ferry International en atteste : les entreprises françaises ont encore des efforts à réaliser en matière de transparence afin de séduire les actionnaires. Cette étude, qui porte uniquement sur les entreprises du CAC 40, souligne que “des progrès restent à accomplir en ce qui concerne la nomination des administrateurs et la publication de leurs rémunérations “.Plus regrettable est la quasi inexistence de mécanisme d’évaluation de la qualité de la gestion du conseil d’administration. Aucune société composant l’indice phare de la place de Paris n’a prévu un tel dispositif, contre une proportion de 42 % pour les grands groupes américains. Enfin, les entreprises doivent veiller à renforcer l’indépendance de leur conseil d’administration. La part d’administrateurs indépendants ne dépasse pas 26 % de ces instances où, en outre, la concentration du pouvoir est excessive : 16 % des administrateurs des entreprises du CAC 40 détiennent 41 % des mandats. Mais il y a plus grave. La France est en retard en matière de gouvernement d’entreprise alors que déjà, outre-Atlantique, ce concept est dépassé au profit de la “valeur actionnariale”, une valeur apparue dans les années 1980-1990.L’activisme actionnarial des fonds de pension, dont les actifs gérés dépassent les 20 000 milliards de dollars (22 630 milliards d’euros) et ont été multipliés par sept en moins de 20 ans, a fait fléchir les conseils d’administration des plus grosses multinationales. Concrètement, les gestionnaires de fonds ont imposé aux sociétés de respecter un code de gestion, condition nécessaire à tout investissement. Un code qui se fonde sur des critères plus financiers que le “gouvernement d’entreprise “.Avant d’intéresser un gestionnaire de fonds, une entreprise doit se plier à des conditions drastiques, comme l’absence de mesures anti-OPA, le recentrage sur le métier de base, le contrôle de la performance managériale, la transparence, une politique de rendement en faveur de l’actionnaire et en phase avec la moyenne du secteur. Quelle société française peut aujourdhui prétendre à de tels critères ? Aucune, ou presque.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Jean-Pierre Savalle