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Les propositions du gouvernement pour la régulation du net

Dans un rapport confidentiel, Arnaud Montebourg, Fleur Pellerin et Aurélie Filippetti estiment notamment que la neutralité de l’Internet ne peut être absolue. Ils veulent aussi taxer YouTube et DailyMotion.

Internet ne peut être une zone de non droit, et doit aussi être régulé. Tel est l’objectif du gouvernement, et notamment d’Arnaud Montebourg, Fleur Pellerin et Aurélie Filippetti. Ces trois ministres ont remis à Matignon un rapport confidentiel sur la régulation des télécoms et de l’audiovisuel. Ils y détaillent la régulation du Net qu’ils envisagent.

1 – Des limites à la neutralité du Net

La principale proposition est de poser des limites à cette neutralité. Certes, les trois ministres assurent que cette neutralité est “nécessaire”. Mais ils proposent de l’écorner un peu, et plaident pour un Internet à plusieurs vitesses – l’accès le plus rapide étant facturé plus cher.

Selon eux, « les opérateurs de télécoms doivent conserver la possibilité de proposer des services spécialisés, en complément de l’accès à l’internet ‘best effort’. Ils doivent pouvoir mettre en œuvre des pratiques de gestion de trafic, sous réserve qu’elles respectent les principes de pertinence, proportionnalité, efficacité, non discrimination des acteurs et transparence. Le régulateur [doit] encourager les opérateurs à développer une offre d’accès de gros aux réseaux Internet, qui soit compatible avec le principe de neutralité, et permettant des traitements différents, dans l’acheminement des flux de trafic ou leur tarification, fondés sur des situations objectivement différentes et proportionnés aux objectifs légitimes poursuivis ».

Mais, visiblement, les trois ministres ne veulent pas faire payer les internautes, mais les services web, notamment ceux qui consomment beaucoup de capacités, comme la vidéo. Ces services ne doivent pas « pouvoir utiliser sans restriction les réseaux ouverts, et bénéficier d’une tarification attractive conçue pour des utilisateurs de capacité marginale. Une telle utilisation serait à la fois injustifiée et économiquement inefficace. Elle ne permettrait pas aux opérateurs de développer des modèles permettant une juste rémunération de leurs infrastructures, et des investissements importants engendrés par ces usages gourmands en capacité ».

2 – Réguler la vidéo sur Internet

Le rapport propose aussi différentes mesures concernant les services audiovisuels. D’ores et déjà, une régulation est en place pour la vidéo-à-la-demande (VoD) et la télévision de rattrapage, appelés « services de médias audiovisuels à la demande » (Smad) dans le jargon européen.

Mais les éditeurs de VoD se plaignent que les opérateurs télécoms sont aujourd’hui libres de proposer les services de VoD qu’ils veulent.
Le rapport propose de confier à un régulateur (le CSA ou l’instance commune CSA-Arcep) une procédure de règlement des litiges entre ces services et les opérateurs télécoms, qui permettra de « traiter la demande de référencement » des offres de VoD. Selon le rapport, « le régulateur devrait être doté de la capacité de contrôler, lorsqu’il est saisi d’un litige, le caractère abusif des éventuelles exclusivités accordées » par les services de VoD.

Mais les trois ministres veulent surtout étendre la régulation à de nouveaux champs. 
D’abord, ils jugent « pertinent d’élargir ce dispositif de règlement des litiges à l’ensemble des acteurs de l’Internet qui proposent des contenus qui seront accessibles sur les téléviseurs, voire aux constructeurs de télévision ».

Ensuite, ils veulent aussi réguler des services comme YouTube ou DailyMotion, qui, aujourd’hui, ne sont pas considérés comme des Smad, mais comme de simples hébergeurs, et donc supportent peu d’obligations. Le rapport propose donc de « réfléchir à une extension de la définition des Smad pour appréhender d’autres services », ceci dans le cadre de la renégociation de la directive européenne sur les Smad.

L’autre idée est de les faire passer à la caisse : « Ces hébergeurs, lorsqu’ils tirent des revenus directs ou indirects d’une activité audiovisuelle, devraient contribuer au financement de la création, au même titre que les éditeurs et distributeurs traditionnels ». 

Last but not least, le droit européen limite aujourd’hui les pouvoirs de la France aux Smad installés dans l’Hexagone. Le rapport propose donc de « réfléchir à une modification » de cette règle : « la question se pose de savoir s’il convient de remettre en cause le principe communautaire du pays d’origine, afin d’appréhender des services établis en dehors du territoire français et qui sont dirigés vers les téléspectateurs français ».

 

3 – Faire respecter l’ordre public

Enfin, les ministres veulent aussi pour faire respecter sur le Net les règles de protection des mineurs, de dignité de la personne humaine (racisme…). 

Ils sont conscients de la difficulté de la tâche: « le régulateur n’aura jamais la capacité matérielle d’appréhender l’ensemble des services proposant du contenu audiovisuel sur Internet, en effectuant un contrôle exhaustif du respect de règles d’ordre public ».

Le rapport propose donc de « privilégier l’auto-régulation ou la co-régulation ». En pratique, les ministres veulent mettre en place des « chartes de bonnes pratiques », qui seraient élaborées soit par les professionnels, soit par le régulateur « en concertation avec » les professionnels. Les sites respectant la charte recevraient « un label ou une certification ».

 

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Jamal Henni (BFM Business)