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Ethernet, le saigneur de lanneau

Dans un marché en concentration, les réseaux Token Ring sont menacés. Plusieurs voies d’évolution s’offrent à eux ?” de la commutation aux hauts débits, en passant par la cohabitation avec Ethernet ?” avant une migration, par étapes, vers ce standard incontesté des réseaux locaux.

En cette fin de siècle, les exploitants de réseaux locaux Token Ring doivent avoir la foi du charbonnier pour persévérer dans cette voie et pour justifier l’intérêt de cette technologie auprès de leurs directions générales ou financières. Face à la réduction du nombre d’acteurs actifs sur ce marché et devant la déferlante de produits Ethernet 10/100 Mbit/s toujours moins chers, beaucoup de responsables réseaux s’interrogent sur l’évolution des anneaux à 4/16 Mbit/s installés.

La commutation, une bouffée d’oxygène

La commutation, une bouffée d’oxygène Une analyse résume bien le sentiment général. “On s’attend à ce qu’aucun nouveau réseau Token Ring ne soit installé, ou à ce qu’aucun réseau ne migre vers cette technologie… Les réseaux Token Ring existants ont toutefois plus de possibilités d’évolution qu’auparavant. Ils peuvent migrer vers Ethernet 100 Mbit/s, ATM, la commutation ou le Token Ring à hauts débits…”, affirment les experts du cabinet d’études IDC, l’un des oracles les plus connus, dans leur dernier rapport sur l’état du marché européen des réseaux locaux*. Dans la gamme des évolutions graduelles, le virage en direction de la commutation Token Ring paraît la solution la plus naturelle pour les réseaux installés. Mais tous n’ont pas encore basculé, loin s’en faut.“Un grand site Token Ring français comptant plus de deux mille cinq cents prises est encore équipé de concentrateurs traditionnels”, déclare-t-on chez Olicom France pour expliquer l’inertie d’une partie de cette base installée.
Un anneau de cinquante à cent postes peut être segmenté en plusieurs anneaux reliés à un ou deux commutateurs. Il est possible de coupler la commutation Token Ring à des cartes fonctionnant en Full duplex (2 canaux simultanés à 16 Mbit/s) pour doper les accès aux serveurs. Les commutateurs améliorent d’emblée les performances d’une infrastructure Token Ring courante. L’un des derniers obstacles à cette évolution, le coût, est en train de tomber. Madge a inauguré ce mouvement avec un prix de 1 100 F environ par port commuté pour son produit Smart DeskStream, introduit en novembre 1998. Mais, même orienté à la baisse, le prix moyen du port commuté Token Ring dépasse nettement celui du port commuté Ethernet 10/100 Mbit/s, passé sous la barre des 1 000 F depuis longtemps. En ce qui concerne les commutateurs, l’offre actuelle se réduit à moins de dix acteurs actifs dans le domaine (lire le tableau). Une raréfaction qui ne conduit guère à l’innovation technologique et qui n’aiguise pas la concurrence.
L’alliance constituée en 1997 pour établir une future norme à 100 Mbit/s a soutenu la gageure d’aboutir à des spécifications stables dans les deux ans. Comme pour la version traditionnelle, des liens Full duplex sont prévus, offrant deux canaux à 100 Mbit/s.C’est la réponse au rouleau compresseur qu’est l’Ethernet 10/100 Mbit/s. Beaucoup d’utilisateurs placent pourtant leur espoir dans la version du Token Ring à hauts débits HSTR(High speed Token Ring). ” Le réseau Token Ring d’entreprise de la société Veuve Clicquot comprend deux cents postes connectés,répartis sur un site administratif et un site de production. Il est constitué d’un ensemble de matériels d’origine Olicom. Ce réseau a évolué en 1998 vers la commutation et l’installation de connexions à hauts débits à 100 Mbit/s des serveurs particulièrement sollicités , explique Eric Lavie, responsable technique chez Veuve Clicquot, maison de champagne appartenant au groupe LVMH. S’il est vrai que l’avantage, en termes de prix, est du côté d’Ethernet, cela ne nous a pas du tout conduits à remettre en question l’existant Token Ring dans notre entreprise. C’est une solution que nous maîtrisons et que nous continuons de soutenir. A l’occasion du rachat de la maison Krug par le groupe LVMH, nous avons conservé le réseau Token Ring sur ce site. Pour des raisons de coût, sur trois autres petits sites, comprenant quelques postes, nous avons installé des réseaux Ethernet. Ces sites sont raccordés par des routeurs aux réseaux Token Ring”. Il n’en demeure pas moins que la version HSTR du Token Ring sera, selon toute vraisemblance, l’ultime évolution technologique de l’anneau à jeton, l’évolution vers le Gigabit Token Ring n’étant plus sérieusement évoquée. L’une des applications naturelles du Token Ring à hauts débits est le raccordement des commutateurs à des serveurs, tous deux équipés de cartes à 100 Mbit/s. Cela convient particulièrement bien aux applications stratégiques fortement sollicitées. On pense à des serveurs Notes (groupwares et messageries) ou SAP (gestion de production). Les cartes Token Ring 100 Mbit/s pour bus PCI sont disponibles chez Madge-Olicom et IBM (dont c’est l’unique produit dans cette catégorie).

Le Token Ring à 100 Mbit/s, de moins en moins soutenu

Une autre application du Token Ring est l’interconnexion des commutateurs, pour bâtir un anneau fédérateur à 100 Mbit/s. Les liens 100 Mbit/s peuvent aussi être utilisés pour relier plusieurs commutateurs à un commutateur fédérateur. Dans ce cas, d’autres technologies sont envisageables. Par l’entremise de la commutation ATM et des fonctions d’émulation de réseau local (LAN Emulation), les trames Token Ring sont converties en cellules ATM et vice-versa.
Dans la pratique, la situation du Token Ring à hauts débits est moins brillante. Seuls les commutateurs CrossFire 8600 et SmartRing Switch du tandem Madge-Olicom gèrent des interfaces de connexion à 100 Mbit/s, depuis le début de l’année. Leurs deux commutateurs, grâce à leur structure interne modulaire, acceptent désormais 20, voire 32 ports à 100 Mbit/s. IBM a décidé, après avoir laissé entendre le contraire, qu’il ne mettrait pas sur le marché cette version à 100 Mbit/s sur ses propres commutateurs. L’absence de soutien de l’industrie en faveur des spécifications HSTR favorise des solutions d’interconnexion à hauts débits propriétaires.“Pour relier deux commutateurs Token Ring, il est possible d’utiliser une technologie spécifique appelée TokenPipe. Elle consiste à multiplexer de 1 à 4 liens 16 Mbit/s en Full duplex pour constituer un lien à hauts débits”, explique Didier Henriot, architecte réseau à la direction des produits réseaux d’IBM France.
Une option comparable, le TokenChannel, existe également chez Cisco Systems. Elle réside en l’agrégation de 2 à 8 liens Token Ring traditionnels pour former un lien à hauts débits entre ses commutateurs Catalyst 3900.

Cohabitation obligée avec Ethernet

Ces techniques sont propres aux réseaux Token Ring. Elles ont l’avantage de prolonger la vie d’une technologie qui n’a pas démérité, et qui représente, chez ses nombreux utilisateurs, des milliers de cartes et de multiples équipements, actifs ou passifs. La réalité du marché incite cependant ces réseaux à cohabiter avec Ethernet. L’argument économique a conduit les entreprises à multiplier les installations de réseaux Ethernet. En outre, la plupart des PC du marché sont vendus avec des cartes Ethernet déjà installées. L’absence de standard universel d’interconnexion d’Ethernet et de Token Ring permet à Cisco de se faire l’apôtre d’une technologie baptisée ISL (Inter switch link). Avec cette dernière, des trames Ethernet ou Token Ring sont encapsulées dans des trames spécifiques, pour être envoyées sur des liens point à point entre deux commutateurs. Le constructeur préconise la constitution d’un réseau fédérateur de Catalyst 5500, vers lequel convergent les liens ISL où circule le trafic transitant entre les deux types de réseaux locaux. Ces liens sont de type Ethernet 100 Mbit/s, car ISL a été conçu, à l’origine, pour relier des commutateurs Ethernet entre eux. Un lien ISL n’est qu’une liaison physique… Pour que les réseaux Ethernet et Token Ring puissent s’échanger effectivement leurs trames respectives, un routeur doit aussi être ajouté. Son rôle est de fragmenter et d’acheminer les trames entre ces deux environnements. Bien entendu, cette technologie n’est mise en ?”uvre que sur les commutateurs Catalyst, de Cisco, les seuls dotés de ports ISL spécifiques.

Le routeur, au c?”ur de l’interconnexion

Pour acheminer du trafic Token Ring sur des liens Ethernet 10/100 Mbit/s, la conversion de trames Token Ring en trames Ethernet peut remplacer ces techniques d’encapsulation. Le module 8660, d’Olicom, s’insère ainsi dans le commutateur 8600, et réalise l’interconnexion des deux types de réseaux. Les opérations de conversion s’effectuent trame par trame en raison de différences importantes entre Ethernet et Token Ring.
Cette technique assure un pontage opérant au niveau 2 (adresses MAC des stations connectées). Cela donne la possibilité de conserver dans un même sous-réseau IP (niveau 3) les anneaux Token Ring et les segments Ethernet interconnectés de la sorte. IBM développe aussi une technique de pontage, baptisée SRTB (Source route translational bridging), associée aux routeurs 2210 et 2212 de sa gamme. Ceux-ci seront configurés avec SRTB. Cette technique assure la conversion de trames Token Ring assorties du protocole Source Routing en trames Ethernet. Néanmoins, la méthode la plus répandue, lorsque les protocoles à acheminer sont routables (IP et IPX), consiste à placer un routeur à la croisée des réseaux Token Ring et Ethernet. Les paquets IP ou IPX émis par des stations Token Ring seront alors fragmentés et convertis par le routeur avant d’être injectés dans le réseau Ethernet, qui traite des trames inférieures à 1 500 octets. Grâce à ces possibilités d’évolution, les entreprises équipées en Token Ring sont tentées de franchir le Rubicon. Les bonnes raisons de ne pas standardiser tous ses réseaux autour d’Ethernet deviennent difficiles à défendre.
Certains utilisateurs profitent de réaménagements de locaux ou de regroupements de services pour opérer la bascule à l’échelle d’un réseau d’immeuble. Les coûts directs de migration sont réduits lorsque l’entreprise est câblée en paire torsadée non blindée (connecteur RJ 45) et a recours à des PC équipés de cartes Ethernet natives. Ces frais, qui sont proportionnels à la taille du réseau, sont aujourd’hui le rare frein qui retienne encore les ” mordus ” du Token Ring. ; * Western European LAN Switching and ATM Forecast by Country, 1997-2003, Bernard Schipper. IDC, juillet 1999.

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par Frédéric Bergé