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Eternel recommencement

Dix ans après les premières tentatives de conquête de l’Europe, les grands opérateurs américains laissent à nouveau percer leur intention de remettre les pieds sur le Vieux Continent.

Au début des années 90, les grands opérateurs historiques américains, AT&T, MCI, Sprint, partent à la conquête d’une Europe qu’ils jugent un peu arriérée et encore largement corsetée par les monopoles détenus par des administrations comme France Télécom et Deutsche Telekom.Les Européens réagissent et leur proposent un partage du monde. Ecartant AT&T, alors flamboyant, qui lui fait peur avec ses vues hégémoniques, BT (British Telecom) s’associe à MCI pour former Concert. La première grande alliance entre un opérateur américain et un autre, européen, est née.En réaction, France Télécom et Deutsche Telekom, à cette époque unis au sein d’Atlas, esquivent AT&T eux aussi pour jeter leur dévolu sur Sprint, alors troisième opérateur longue distance américain. C’est la constitution de Global One. Dans la foulée de ces grandes manoeuvres, les Européens prennent même une participation d’une dizaine de pour cents dans le capital de leurs alliés américains.Se retrouvant seul, AT&T tempête et met ses maladresses sur le compte d’une Europe hérissée de barrières protectionnistes.Le monde ainsi partagé, les Américains se retirent du Vieux Continent et se concentrent sur les Etats-Unis où ils ont d’ailleurs fort à faire avec l’arrivée de nouveaux concurrents aux dents longues, comme Worldcom.Ces grandes alliances ne résistent pas à l’épreuve du temps. BT, las de partager le pouvoir avec MCI, veut racheter ce dernier. Les actionnaires, horrifiés de le voir passer sous la coupe d’un Européen, préfèrent se jeter dans les bras de Worldcom. BT tentera bien un second mariage américain avec AT&T, qui a entre-temps perdu de sa superbe. C’est à nouveau un échec : le divorce a été prononcé en octobre dernier.Du côté de France Télécom et de Deutsche Telekom, la situation n’est pas meilleure. Leur divorce précipite la disparition de Global One, qui tombera finalement dans l’escarcelle du français.Aujourd’hui, les opérateurs américains se retrouvent donc libres de leurs mouvements et on les dit fourbissant leurs armes. Sprint cherche des partenaires sur le Vieux Continent pour revendre ses services IP et n’hésite pas à se proclamer le seul véritable acteur du domaine. Quant à AT&T, il regarde du côté des grands comptes et des multinationales ayant leur siège en Europe et gloutons en communications internationales. La boucle est bouclée.Mais, en dix ans, le paysage a bien changé. Les opérateurs historiques européens ont perdu leur monopole (même si certains dominent encore largement leur marché national, comme France Télécom). Des concurrents sont nés, dans lesquels d’autres opérateurs américains (notamment des opérateurs régionaux) ont pris des participations. Bref, bien qu’aujourd’hui plus ouverte, l’Europe est toujours loin d’être une sinécure pour ces mastodontes qui ont d’ailleurs largement perdu leur belle santé dantan.Prochaine chronique vendredi 14 décembre*Grand reporter à 01 Informatique

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Jean-Pierre Soulès*