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Et si la crise du disque avait du bon…

Emmanuel Torregano, d’Electronlibre.info, publie Vive la crise du disque !, un livre sur l’état des lieux du marché de la musique. Entretien.

C’est presque devenu une tarte à la crème : l’industrie du disque va mal, le piratage sur Internet a sinistré le secteur, siphonné les ventes de disques, et c’est bientôt le tour du cinéma, avant, peut-être, celui du livre.

Mais comment tout cela est-il arrivé ? Et tout est-il bien la faute d’Internet ? Le journaliste Emmanuel Torregano, responsable du site Electronlibre.info, couvre cette actualité depuis des années. Il publie Vive la crise du disque ! (1) reprenant par le menu l’histoire de la dégringolade du marché de la musique. Pour cela, il s’appuie sur cinq témoignages : Stephan Bourdoiseau, fondateur du label indépendant Wagram, Thierry Chassagne, PDG de Warner Music France, Bernard Miyet, président de la Sacem, Pascal Nègre, PDG d’Universal Music France et Patrick Zelnik, fondateur du label Naïve.

C’est clair, didactique (mention spéciale au retour sur les tout débuts de cette crise du disque, quand tout le monde pensait que la France serait épargnée…), mais pas forcément prometteur de lendemains rayonnants pour les industries culturelles en général… Entretien.

01net. : Ce titre, Vive la crise du disque !, c’est de la provocation ?
Emmanuel Torregano : Non, il faut comprendre ce titre comme l’idée que toute crise permet des remises en question. De ce point de vue, j’aimais bien aussi le terme de « correction », comme on dit en matière de bourse et de finance. Bien sûr, cela peut être pris pour un genre de « la crise, bien fait pour eux », mais ce n’est pas du tout ça. Il faut se dire que de cette crise va naître quelque chose de positif.

Votre livre est articulé autour d’entretiens avec cinq représentants du milieu du disque. Où en est, justement, leur remise en question ?
Sur les cinq personnes que j’ai rencontrées, la plupart ne savent pas encore comment se sortir de tout ça. Pascal Nègre (Universal Music) croit très fort dans le modèle de l’abonnement. Thierry Chassagne (Warner) a une vision assez noire : il pense que le peer to peer et le piratage ont causé beaucoup de dommages, que le marché de la musique a dégringolé les marches quatre à quatre mais qu’il ne les remontera pas quatre à quatre…

On a beaucoup reproché aux maisons de disques de ne pas s’être adaptées assez tôt au numérique. En même temps, tous ces gens ne sont pas toujours d’accord entre eux, c’est même parfois très tendu. Est-ce que ce manque d’unité à pu empêcher une réaction rapide de l’industrie ?
Je ne suis pas d’accord pour dire que les maisons de disques n’ont pas essayé de s’adapter. C’est une image d’Epinal. Elles ont tenté beaucoup de choses. Universal a été la première à lancer une plate-forme de téléchargement [e-compil en novembre 2001, NDLR] et elle a signé avec iTunes d’Apple en 2003 alors que personne ne connaissait le potentiel de ce service. Par contre, il y a eu de grosses erreurs de communication. Mais ce n’est pas une industrie qui a freiné des quatre fers. D’ailleurs, le marché légal se développe à une rapidité exceptionnelle. Le problème, c’est qu’il n’y a qu’un seul acteur [Apple, NDLR].

La loi Hadopi est entrée en vigueur, les premiers mails d’avertissement sont censés partir entre avril et juin. Sur ce sujet de la répression, vos interlocuteurs sont-ils tous d’accord ?
Il existe un alignement général sur l’idée que, quand même, les gens doivent acheter la musique. Et pour cela, les maisons de disques croient en la répression du piratage. Cette loi, c’est un moyen pour elles d’avoir une preuve, de se rendre compte par elles-mêmes de l’efficacité ou pas de la répression.

Côté nouveau modèle, c’est essentiellement l’abonnement qui semble prometteur aux yeux de l’industrie du disque. Pourquoi ?
Parce que l’abonnement, c’est la promesse d’une rentrée de trésorerie récurrente. C’est rassurant. Cela implique de nouvelles pratiques de vente, car l’abonnement va avec une politique de la relation client. Mais le problème, c’est que les gens ne veulent pas payer…

(1) Emmanuel Torregano, Vive la crise du disque !, éditions Les Carnets de l’Info, 2010, 176 pages.

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Propos recueillis par Arnaud Devillard