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Escarmouche entre les normes de TV sur mobile dans l’éther parisien

Quatre tests de diffusion de programmes TV sur téléphones mobiles sont en cours à Paris. Il s’agit de valider les solutions techniques en concurrence, le DVB-H et le T-DMB.

Depuis plusieurs semaines, quelques centaines de Parisiens privilégiés reçoivent les images des grandes chaînes nationales sur l’écran d’un portable prêté par leur opérateur. Après les Finlandais à Helsinki, les
Britanniques à Oxford et les Allemands à Berlin, c’est au tour des Français de tester la réception des programmes de télévision sur téléphone mobile, et, accessoirement, d’apprécier les offres de services payants que les éditeurs ont
concoctés dans l’espoir de rendre cette application rentable.Malgré la rareté des fréquences, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a trouvé les ressources nécessaires pour autoriser quatre expérimentations : trois utilisent des fréquences dans la bande UHF, réservée à la
télévision, et émettent selon la norme DVB-H, une déclinaison du standard DVB-T (Digital video broadcasting-terrestrial) optimisée pour la réception mobile. Le quatrième test s’effectue dans la bande VHF, partagée entre
la télévision et la radio numérique, en T-DMB, une évolution du DAB (Digital audio broadcasting) développée par les industriels coréens et japonais, et normalisée par l’ETSI l’été dernier.La façon dont se sont constitués les quatre consortiums expérimentateurs illustre les relations qui agitent le petit monde des opérateurs de télévision comme du téléphone : entre concurrence de façade et alliances prudentes de
circonstance. Ainsi, Canal+ et SFR accueillent, sous la bannière de Vivendi, l’équipementier Nokia ainsi que l’opérateur d’infrastructures TowerCast, dont la maison mère, NRJ, est en contrat MVNO avec SFR.

Alliances de circonstance

Le bouquet TPS (TF1 & RTL Group via M6) est associé avec les deux opérateurs Orange et Bouygues Telecom, l’industriel Sagem et le diffuseur TDF. Mais ce dernier mène par ailleurs, avec France Télévisions, une expérimentation
parallèle et complémentaire, puisqu’elle s’adresse au même groupe d’utilisateurs. Bouygues Telecom, enfin, se distingue en étant partie prenante d’une seconde opération, en T-DMB cette fois, avec pour partenaires TF1,
Europe 1 et VDL, opérateur radiophonique indépendant et promoteur du DAB et de son extrapolation orientale.L’impression quelque peu confuse donnée par l’expérimentation tricolore tranche avec le parti pris allemand, où les quatre opérateurs mobiles ?” E-Plus, O2, T-Mobile et Vodafone ?” coopèrent ouvertement
dans le test DVB-H de Berlin. Ils proposent, sur le même multiplex, un bouquet commun gratuit de chaînes de télévision et un service payant pour chacune des marques.Ce désordre apparent s’explique, toutefois, par des considérations techniques. En choisissant Nokia comme partenaire, Canal+ et SFR ont opté pour une plate-forme technologique mature et opérationnelle depuis deux ans
(l’IPDC 2.2), associée à des terminaux Nokia 7710, qui ne décode que la norme vidéo H.263 à quinze images par seconde.Bouygues Telecom, Orange et TPS ont préféré tester le codage H.264 à vingt?”cinq images par seconde, qui est désormais pleinement pris en compte par le DVB-H et apporte un gain qualitatif évident. Chez Canal+, on estime que
l’option en faveur du H.263 ne pèse aucunement sur la validité d’une opération qui reste avant tout expérimentale. Pour sa part, Nokia affirme être prêt pour le H.264. Preuve en est le lancement à Barcelone, lors de la Nokia Mobility
Conference, de la plate-forme IPDC 3.0 associée au terminal N92, qui seront tous deux déployés dès l’an prochain… en Italie et en Malaisie.La pénurie de fréquences et la différence de codage ont empêché la constitution d’un multiplex commun aux acteurs du DVB-H. TDF et TPS se partagent le canal UHF 37, réservé à une future chaîne hertzienne parisienne, tandis
que Canal+ émet sur une partie du multiplex DVB R5, que le CSA destine aux canaux en télévision haute définition annoncés au plus tôt pour 2006, à l’occasion de la Coupe du monde de football. Le lancement commercial de services DVB-H à la fin
de l’année prochaine ?” encore très hypothétique ?” repose donc avec plus d’acuité le problème du fameux switch off : l’extinction des canaux analogiques de télévision avant leur conversion en
numérique.

Des contraintes partagées

Une contrainte que subissent aussi bien les Britanniques, qui seront obligés d’en passer par là pour lancer commercialement la télévision mobile, que les Allemands, qui ont déjà stoppé la télévision analogique sur Berlin. Comme
si les problèmes de spectre ne suffisaient pas, il faut ajouter ceux d’ordre réglementaire. La loi française limite le nombre de canaux TV par diffuseur et impose d’attribuer les autorisations TNT canal par canal. Elle devra être
révisée.Les tests en cours servent à évaluer les performances des solutions techniques et, plus particulièrement, la couverture en réception, y compris à l’intérieur des bâtiments. Ainsi, Gilles Maugars, un des responsables techniques de
TPS, pense qu’il faudrait implanter un grand nombre de répéteurs (plusieurs centaines sur Paris) pour recevoir une image satisfaisante dans tous les immeubles.En attendant, on s’étonnera du plus grand nombre d’émetteurs DVB-H mis en ?”uvre par TDF pour couvrir Paris (5, pour 105 km2 intramuros) et de leurs niveaux d’émission (entre 4,5 et
11 kW en PAR), alors que Deutsche Telekom arrose Berlin (890 km2) avec seulement deux sites, plus puissants il est vrai. Pour sa part, NTL couvre les 120 km2 de la région test d’Oxford
avec huit émetteurs. Dans chaque cas, il a fallu optimiser la couverture en tenant compte de la moindre robustesse du signal DVB-H par rapport au DVB-T de la TNT, issue des mêmes émetteurs.D’autres paramètres techniques doivent être vérifiés, comme l’autonomie de la batterie des portables (3 heures sur un 7710, mesurée par O2), le temps de commutation d’un programme à l’autre (6 s à
Oxford) ou la réception en véhicule (bonne jusqu’à 70 km/h, toujours selon O2).

Quel sera l’accueil du public ?

L’autre volet des tests porte sur le niveau d’acceptation du public. Tous les services proposés en France sont payants, sauf celui de TDF/France Télévisions, mais peu d’information filtre sur les projets de services
interactifs qui seront proposés. Pour Markus Lindqvist, directeur de l’activité Serveur et réseau pour la télévision mobile chez Nokia, le modèle économique repose à la fois sur un bouquet de services, gratuit ou inclus dans un forfait qui
doit générer de nouvelles rentrées publicitaires, et sur les revenus générés par la distribution de contenus, dont les coûts sont répercutés sur la facture de téléphone, comme cela se pratique en Finlande. Il prend également en compte le trafic SMS
généré par les transactions, et évoque le vote électronique et l’accès IP à des liens d’information complémentaires par WAP ou UMTS. ‘ L’interactivité est supportée par le standard BIFS, qui envoie des données multimédias synchronisées avec un programme émis en DVB-H ou T-DMB, explique Yannick André-Masse, responsable de VDL.
Cela permet, par exemple, de superposer des icônes actives sur l’image diffusée et d’automatiser l’envoi d’un vote par SMS ou d’accéder directement à un site Internet. ‘Reste que l’élaboration d’un modèle économique passe par la résolution des contradictions et des conflits d’intérêt potentiels qui existent entre diffuseur de contenus et opérateur de réseau : à qui
appartiennent les abonnés d’un service télédiffusé ? Un débat qu’il sera nécessaire de clarifier afin d’avancer.

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Philippe Pélaprat