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Eric Besson : ‘ La régulation d’Internet est un chantier qui ne sera jamais achevé ‘

Le secrétaire d’Etat au Développement de l’économie numérique recevait aujourd’hui le rapport annuel du Forum des droits sur l’Internet (FDI). Il annonce l’intention du gouvernement de créer une structure qui assurera la régulation
d’Internet et renforcera la concertation des acteurs.

Quelques jours après avoir officiellement lancé les Assises du numérique à Paris, le secrétaire d’Etat au Développement de l’économie numérique revient sur les grands défis qui attendent la France. Il se prononce également en faveur de
la création d’un ‘ conseil national du numérique ‘. Une structure qui aura pour mission d’assurer une régulation d’Internet et de renforcer la concertation entre les acteurs sur ce sujet. Enfin, Eric Besson confirme son
intention de réformer la commission d’Albis qui gère aujourd’hui la rémunération copie privée à laquelle sont assujettis de nombreux supports d’enregistrement dont l’iPhone d’Apple.01net. : Vous avez inauguré la semaine dernière les Assises du numérique. En quoi consiste cette initiative et quel en est l’enjeu ?


Eric Besson : L’enjeu est de
préparer le plan de développement de l’économie numérique que le président de la République et le Premier
ministre m’ont demandé de leur proposer avant le 31 juillet 2008. Nous avons proposé 27 pistes de travail, déjà arbitrées par le Premier ministre lors d’une réunion interministérielle. Ces pistes sont soumises au débat. Elles portent sur
tous les enjeux industriels, économiques, culturels et sociaux d’Internet. Elles sont techniquement regroupées sous quatre thèmes : les questions de réseau, de contenus, d’usage et de gouvernance.


Nous avons mis ces thèmes à disposition sur
le site Internet des Assises du numérique, pour qu’ils soient commentés et enrichis sous forme de wiki par les experts et par les internautes. Nous tiendrons compte de ces apports et nous y
répondrons le moment venu. Si telle ou telle proposition ne peut pas recueillir notre assentiment et ne figure pas dans le plan, nous expliquerons pourquoi sur le site. Et puis, par ailleurs, vont se dérouler à Paris et en province près d’une
centaine d’ateliers qui vont contribuer à la réflexion sur ces questions.Quelles sont aujourd’hui les forces et les faiblesses de la France au moment où le pays semble décidé à entrer de plain-pied dans l’ère de l’économie numérique ?


Nous sommes dans une position moyenne. Du côté des points forts, la France dispose d’une bonne couverture du territoire en haut-débit. Selon les chiffres, on peut considérer que 95 % à 98 % de la population est couverte par le
haut-débit. Mais cela ne concerne que 80 % du territoire. Donc les zones non denses ne sont pas encore couvertes. Ces chiffres nous situent parmi les meilleurs en Europe.


De plus, nous sommes considérés comme ayant une ‘ culture haute technologie ‘ plutôt élevée, avec des ingénieurs de très haut niveau, de bonnes infrastructures et une appétence pour les nouvelles technologies.
Certains sociologues donnent comme exemple le fait que le Minitel ait été développé en France. Regardez aussi les blogs, nous sommes parmi les tout premiers. Certains disent même que nous sommes les champions du monde des créateurs de blogs. Et nos
ingénieurs, vous les retrouvez dans quantité de start-up de la Silicon Valley. Le terreau français y est très développé.


Du côté des limites ou des faiblesses, malgré ce que je disais sur l’appétence, un foyer sur deux seulement est connecté à Internet. C’est insuffisant surtout au regard de pays comme la Corée du Sud ou la Finlande qui sont aujourd’hui
à la pointe de ce mouvement, avec un taux de connexion supérieur à 80 %. Et puis les caractéristiques de notre territoire, peu dense par rapport à d’autres pays européens, font que le passage au très haut-débit [la fibre optique,
NDLR]
va susciter un effort important que nous commençons par la loi de modernisation de l’économie.


Nous avons une autre caractéristique qui ne doit pas devenir une faiblesse, c’est d’avoir une télévision hertzienne plus développée que la plupart des autres pays. Ce qui va nous inciter à un effort particulier pour le passage de
l’analogique au numérique.En matière de régulation d’Internet, certains ministres du gouvernement, comme Nadine Morano ou Christine Albanel, plaident aujourd’hui pour la mise en place de nouvelles structures. Ce débat n’est pas clos ?


D’abord, elles sont dans leur rôle. On a demandé à Christine Albanel [ministre de la Culture et de la Communication, NDLR] de défendre le droit d’auteur. Elle le fait et elle va porter un
projet de loi [Création et Internet, NDLR] en ce sens. Nadine Morano [secrétaire d’état chargée de la Famille,
NDLR]
a le souci de la protection des familles et des enfants. Elle fait des propositions qui vont dans ce sens.


En même temps, le Premier ministre a clairement dit qu’il ne souhaitait pas que l’on multiplie les comités, les délégations. C’est pour cela que parmi les pistes de travail envisagées, il en est une qui consiste en la création d’un
Conseil national du numérique. Il serait une instance, à la fois de concertation et de régulation dans laquelle pourraient intervenir tous les acteurs.


La régulation d’Internet c’est comme la régulation du capitalisme, c’est un chantier qui ne sera jamais achevé. La créativité d’Internet conduira les Etats ou les regroupements d’Etats comme l’Union européenne à être en permanence en
quête de nouvelles régulations. Il ne faut pas s’en plaindre. La création de richesses suscite régulièrement de nouveaux besoins de régulation des nouveaux usages, des nouveaux contenus et des nouvelles technologies, donc c’est un chantier inachevé.Ce ‘ Conseil national du numérique ‘ aura-t-il le statut d’une autorité administrative indépendante et donc un éventuel pouvoir de sanction comme la Cnil, le CSA ?


Je ne sais pas encore. C’est l’une des pistes de travail. Ce n’est pas arbitré définitivement par le Premier ministre. Mais vous avez raison, quelques-uns des éléments de sa responsabilité potentielle relèvent d’une ‘ haute
autorité ‘.La légitimité de la commission sur la
copie privée
est de plus en plus contestée, ne serait-ce que par plusieurs associations de défense des consommateurs
qui ont décidé de ne plus y siéger. Cette structure doit-elle évoluer ?



Il faut rappeler des principes pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. Contrairement à ce que j’ai lu ou entendu, le gouvernement n’a pas prétendu remettre en cause le principe de la copie privée. Ma lettre de mission dit explicitement qu’il
doit être maintenu.


Ce que l’on essaye de discuter avec les différents collèges, c’est une modernisation des règles de fonctionnement de cette commission pour tenir compte d’un côté du fait qu’elle a été créée à une époque ou un certain nombre d’outils
actuels n’existaient pas ; Et de l’autre de prendre acte du fait (sans que cela soit un jugement de valeur) qu’un certain nombre d’acteurs ne participent plus ou contestent les modalités de fonctionnement de cette commission.


Je veux simplement vous dire mon optimisme, qui n’est pas de la méthode Coué, mais qui est le fruit de la concertation de mon équipe. J’ai l’impression que les esprits sont en train de se rapprocher. On devrait arriver à faire des
propositions qui puissent être acceptées de manière consensuelle.

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Propos recueillis par Philippe Crouzillacq