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Eric Barbry (avocat) : ‘ Il n’y a aucune raison, dans le monde de la téléphonie comme ailleurs, de payer pour un service non rendu ‘

Pouvoir résilier son abonnement en cas de vol de portable, être indemnisé en cas d’interruption du service… autant d’évidences pour le commun des consommateurs. Et pourtant, les contrats des opérateurs de téléphonie ne permettent
pas ce type d’opérations. Un opérateur a d’ailleurs été condamné pour cela.

Cette décision pourrait s’appliquer, au delà des opérateurs de téléphonie mobile, aux fournisseurs d’accès, qui refusent jusqu’à présent de s’engager sur la qualité du service en termes de débit ou de disponibilité de la
connexion.
Coauteur de l’ouvrage intitulé Le droit du multimédia, du CD-ROM à l’Internet (collection Que sais-je ?), Eric Barbry est avocat à la cour d’appel de Paris et directeur du
département Internet du cabinet
Alain Bensoussan-Avocats.Bonsoir à toutes et tous, nous sommes heureux d’accueillir Eric Barbry Bonsoir et merci pour cette nouvelle invitation.Officier Barbrady : Y a-t-il déjà eu des affaires d’abus liées au WAP ?Pas à ma connaissance, sauf je crois en matière d’abus de position dominante mais pas directement en rapport à la problématique qui nous occupe aujourd’hui.misterphilou : Bonjour, j’aurais une question pour M. Eric Barbry : est-ce normal que Free facture des frais de résiliation de 99 euros ?Si vos le permettez je vais simplement instaurer une règle du jeu qui s’impose à moi pour des raison qui vous paraîtront évidentes : je ne traiterai pas de tel ou tel opérateur et tenterai d’apporter des réponses aussi neutres,
mais aussi précises que possible. En ce qui concerne cette question, et pour toutes les autres, je préciserai tout cela peut varier en fonction du motif de la résiliation, à savoir s’il est relatif à une faute, ou non, avérée, ou non, du prestataire
en question.Guimbarde : Concrètement, quelles actions peut mener la Commission européenne contre les abus de tarification des opérateurs mobiles ?Pour l’heure, la problématique se pose, encore et surtout, au niveau de chaque Etat membre avec deux axes majeurs. Celui où les autorités de contrôle ont une compétence et l’on pense particulièrement à l’ART ou au Conseil de la
concurrence pour les relations entre les opérateurs. Pour le reste le guide principal est celui du marché : offre et demande avec une liberté quasi totale dictée par la loi de la concurrence, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une concurrence
déloyale ou de pratiques condamnables comme la publicité mensongère. Heureusement !bitnik : Est-ce qu’un FAI doit se concerter avec ses abonnés lorsqu’il veut changer les termes d’un contrat d’abonnement ?C’est sans aucun doute l’une des principales questions. A priori, il n’existe pas de disposition légale qui interdise à un opérateur qui l’aurait prévu dans son contrat de porter des modifications, mais généralement cette
modification ne peut intervenir qu’après une information préalable, et si la ou les clauses modifiées le sont au désavantage de l’abonné, de lui donner la possibilité de résilier son compte.Kawala : Les conditions d’utilisation des cartes prépayées sont elles légales (annulation du crédit au bout d’une semaine, perte du numéro au bout de X mois, etc. ) ?Voici encore une excellente question mais qui en comporte en réalité deux. D’abord : la carte prépayée est elle légale ? La question peut se poser au regard du code monétaire et financier qui accorde aux établissements
bancaires un monopole sur les moyens de paiement. Je n’ai pas la prétention aujourd’hui de répondre à cette question avec certitude dans la mesure où les avis sont très partagés sur le sujet. En ce qui concerne l’autre partie de votre question, elle
porte sur les conditions d’utilisation de ces mêmes cartes prépayées qui, à mon sens, doivent répondre aux mêmes conditions que les contrats d’accès à Internet ou au mobile, à savoir, ne pas comporter de clauses abusives, c’est-à-dire déséquilibrées
au profit du seul professionnel.djak : Peut-on citer des marques, des exemples précis alors que vous répondez de manière générale ?C’est la règle que je me suis fixé donc…Dams : Est-on en droit d’exiger d’un opérateur le remboursement d’une période d’indisponibilité de son service ?Même si cela n’est pas dans le contrat, on peut légitimement soutenir que celui-ci est un accord sur une chose (un service en l’occurrence) et un prix. Il n’y a donc aucune raison qui obligerait, dans le monde de la téléphonie comme
ailleurs, de payer pour un service non rendu. La difficulté en la matière est toutefois réelle, car souvent les opérateurs sont confrontés à des problèmes qui leur sont extérieurs et qui malheureusement ont des répercussions directes sur le client.
Il faut donc être précis dans le cadre du contrat et pouvoir préciser, même si cela n’est pas toujours aisé, ce qui relève effectivement de la sphère de contrôle, et donc de la responsabilité de l’opérateur et ce qui relève de causes qui lui sont
extérieures, voire des cas de forces majeures.Megateuf : Qu’est-ce que je peux faire si l’on m’envoie un contrat d’abonnement à un FAI alors que lors de la prospection téléphonique j’avais clairement précisé que ça ne m’intéressait pas ?Le renvoyer et, le cas échéant, adresser un courrier recommandé explicite à l’opérateur en question. Demandez-lui par la même occasion de vous rembourser le prix du recommandé… même si vous n’avez aucune chance de l’obtenir.
Ceci ne préjuge pas d’actions judiciaires possibles.diato : Que faut-il faire lorsqu’un opérateur téléphonique se trompe et ne tient pas compte des 6 heures de communication après 21 h 30 et va bien sur compter cela sur votre forfait jour de 2 heures ?
Vous vous trouvez avec une surfacturation c’est de l’abus, non ?
Il faut contester de manière officielle, dans un premier temps par la voie amiable (lettre A/R), et plus si affinité.Grelot : Un opérateur a-t-il le droit de changer le prix d’un abonnement en durée d’engagement ?Un contrat, mais peut-être suis-je trop influencé par mes propres enseignements à la fac c’est : un accord sur un prix et une chose pendant une durée. Par contre, cela n’exclu pas que le contrat comporte des clauses de révision
de prix.Badoit : Est-ce que le fait qu’une hot-line soit payante (alors qu’on paie déjà cher un forfait Internet) peut être considéré comme un abus ?Réponse de juriste : si le contrat le prévoit… vous ne pouvez rien faire. Réponse d’utilisateur : je suis critique surtout quand le service en question est facturé pendant le temps où l’on attend les réponses en écoutant
une musique souvent détestable. Tous les opérateurs n’agissent pas de la même manière et ceci est là encore un moyen de les distinguer.Kawala : Est-ce légal de faire payer une hot-line lorsqu’il s’agit d’un problème inhérent au FAI (problème de facturation, accès HS, etc.) ?Même réponse, avec une nuance, car si j’arrive à apporter la preuve que la question posée trouve sa cause chez l’opérateur, alors il ne s’agit pas d’un service de hot-line au sens premier du terme, c’est-à-dire d’une assistance à
l’utilisateur dans des conditions normales d’utilisation, mais d’un problème lié à une mauvaise exécution du contrat. Le problème, comme toujours ici, est un problème de preuve.Dams : Peut-on obtenir un remboursement de l’appel quand une hot-line ne résout pas votre problème ?Je ne vois pas ce qui pourrait s’y opposer si, une fois encore, vous pouvez en apporter la preuve : ce qui n’est jamais très aisé, sauf à avoir un huissier à la maison.bitnik : Est-ce qu’un FAI a le droit d’interdire l’accès à certains sites comme ceux de P2P ?Là encore excellente question à laquelle il est difficile de répondre par oui ou non. L’opérateur, par ce choix, tente tant bien que mal de limiter sa propre responsabilité. S’il ne limite pas l’accès, il est inquiété par les
auteurs, les producteurs, les artistes… (je ne tiens pas compte de règles de responsabilités spécifiques des FAI dont on pourra reparler). S’il contrôle, il est alors mis en cause par ses clients. Ce qui est certain, et on l’a vu récemment en ce
qui concerne les mesures anti-copies dans les CD rom, c’est que l’opérateur ne peut procéder à des limitations d’accès sans en avertir préalablement son client.francis : Dans quel cas de figure peut-on refuser de payer une facture de téléphonie mobile ?Lorsque le service prévu n’est pas rendu. Lorsque, comme cela vient d’être dit, les accès sont limités sans que le client en soit avisé, et dans les cas prévus dans les contrats, même si généralement il n’y en a pas au bénéfice du
client ou si peu. Le problème est surtout un problème de preuve qui s’impose au demandeur, c’est-à-dire au client qui n’est pas satisfait… tout un programme.Dams : Un FAI est-il autorisé à couper un accès Internet sans préavis ?ll peut l’être soit contractuellement si l’internaute client en vient à violer une règle du contrat. Encore faut-il que la faute soit telle qu’elle mérite une sanction sans préavis, ou si le FAI y est contraint par une décision de
justice, par exemple.somba : Deux questions intéressantes je pense pour M. Barbry : Comment savoir si mon opérateur de téléphonie mobile ou mon FAI ne vendent pas mon fichier à des brokers qui, eux-mêmes, les vendent à des entreprises ? Au
cas où cela arriverait, que faire ?
Cnil… et Cnil. En tout cas, pour les opérateurs nationaux, car en application de la loi informatique et libertés, il n’y a pas de fichier de données personnelles sans déclaration préalable. Cette déclaration doit prévoir les
conditions d’utilisation des données et le maître du fichier ne peut y déroger. Vous pouvez d’ailleurs l’interroger directement car la loi du 6 janvier 1978 prévoit un droit d’accès notamment sur les données dont dispose le maître du fichier à votre
sujet. S’il ne veut pas, la CNIL peut vous aider. Tout ceci est bien entendu schématique et simplifié.Vince : Existe-t-il une protection spécifique des consommateurs de téléphonie ?Non et oui. Pour l’heure, le consommateur de téléphonie est un consommateur comme les autres et il est donc protégé comme les autres contre les clauses abusives des contrats. Cela dit, la Commission des clauses abusives effectue un
travail remarquable en cette matière, en précisant et en publiant des recommandations sur ce qui est, ou non, à ses yeux une clause abusive. Dans un avenir peut être proche, une norme sur la qualité de service des prestataires devra être adoptée.Officier-Barbrady : En cas de spam, est-ce qu’on peut résilier son abonnement à un FAI ? Il me semble que les FAI sont obligés de mettre à disposition des filtres non ?Je n’ai pas vu et je ne connais pas de disposition légale qui impose à un opérateur de filtrer et de lutter contre les spams. Il existe cependant des engagements contractuels qui engagent plus ou moins les opérateurs. Si un opérateur
vous promet ‘ ici pas de spam ‘ alors il doit assurer cette promesse. S’il vous dit ‘ ici on filtre ‘ alors il doit filtrer. Mais la question pourrait se poser sous un autre angle : si malgré
l’absence d’engagement contractuel le service rendu est nul, car les spams sont trop nombreux et trop fréquents, alors on peut se demander se le contrat est rempli et si l’opérateur assure le service demandé.Kawala : Mon FAI me facture des frais de connexion (quelques euros mensuels) qui ne figurent nulle part sur le prospectus, et mon FAI reste flou à ce sujet… Est-ce un abus ? Quel recours engager ?Si ce n’est pas dans le contrat, il n’y a pas de raison de payer.Camille (78) : Les fermetures de comptes d’abonnés pour consommation abusive de bande passante sont-ils légaux ?Quelle belle question. Cela peut dépendre du contrat, qui peut comporter des ‘ chartes ‘, ‘ policies ‘ ou ‘ usages ‘, qui considère que tel ou tel
agissement, ‘ consommateur de bande passante ‘, est critiquable. Pour le reste, et hors le contrat, il ne faut pas oublier qu’il existe des dispositions pénales qui condamnent le fait d’altérer ou de fausser le bon
fonctionnement de systèmes de traitement automatisé de données (désolé c’est le nom savant) et qui peuvent légitimer des actions répressives.bitnik : Est-ce qu’en cas d’impayé, un FAI ou un opérateur a le droit de suspendre un abonnement (avec ou sans préavis) ? Quels sont nos recours dans ces cas là et qu’est tenu de faire le FAI ou l’opérateur ?Encore une fois, un contrat c’est un accord sur le prix et sur la chose. Le professionnel doit assurer ‘ la chose ‘, le consommateur doit s’acquitter du prix. Si tel n’est pas le cas CQFD… mais
ensuite cela peut varier selon que l’opérateur résilie dans les règles ou de manière sauvage.Dams : Mon téléphone possède la fonction MMS mais mon opérateur refuse de l’activer sur mon forfait ‘ bas de gamme ‘, est-ce légal ? Surtout lorsqu’il indique clairement que c’est techniquement
possible…
Si ce n’est pas exclu dans le contrat, soit expressément, soit du fait même de la description du service qui, ipso facto, exclu ce type de service, alors je ne vois pas pourquoi les forfaits ‘ bas de
gamme ‘, comme vous dites, seraient exclus du MMS. Le problème est beaucoup plus complexe en pratique, car il s’agit d’une adéquation entre le coût d’un abonnement et le prix du MMS.Guimbarde : Quelles sont les prochaines grandes lois qui permettront aux consommateurs de mieux se défendre par rapport aux abus existants en matière de téléphonie mobile, d’internet, d’UMTS ou de WAP ?Pour l’instant, je ne vois pas bien ce que les prochaines lois pourraient apporter sur ce point. Il y a bien un projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique mais il protège surtout le cyber-consommateur. Quant aux lois,
sur ce que l’on appelle la communication électronique (anciennement télécoms plus Internet), elle traite avant tout du service universel d’accès à tous, à des prix raisonnables, mais la réalité de ce principe n’est pas précisée.bitnik : Peut-on résilier une ligne téléphonique s’il est avéré que c’est un mineur qui a souscrit à l’abonnement ?Question qui semble simple, mais qui est très complexe, et on peut le comprendre, par l’enjeu même de la réponse. Si l’on répond oui, sans hésiter, alors les opérateurs sont en danger, car il suffit de faire contracter les mineurs
pour résilier les contrats ! Si l’on répond non, alors les parents pourraient avoir des surprises. Il faut aussi tenir compte de la capacité juridique des mineurs, de leur âge et du contexte, dans lequel la vente s’est faite. Mélanger tout cela
et la réponse est parfois oui et parfois non : désolé.landru : Question bête sûrement. Aujourd’hui, comment savoir si on s’abonne en ligne que le contrat imprimé rélève de clauses différentes de celles d’un contrat on-line ? Le FAI est-il tenu de nous envoyer un
imprimé ?
Il n’y est pas tenu, mais il y est invité… encore que le débat a été ouvert par la Commission des clauses abusives. Le projet de loi sur l’économie numérique, pour sa part, prévoit une réglementation spécifique pour les
contrats en ligne (mode de présentation, adhésion, archivage) à la charge des commerçants. Quoi qu’il en soit, si vous êtes inquiet de nature, demandez un contrat papier.Merci Eric Barbry, le mot de la fin ?J’ai l’impression qu’il y avait plus de consommateurs que de professionnels présents et cela reflète une déficience, à mon sens, évidente et regrettable entre deux mondes. Je ne peux qu’espérer qu’ils se rejoignent un jour.

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La rédaction