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Eric Barbry (avocat)

‘ Avec le projet de loi déposé à l’Assemblée, on légitime le droit d’intégrer des mesures de protection. ‘

Bonjour à toutes et à tous, nous avons le plaisir d’accueillir Maître Barbry, avocat à la cour d’appel de Paris !


Plaisir partagé comme toujours.roberto : Bonjour, j’aimerais savoir s’il existe des droits d’auteur concernant les photos publiées sur des sites personnels, où on ne trouve nulle part d’avertissement quant à l’utilisation des photos et iconographies (ces
iconographies qui sont d’ailleurs bien souvent récupérées sur d’autres sites.)



Par principe, il faut considérer que les ?”uvres protégées (en l’occurrence, des photos), même si elles sont diffusées sur des sites persos, appartiennent à l’auteur seul. Cela signifie que vous ne pouvez rien faire sans son
autorisation, sauf à ce qu’il en donne une en ligne.cross : Il y a maintenant des radios blogs sur Internet. Qui paye les droits d’auteur dans ce cas-là ?


Excellente question. Les radios sur Internet ont un statut un peu à part, mais entrent soit dans le cadre des contrats habituels (Sacem, SDRM…), soit, pour celles qui ne sont que des webradios, sur des contrats spécifiques pour ce type
de service.Furax : Si je prête un CD à un collègue de bureau pour qu’il le grave, est-ce de la copie privée ?


Pendant longtemps, la réponse a été claire : il s’agissait d’une contrefaçon. Avec les derniers développements de la jurisprudence sur Internet et les incertitudes quant à la notion même d’usage privé, on peut commencer à en douter. Mais
pour l’instant, je continue à penser que le risque est important de considérer qu’il y a là un détournement du cadre ‘ normal ‘ de diffusion de l’?”uvre. Imaginez un instant qu’une seule personne achète un CD et
qu’ensuite tout se passe par ‘ prêt ‘ entre amis. Alors, c’est la mort des auteurs et donc des ?”uvres !bahamut100 : Bonjour, un webmaster jaloux du site d’un ami proposant l’intégralité des musiques d’une série de jeux vidéo NON licenciées en France a posé une ‘ plainte ‘ à l’éditeur du jeu vidéo concerné.
L’éditeur a répondu et mentionne le fait qu’il ne faut pas télécharger sur le site incriminé car c’est une ‘ violation des lois du copyright ‘, et la demande a été transmise au ‘ département
approprié ‘. J’aimerais savoir ce que risque mon ami en France. (Petite note, il y a trois sites américains qui proposent également ces musiques qui pourtant sont distribuées aux USA.)



Le problème est moins un débat sur la licence en France ou pas (d’ailleurs le mot ‘ licence ‘ n’existe pas en droit d’auteur, pour information), mais de savoir si l’?”uvre est protégée, ce qui semble être le
cas. De fait, si elle l’est et si la protection lui est accordée en France ?” ce qui là aussi devrait être le cas ?”, alors, la reproduction sans autorisation et la diffusion sur le Web constitueront sans doute une
contrefaçon.micka0072005 : Ai-je le droit d’enregistrer les radios Web ?


Oui, à des fins de reproduction ‘ à des fins privées du copiste et non destinées à une utilisation collective ‘ : c’est presque le texte de la loi à la faute d’orthographe prêt.cross : Comment les sites comme Kazaa ont-ils pu s’installer en France alors que c’est interdit ?


Ce n’est pas plus interdit en France qu’ailleurs, et ce n’est pas parce qu’il existe des règles que l’on n’arrive pas à les contourner ou à la violer consciemment.Giggz : La législation européenne remet-elle en cause la copie privée ?


Pas que je sache, mais il est vrai que le débat doit avoir lieu sur ce thème du fait de l’arrivée tant en droit européen qu’à terme en droit français avec la nouvelle loi sur les droits d’auteur et droits voisins dans la société de
l’information, de ce qu’il est convenu d’appeler les mesures techniques de protection.christ885851305 : Pourquoi mettre des anticopies sur les CD ?” car avec cet anticopie on ne peut plus faire de copie privée ?” pour interdire les personnes qui veulent faire de la copie
privée ?



C’est le fond du débat : si l’on admet les mesures techniques de protection (anticopie massive), alors, on doit en tirer les conséquence sur la notion même de copie privée.Giggz : Pouvez-vous nous dire une bonne fois pour toutes ce qui est permis en matière de copie privée ? Copier un DVD de location : est-ce autorisé ou non, par exemple ?


La copie privée à des fins privées du copiste et non destinée à une utilisation collective ?” en d’autres termes, la copie que vous faites pour vous-même, que vous l’utilisiez ici ou là ?”, ceci va être quelque peu
perturbé par les mesures anticopies. J’espère que c’est clair ‘ une bonne foi pour toute ‘ ;-).cross : Certains disques ne peuvent plus être lus par certains PC en raison des anticopies trop puissants. Est-ce totalement légal ? Cela nuit à la liberté d’écoute, non ?


Sur la partie écoute, c’est vrai et, de ce point de vue, la jurisprudence rappelle aux éditeurs et aux producteurs qu’ils doivent clairement informer les consommateurs. Côté droit, cela pouvait sembler un peu contraire, il est vrai, à la
sacro-sainte copie privée. Mais avec le projet de loi déposé à l’Assemblée nationale, on vient légitimer le droit d’intégrer des mesures de protection, y compris des mesures anticopies qui sont expressément visées dans le texte.le_resistant : Le téléchargement de films peut-il être considéré comme de la contrefaçon (la qualité du DivX n’étant pas la même que celle du DVD) ?


Encore une fois, la qualité ne change rien. La copie est une copie, quel que soit le support et la qualité de restitution. En la matière, on peut donc considérer que télécharger des audiovisuels sur Internet est un acte de contrefaçon, je
devrais dire ?” on devait ?” car il y a, depuis peu, des jurisprudences contradictoires sur le sujet.phoenix440 : Bonjour, je souhaitais savoir si, par exemple, je développe un petit logiciel que je veux mettre en téléchargement sur des sites (par exemple, telecharger.com) mais gratuitement, sans copyright, quelles sont les
précautions que je dois prendre ? Que dois-je annoncer au début du programme ? Merci.



Normalement, rien n’est obligatoire. Mais il est clair que la meilleure des précautions est de prévoir des conditions d’utilisation ou, à tout le moins, un petit rappel des conditions d’utilisation et un copyright.polo3565 : Bonjour. Je construis actuellement un site consacré au téléchargement (par bittorrent) de systèmes, programmes, etc. pour Linux. Je prends contact avec leurs propriétaires respectifs. Que faire pour être entièrement
dans la légalité ? Merci.



A priori, si vous contactez qui de droit et si vous obtenez les autorisations, je ne vois pas ce qu’il y aurait comme problème à gérer en plus.Giggz : En matière de P2P, on commence à voir beaucoup de décisions de justice, ça en devient compliqué. Y a-t-il une jurisprudence claire qui commence à se dégager ?


NON, NON et RENON!bahamut100 : Et donc, quelles sont les peines risquées en France sur la contrefaçon ?


Amende et prison. La contrefaçon est un délit.pire2pire : Qu’est-ce que je risque si on m’accuse de téléchargement illégal ?


Même réponse : d’être poursuivi pour contrefaçon et donc condamné pour un délit, prison et amende. Essentiellement amende si vous êtes condamné pour la première fois.pire2pire : Est-ce que la condamnation dépend de la quantité téléchargée ?


Les condamnations pénales sont fixées par des maximum dans le Code pénal, mais il est vrai que l’intention, l’intensité, la récidive, etc., sont autant d’éléments qui sont pris en compte.Delphine : Combien y a-t-il eu en France de poursuites judiciaires pour piratage ?


Je ne les ai pas comptées, mais sans doute plus d’une dizaine ou d’une quinzaine maintenant. Je parle de décisions sur le téléchargement car, si vous ajoutez les contrefaçons sur sites Web, etc., c’est bien plus.mastersonic : Je crée des sites et des programme. Je ne mets pas de droit d’auteur. Est-ce grave ?


Je ne suis pas certain d’avoir compris, mais deux solutions : ou vous ‘ prenez ‘ à d’autres sans mentionner leurs droits ?” et c’est une violation du droit moral ; ou vous parlez de vos propres
 ?”uvres ?” et vous n’êtes pas tenu par la loi de mettre quelque chose en ligne, bien que ce soit préférable.jerems : Pensez-vous que l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 avril 2005 (à propos du DVD de ‘ Mulholland Drive ‘) soit compatible avec la proposition de loi transposant la directive sur les
droits d’auteur ? Et si oui, cet arrêt pourra-t-il faire jurisprudence ?



Pouvez-vous préciser ? J’avoue que j’ai tellement de jurisprudences en tête que je suis un peu perdu. Sur quoi portait cette mesure technique ?


Peut-on parler de complicité de la part des opérateurs avec leurs forfaits toujours moins chers et toujours plus performants ?


C’est une question qui est posée et qui, si j’ai compris, a été soutenue par certaines sociétés d’auteurs et l’est encore à l’heure actuelle. Mais en matière de musique, en tout cas, une première étape a été franchie par la signature
entre la Sacem et d’autres, et des industriels de l’autre côté, d’une charte pour lutter contre le piratage de musique sur Internet. C’est un premier pas de ‘ coopération ‘ qui change un peu de l’éternel débat des vilains
et des gentils.Giggz : Pourquoi parle-t-on ‘ d’exception à la copie privée ‘ ?


Parce que les mesures techniques peuvent empêcher les utilisateurs de bénéficier d’un droit qui existe dans le Code de la propriété intellectuelle et qui est connu sous le nom de ‘ Copie privée ‘.jerems : L’arrêt de la cour d’appel de Paris interdisait les producteurs de DVD de mettre des mesures techniques de protection qui empêchaient d’exercer son droit à la copie privée.


Je pensais au même, merci d’avoir complété. Pour l’instant, cela ne pose pas de problème car la notion de mesure technique de protection, d’anticopie, n’est pas dans notre Code de la propriété intellectuelle : on ne reconnaît que le
‘ blobage ‘ des logiciels. Mais le projet de loi sur les droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information, inspirés de la directive CE du même nom, va légitimer ces usages et même pénaliser les
contournements, détournements et suppressions. De fait, les jurisprudences qui interdisent ou ne reconnaissent pas le droit d’utiliser de telles mesures devront être revues à la lumière de ce texte. Cela devrait d’ailleurs déjà être le cas, selon
moi, car, si la directive n’est pas encore transposée, le délai de transposition, lui, est largement dépassé. Et de fait, même si la directive n’est pas directement applicable, les juridictions devraient rendre leurs décisions à ‘ la
lumière ‘ de ces textes. Affaire à suivre, donc…mastersonic : Je crée des sites et des programmes, mais je ne mets pas de droit d’auteur. C’est grave ?


Je crois que j’ai déjà vu passer cette question.heycmoi : Comment expliquez-vous que, dans certains cas, la justice ne condamne pas un utilisateur de peer-to-peer, comme cela s’est vu il n’y a pas longtemps ?


Si vous le permettez, je m’abstiendrai de juger la justice. Mais je trouve que les grands écarts judiciaires sont difficilement supportables et ne permettent pas aux internautes de connaître avec précision et certitude leurs droits et
obligations, c’est dangereux.micka0072005 : Est-ce légal de limiter les droits du consommateur lorsqu’il achète de la musique en ligne ?


Si on l’en informe et si on lui donne la possibilité, néanmoins, de bénéficier du droit à la copie privée, pas de problème, selon moi. Mais le deuxième point pose problème car les textes ne permettent pas d’assurer cette coexistence. Il y
a là une mauvaise comptabilité, pour ne pas dire une incompatibilité qui n’est pas encore réglée.Martine : Comment les artistes sont-ils rémunérés avec le média Internet ? Comment cela fonctionne-t-il ?


A peu de choses près, comme dans le monde ‘ normal ‘ : cession directe ou, le plus souvent, gestion collective essentiellement assurée par SESAM pour les auteurs.Delphine : Que dit le droit européen sur le piratage ?


Globalement, ce que dit le droit français ?” qui est un vieux droit qui a inspiré bien des textes communautaires et aussi ceux des pays qui ont rejoint l’Union. Sauf pour ce qui concerne les droits d’auteur et droits voisins dans
la société de l’information puisque la directive n’a toujours pas été transposée en droit interne. L’UE est donc, si l’on peut dire, plus en avance sur ce point en ayant prévu des cas de droits en quelque sorte dédiés au monde numérique.heycmoi : La taxe sur les CD-R vierges est censée permettre à la Sacem de rémunérer les artistes face aux pertes que pourrait entraîner la copie privée ou dans un cercle familial. Pourquoi ne pas utiliser cette taxe et
d’autres ?” telles que, par exemple, sur les FAI et sur les lecteurs MP3 ?” pour rémunérer les artistes ?



C’est une question qui fait l’objet de débats entre les intéressés.Trief : Est-il possible de créer des sites Internet avec des photos de personnes ou de villes sans accord ?


De villes, sans doute. Mais attention aux noms de domaines et aux termes protégés ! Attention aussi à la protection des ?”uvres d’architecture. Pour les personnes, la réponse est négative, sauf à avoir leur autorisation ou sauf si
les personnes ne sont pas reconnaissables.thom : Que doit faire un auteur pour conserver l’intégralité de ses droits exclusifs ?


Solution 1. Rien de particulier, car l’auteur bénéficie de la protection des droits d’auteur du seul fait de la création de l’?”uvre sans avoir à faire la moindre démarche. Solution 2. La prudence veut
tout de même que l’on puisse prouver que l’on est bien l’auteur et indiquer la date de la création : la fameuse ‘ date certaine ‘ et, pour ce faire, un dépôt de l’?”uvre peut s’avérer important. Enfin, mettre son
nom sur l’?”uvre et quelques formules consacrées que l’on retrouve à droite et à gauche, histoire de rappeler ?” même si ce n’est pas nécessaire sur un plan juridique ?” que l’on a des droits sur l’?”uvre.micka0072005 : Les photos prises dans un salon peuvent-elles être mise sur un site Internet ?


J’imagine que vous parlez d’un salon professionnel et non de la pièce qui jouxte votre cuisine… Si c’est bien de ce salon-là dont il s’agit, la question est délicate car on peut percuter des problèmes de droit à l’image des personnes, à
la protection de produits par dessins ou modèles, ou encore des problèmes de marque : un vrai bonheur d’avocat ;-).pire2pire : N’importe qui peut-il déposer un copyright sur ses photos ou textes ?


L’auteur seulement ou son cessionnaire ?” celui qui a reçu les droits ?”, mais qui devra en tout état de cause mentionner le nom du photographe.Trief : Peut-on créer des sites Internet pour commerçants avec des photos et textes d’article sans l’autorisation ?


Je ne suis pas certain de comprendre la question. Mais le seul fait d’écrire ‘ photo ‘ et ‘ texte ‘, puis ‘ sans autorisation ‘ me gêne quelque peu.heycmoi : Parlons des radios en ligne. On peut, grâce à des logiciels, enregistrer les titres qui passent et les transformer en MP3. Est-ce légal ?


Si l’on enregistre dans le cadre de services de diffusion de musique licite (plate-forme légale) ou de webradios, et que l’on copie ensuite, on doit être dans le cadre de la copie privée. Il est vrai, cependant, que les services en ligne
prévoient parfois de conditions limitatives concernant l’usage.jerems : Si on légitime les mesures technique de protection, remettra-t-on en cause la compensation des auteurs perçue sur l’achat de supports numériques vierges ?


Avis très personnel qui n’engage que moi, mais cela me semblerait normal.heycmoi : Comment faire pour régler le droit en matière de durée de vie du droit d’auteur ?” par exemple pour les livres ?” qui peut être différent d’un pays à l’autre ?


On ne le gère pas, on le subit mais de moins en moins puisque, au moins dans les 25 pays de l’Union, la durée est harmonisée post mortem.Tino : Pourquoi condamner les internautes ? On nous vend des ordinateurs, etc., en nous disant que l’on pourra télécharger. Le téléchargement est devenu un argument de vente. Est-ce la faute des internautes ?


Je ne peux que vous dire que vous avez raison s’agissant du martèlement médiatique et commercial.pire2pire : Croyez-vous que ces quelques procès font réellement peur aux téléchargeurs ?


Pas sûr .pire2pire : De combien de temps est la prescription pour ce qui est du téléchargement illégal ?


C’est un délit : donc, trois ans.a : Si le téléchargement est considéré comme une fraude, pourquoi le peer to peer n’est-il tout simplement pas interdit ? Nous savons que les gens y vont dans le but de télécharger
illégalement !



Parce que le peer-to-peer tout comme le PM3 ou le DiVX ne sont que des formats ou des modes de transmission et qu’ils ne sont pas illicites en soi. Le problème est celui de l’usage licite ou illicite de ces
éléments.bahamut100 : Il existe un petit programme captant les radios officielles mondiales. Etant donné que les radios ont déjà payé les droits, il est donc légal de télécharger les musiques en provenance de ces radios ?


Là, on tombe sur un autre problème bien plus complexe qui est celui du contrôle et des autorisations d’émission. Cela nous amènera trop loin pour ce soir.Martine : Quel est votre travail de tous les jours ? Vous défendez qui, au juste ?


Mes clients ;-).pire2pire : Quelle partie défendez-vous lors d’un procès concernant un problème de droit d’auteur ?


Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question puisque cela dépend essentiellement de la personne qui demande mon intervention.titi : N’y a-t-il pas un moyen de bloquer la mise en ligne des ?”uvres protégées sur Internet ?


Les bloquer, pas certain, mais en contrôler ou en tracer l’usage, oui. Il existe des solutions efficaces.bahamut100 : Franchement, la loi n’est pas vraiment claire, parfois, vous ne trouvez pas ? Le consommateur est donc pris ‘ au piège ‘.


Oui, et oui aussi au deuxième constat. Mais je ne suis qu’un modeste avocat et non législateur 😉Merci beaucoup, Maître Barbry. Le mot de la fin ?


Je crois que le sujet passionne et il n’y a qu’à voir le nombre de questions. Je serais pour un rendez-vous pour faire un point sur la jurisprudence et le droit à venir. Et vous ? Merci pour toutes ces questions.

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La rédaction