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Entreprise sociale : halte aux idées reçues !

Les réseaux sociaux ne se limitent pas à une question d’outils. Ils ne sont pas non plus réservés aux profils juniors. La preuve avec les retours d’expérience de la Société générale, d’Adeo, d’Octo, d’Orange ou de Manpower.

Fini la période des pionniers : les réseaux sociaux d’entreprise (RSE) s’imposent à toute société, quels que soient sa taille et son secteur d’activité. “ Que vous le vouliez ou non, vous êtes sur les médias sociaux, prévient Ziryeb Marouf, responsable des ressources humaines 2.0 chez Orange et fondateur de l’Observatoire des RSE, qui regroupe une centaine d’entreprises. Si vous n’avez pas de RSE, vos salariés parleront de vous sur Facebook ou sur Twitter. Et dans ce cas, les internautes ne font pas toujours la distinction entre les opinions privées et officielles. ”

Un usage venu du terrain

L’usage grand public s’est imposé. Habitués aux médias sociaux, les collaborateurs consommateurs prennent la parole, remettent en cause l’information institutionnelle et lui préfèrent l’avis de leurs pairs. Pour Ziryeb Marouf, un RSE doit se bâtir sur deux notions : l’engagement individuel tourné vers le collectif, et la confiance. “ Impossible d’échanger librement si le collaborateur perçoit son entreprise comme un nouveau Big Brother. ”Une plate-forme en bonne et due forme n’est pas forcément indispensable pour échanger. Ainsi, Octo Technology n’a pas de RSE. Ce cabinet de conseil en systèmes d’information, qui emploie 170 personnes, est pourtant une entreprise sociale reconnue. Il a remporté pour la deuxième année consécutive la première place du classement Great Place to Work. Pour son président, François Hisquin, c’est l’homme qui prime avant tout : “ Je préfère parler de coopération plutôt que de collaboratif. ” Pour accompagner son développement à l’international, Octo a tenté de mettre en place Salesforce couplé à Chatter. “ L’initiative venait du management, et elle a fait plouf ! Tout le monde n’avait pas accès à Salesforce. ” Comme souvent, l’usage est venu du terrain. Chaque salarié ayant un compte Google, l’entreprise en utilise les outils collaboratifs. Un embryon de RSE s’est donc développé sur Google+.Pas de réseau social interne non plus pour le groupe de bricolage Adeo (Leroy Merlin, Welldom…) en dépit de sa taille (66 000 salariés). La communication virale s’effectue via des solutions gratuites de type Linkedin et par courriel. Pour Adeo, les médias sociaux constituent avant tout une boîte à idées géante. “ Le collaborateur a la possibilité de casser la routine, de ne plus subir un management qui ne lui conviendrait pas en proposant des changements ou des améliorations ”, avance Laurent Vergult, Community Networker du groupe. Au-delà des gains de temps, cette fluidité de l’information présente à ses yeux un double intérêt sur le plan RH. “ Quelqu’un qui se sent bien sur une mission transversale s’épanouit dans son travail. Et il en parle à l’extérieur, ce qui bénéficie à l’employeur. ”La Société générale vise également ce double objectif. Mis en place il y a quatre ans, les médias sociaux favoriseraient en interne l’engagement des salariés, et renforceraient en externe l’attractivité de la banque comme, notamment, l’opération Push My Career destinée aux jeunes diplômés.“ Les réseaux sociaux bousculent les habitudes des organisations hiérarchisées. ” Responsable marketing web et RH 2.0 de la banque, Franck La Pinta voit un certain nombre d’avantages à pouvoir organiser une réunion en un quart d’heure, à partager des documents ou à travailler de concert sur un appel d’offres. Pour autant, il entend rester modeste : “ Ne parlons pas de succès, mais de quelques victoires. Il n’y a pas de martingale. Chaque entreprise teste sa recette en fonction de sa culture, de ses besoins. ”En ce qui concerne les échecs et les dérives possibles des RSE, Ziryeb Marouf balaie d’un revers de main les critiques d’une éventuelle baisse de productivité : “ Certains salariés n’avaient pas attendu le Démineur de Windows pour ne rien faire au bureau. ” De même, il s’élève contre l’idée préconçue qui voudrait que ces réseaux s’adressent avant tout aux jeunes actifs de la génération Y (20-30 ans). Au contraire. En interrogeant un échantillon représentatif chez Orange, “ des juniors nous ont dit qu’ils avaient déjà constitué des groupes Facebook ? ce qui pose des problèmes de confidentialité ? et que cela leur suffisait. A l’inverse, des seniors ont vu l’opportunité de s’y mettre pour ne pas perdre pied par rapport à leurs enfants. ” Du coup, la moyenne d’âge sur Plazza, la plate-forme d’Orange, est de 42 ans, contre 46 pour l’ensemble du groupe.

Pas de rémunérations pour les contributeurs

En revanche, Ziryeb Marouf pointe le risque d’associer RSE et gestion des talents. “ Si un tel réseau est conçu pour déceler les hauts potentiels, il peut être perçu comme élitiste et se couper de la base. Alors qu’il doit être un outil commun où chacun trouve un intérêt. Qu’il aide également à dénicher des talents est un effet induit. ” Présidente de Manpowergroup pour la France et l’Europe du Sud, Françoise Gri a une approche un peu différente. Selon elle, les communautés métier permettent de travailler sur les compétences. “ Avant, les gens étaient rangés dans des cases, dans des bases de données. Maintenant, les collaborateurs peuvent être repérés en fonction de ce qu’ils publient et des communautés auxquelles ils participent. ” Elle y voit aussi un atout dans la transmission du savoir.En revanche, le principe de payer les contributeurs ne fait pas l’unanimité. “ Comment faut-il rémunérer une idée ? Le prix varie-t-il en fonction de son importance ? Et si les tarifs sont différents, pourquoi proposer encore de petites idées ? ”, s’interroge Laurent Vergult. Adeo n’a donc pas mis en place de système de rémunération et aucun contributeur ne s’en est étonné. La gratification est ailleurs. “ Un jeune profite des réseaux sociaux pour se faire remarquer, un ancien pour montrer qu’il conserve sa capacité d’innovation. ” La liberté des échanges n’empêche toutefois pas la régulation des pratiques. Directeur du département internet contentieux au sein du cabinet Alain Bensoussan Avocats, Mathieu Prud’homme conseille de faire évoluer la charte des usages du système d’information pour tenir compte des médias sociaux, et de l’adosser au règlement intérieur. La prévention des risques doit être néanmoins proportionnée et ne pas porter atteinte à la vie privée. “ Une fois les règles posées, il faut communiquer dessus et les faire appliquer. Mais elles n’ont de sens que si les salariés en partagent les valeurs. ”Ancien entrepreneur du web, Rodolphe Roux se souvient de son arrivée il y a un an dans le groupe Seb en tant que M. Digital. Il a dû d’abord faire face à la réticence des équipes dirigeantes, qui craignaient la fuite d’informations concernant les produits innovants sur les réseaux.

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Xavier Biseul