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“Ensemble, réfléchir à l’élaboration de règles et usages sur internet”

Association loi 1901 lancée avec la bénédiction des pouvoirs publics, le Forum des droits sur l’internet se veut une force de proposition sur l’encadrement juridique du réseau. Sa présidente, Isabelle Falque-Pierrotin, maître des requêtes au Conseil d’État, le décrit comme un lieu unique de dialogue.

Organisme de concertation, le Forum des droits sur l’internet a été officiellement inauguré le 31 mai. Originalité de cette institution lancée à l’initiative du Premier ministre : elle est ouverte aux organisations professionnelles comme aux groupements de consommateurs, qui participeront à la réflexion sur les usages et le droit de la société de l’information. Mais, à l’inverse d’organismes tels que l’ART ou le CSA, le Forum n’aura qu’un rôle consultatif.Le Forum des droits sur l’internet pose-t-il la première pierre de la corégulation ? Il y a eu beaucoup de malentendus sur cette notion de corégulation, peut-être de notre faute, à la suite notamment de la publication du rapport de 1998 du Conseil d’État qui a parlé pour la première fois du Forum comme d’un ” organisme de corégulation “. Pour les juristes français, qui dit régulation dit règle, donc le pouvoir de les fixer. Je préfère pour ma part parler d’organisme de concertation. Le Forum est un lieu de réflexion qui émet des recommandations et n’est doté d’aucun pouvoir de réglementation. Il se distingue en cela des autorités administratives indépendantes comme le CSA, l’ART ou la CNIL, qui ont des pouvoirs de sanction bien déterminés sur des domaines de compétences spécialisés. Pour moi, la corégulation est donc la reconnaissance du fait qu’acteurs privés et acteurs publics doivent travailler ensemble pour réfléchir à l’élaboration des règles et des usages applicables sur internet. C’est le constat du partenariat nécessaire entre l’administration et le secteur privé. Le Forum accorde une place nouvelle aux usagers et aux acteurs économiques face aux pouvoirs publics… Internet est le fait d’acteurs privés. Un des paris du Forum est de trouver une juste position entre les pouvoirs publics et les intérêts privés de ses membres. Ses statuts sont marqués par une représentation tripartite qui rassemble les usagers, les acteurs économiques et les membres dits qualifiés, garants de l’intérêt général. Un intérêt général préservé aussi par l’équilibre des financements : les cotisations, qui se développeront dès 2002, ne dépasseront pas le tiers du budget. Le financement public restera prédominant. Enfin, la liaison avec l’administration sera assurée par un observateur, Christian Phéline, l’actuel directeur de la Direction du développement des médias (DDM). Ce lieu de dialogue interprofessionnel sous l’égide des pouvoirs publics a-t-il un pendant à l’étranger ? Les forums sur internet existent mais jusque-là, ils ont été souvent cantonnés au problème des contenus illicites. La Commission européenne, par exemple, avait créé dans ce sens, sous l’impulsion du commissaire à la Justice, Antonio Vitorino, des forums européens pour lutter contre les contenus délictueux. De même, l’Internet Watch Foundation créée en Angleterre en 1996 par Peter Dawe s’est construite autour de la lutte contre la pornographie sur internet. Il est d’ailleurs significatif que l’IWF élargisse progressivement ses débats à la public awareness [conscience citoyenne, ndlr], c’est-à-dire à la pédagogie et à l’information, une ouverture transversale qui est celle adoptée d’emblée par le Forum. Il existe par ailleurs des centres de recherche publics, comme le laboratoire de droit public de Montréal, ou bien encore des organisations professionnelles comme le Global Business Dialog ou le W3C (World Wide Web Consortium) aux États-Unis. Tous constituent des centres de réflexion et de dialogue. Mais, par rapport à l’ensemble de ces acteurs, le Forum cherche à occuper une position singulière entre l’administration et la société civile en se proposant d’expérimenter un nouveau mode de résolution des questions sociales et juridiques.Comment le Forum se situe-t-il par rapport au cadre de la loi sur la société de l’information (LSI) ? Il n’est pas dans la volonté du Forum de revenir sur cette loi, sauf si le Premier ministre nous saisit pour avis. Quoi qu’il en soit, la LSI n’épuise pas tous les problèmes de la société de l’information. Ainsi, le Forum s’est saisi pour ses premiers travaux de deux thèmes de réflexion : internet et les relations de travail, internet et les modes de règlement alternatifs des conflits. Un troisième sujet sera arrêté en juillet à partir des suggestions des internautes qui sont invités à ouvrir le débat sur le site du Forum. Une discussion en ligne sera ouverte à chaque constitution d’un nouveau groupe de travail pour réaliser une consultation publique.Un forum de ce type pourrait-il aussi être conçu comme un outil de réforme plus large de la société ? Internet est une révolution qui met sur le devant de la scène des acteurs qui sont neufs et qui n’ont pas d’historique ni de corporatisme derrière eux. Ils se montrent ainsi sans préjugé pour dialoguer et s’associer avec d’autres. De ce point de vue, le Forum est une expérience d’association unique entre acteurs privés et acteurs publics qui, si elle finit par réussir, pourra apporter beaucoup d’enseignements pour la résolution de questions de société dans d’autres domaines.

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Sébastien Fumaroli