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Économistes trop béats ? Entreprises trop pessimistes ?

La baisse des effectifs, le refinancement des dettes grâce à des taux plus bas, de moindres investissements à court terme, et une demande finale soutenue permettront de sortir du cercle vicieux.

Contrairement à la perception de certains dirigeants, il semble difficile de mettre en cause un optimisme exagéré des économistes, puisque très peu d’entre eux avaient anticipé le profil en “V” qui se met en place aux États-Unis : Stephen Roach, économiste en chef de Morgan Stanley, réputé pour sa vision prudente, voire pessimiste de l’économie, vient d’ailleurs de faire son mea culpa. Il reconnaît qu’il a sous-estimé la capacité de rebond de l’économie américaine, pourtant largement soutenue par des politiques monétaire et budgétaire très expansives. Désormais, les prévisions de croissance du PIB américain au premier trimestre 2002 vont de 4 à 6 % en rythme annuel. Cela est largement justifié.

Une activité soutenue

Force est de constater que l’activité économique est restée soutenue outre-Atlantique, avec un seul recul trimestriel du PIB au troisième trimestre et un rebond spectaculaire au quatrième. Certes, le cycle est alimenté exclusivement par la demande finale des ménages, qui ont bénéficié de réductions et de remboursements d’impôts, de taux d’intérêt bas qui leur ont ouvert la voie d’un refinancement massif de leur dette hypothécaire ?” soit du pouvoir d’achat en plus ?”, et d’incitations à la consommation dont les prêts à taux zéro pour l’achat d’automobiles. Le marché de l’immobilier est pratiquement au plus haut historique en termes de transactions. Les ventes au détail ont largement résisté à la remontée du taux d’épargne et à la dégradation du marché de l’emploi, qui a accompagné le vaste mouvement de restructuration des entreprises.

Un risque de rechute éloigné

Les perspectives de croissance restent soutenues à moyen terme et le risque de rechute, le profil en “W” un moment concevable, s’éloigne avec le début du restockage, le niveau des stocks étant tombé à un niveau historiquement bas. L’investissement, gêné par l’existence d’un excédent massif de capacités, devrait repartir progressivement dès le début 2003.Le sentiment des chefs d’entreprise, qui se sentent confrontés à une crise durable, peut donc paraître paradoxal. En réalité, la situation des entreprises valide totalement ces craintes, malgré l’amélioration des fondamentaux économiques. En effet, aux États-Unis, depuis 1990, le coût du travail a largement dépassé la productivité, et les entreprises se sont trouvées prises dans une spirale surinvestissement-surembauche-inflation relative des rémunérations, et donc baisse des marges : le ratio profits non financiers sur les ventes est passé de 7,5 % en 1997 à 4 % fin 2001, alors que les dettes des entreprises passaient, elles, de 38 à 48 % du PIB.La chute des marges et la baisse des profits (la plus forte en 50 ans) ne peuvent pas s’inverser par la remontée des prix (pricing power) en raison du niveau élevé de la concurrence interne et externe (importations). La vigueur du dollar amplifie ce phénomène. Reste à réduire les coûts : c’est là que les entreprises vont enfin regagner en profitabilité. La baisse des effectifs, le refinancement des dettes grâce à des taux plus bas, de moindres investissements à court terme (surcapacités), et une demande finale soutenue vont permettre de sortir du cercle vicieux qui a vu leur capacité bénéficiaire se réduire en phase de forte expansion économique. Cependant, les entreprises vont désormais devoir gérer la forte remontée des cours du pétrole (+ 40 % depuis le 17 janvier) et les anticipations de hausse des taux directeurs de la Réserve fédérale.L’amélioration des indices ISM manufacturier et non-manufacturier du mois de février montre que les composantes “nouvelles commandes” sont en forte hausse, traduction dun afflux de demande dans le secteur industriel et dans celui des services. La situation des entreprises semble donc se redresser et, corrélativement, le moral de leurs dirigeants.* chef économiste chez Global Equities

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Jean-François Virolle*