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E-business : la prise de décision échappe aux DSI !

Deux entreprises françaises sur trois ont bien entamé leur grand chantier de l’e-business. Mais, dans la majorité des projets, les directions informatiques se voient privées des décisions importantes…

Voici donc mesurée la belle dynamique ” e-business ” de nos entreprises ! Et en corollaire apparaît au grand jour ce que d’aucuns subodoraient : la confiscation par les directions générales du pouvoir décisionnel des directeurs des systèmes d’information (DSI), en matière de projets directement liés à internet. C’est ce que révèle l’enquête exclusive 01 Informatique-Multiligne (1) réalisée fin 2000.“Il semble tout à fait normal que la direction générale prenne les rênes des projets e-business puisque ceux-ci impactent tous les niveaux de l’entreprise et pas seulement l’informatique”, confirme Alain Foret, vice-président du Centre des jeunes dirigeants (CJD). De son côté, Jean-Pierre Corniou, président du Cigref (Club informatique des grandes entreprises françaises) remet les choses en perspective : “Tout cela n’est pas nouveau : depuis près de cinq ans, les progiciels de gestion intégrés, puis ceux de gestion de la chaîne logistique globale, et maintenant l’e-business ont conduit les directions générales à porter des coups de boutoir aux citadelles informatiques. ” Pourquoi ? Parce qu’à chaque nouvelle vague technologique, c’est toujours plus d’intégration, plus de directions concernées, plus de business touché. Jusqu’à aujourd’hui où l’on se rend compte que l’e-business n’est pas un site web isolé mais “touche à l’organisation de l’entreprise, impacte tous ses processus transversaux, concerne les hommes et la stratégie”.

Le e-business sous la coupe d’une Direction d’un type nouveau ?

Qui donc, dans l’entreprise, a le regard suffisamment neuf, opportuniste, technique et stratégique pour optimiser -en minimisant les risques-l’utilisation des applications e-business ? Si ce n’est la DSI, ni durablement la DG, ce pourrait-il être une nouvelle direction ? Oui. Il est indispensable de la créer. Cela apportera une dynamique, des idées et du sang neuf disent 30% des personnes interrogées lors de l’étude ! “C’est vrai que la constitution de ces entités e-business, avec les moyens financiers qu’on leur accorde et leurs capacités d’embauche, a de quoi rendre jalouses les DSI. Mais ce ne sont pas ces dernières qui sont particulièrement menacées mais… l’ensemble des directions”, poursuit le président du Cigref.Selon lui, il s’agit -plutôt que d’un contre-pouvoir- de construire “des enceintes de confinement” destinées à être le siège des fusions entre la technologie e-business et les processus de l’entreprise. “Il est vrai qu’à une époque pas si lointaine, les DSI se sont comportés avec arrogance, notamment vis-à-vis des utilisateurs. Mais il ne faut pas voir, dans la mise en place de ces entités e-business, un quelconque esprit ” revanchard ” de la part de la direction générale mais plutôt l’opportunité de redéfinir des relations équilibrées de partenariat entre directions”, précise Alain Foret. Et d’ajouter : “Nous avons rencontré plusieurs cas où la direction générale était allée jusqu’à réaliser, elle-même, certaines applications e-business. Là, le CJD est clair : c’était une grossière erreur !”

Le DSI assure la stabilité et la transformation de l’entreprise

Quel rôle donner à la DSI et à ses équipes en la matière ? Dans l’étude, les répondants la souhaitent force de proposition et codécideur, soutenue en moyens financiers et renforcée en consultants… tout en lui confiant la gestion quotidienne des applications e-business. Jean-Pierre Corniou le résume bien : “DSI, c’est un peu un métier de schizophrène. Il nous faut être l’un des acteurs de la transformation de l’entreprise tout en assurant la stabilité, la qualité, la robustesse voire la continuité des systèmes !”Toutefois, chacun s’accorde à dire combien l’e-business constitue une magnifique chance d’évoluer, de sortir de la rigidité conférée par les responsabilités techniques. “Le patron des systèmes d’information -pour qui l’informatique n’est qu’un outil- n’aura pas de mal à entrer dans le rôle de superconsultant qui l’attend ; il embrassera sans difficultés les nouvelles dimensions, notamment stratégiques et humaines, de ses fonctions”, précise Jean-Pierre Corniou. “Quant à celui pour qui l’informatique est une fin en soi… il sera rapidement mis sur la touche ! “, prédit le vice-président du CJD.Trop longtemps CTO (Chief Technical Officer) et pas encore DSI, le directeur informatique n’est pas, selon Jean-Pierre Corniou, le manager le plus innovant de l’entreprise, ni même -nativement- le plus capable de marier business et nouvelles technologies : “Il faut vouloir, pouvoir et savoir. Vouloir : aujourd’hui, beaucoup de mes collègues DSI disent que la net économie, ce n’est pas leur tasse de thé et je le déplore. Pouvoir : là, c’est plus délicat, puisqu’il s’agit d’aptitudes à comprendre les enjeux e-business pour l’entreprise. C’est aussi une question de reconnaissance de cette aptitude par les au-tres dirigeants. Savoir : c’est une question de compétences, et je constate souvent un manque d’investissement personnel chez les DI, dans la conduite des affaires et dans l’innovation technologique.”

La complexité des projets valorise l’expertise des DSI

Mais au-delà de la question clé que doit se poser chaque directeur des systèmes d’information par rapport aux applications e-business – quelle est ma part de valeur ajoutée dans ce projet-là ?- il est une autre vérité, pragmatique et technicienne. Après tout, les applications destinée au e-business peuvent être vues comme des couches de cohérence supplémentaires des applications de l’entreprise. Ici, tous les flux sont sous tension, quels que soient les processus concernés. D’où un besoin accru, drastique, de cohérence des bases de données, de gestion électronique des documents, de traçabilité, etc.” Il faut s’attendre à un rapide retour vers la DSI car on se rend compte que l’e-business c’est compliqué et très cher, prévient Jean-Pierre Corniou. Lorsque les lampions seront éteints, et c’est peut-être déjà le cas, les directions générales reviendront à un peu plus de réalisme. Elles prendront conscience de l’importance de l’impact du e-business sur l’organisation, les hommes et les process de leur entreprise. Il faudra donc de la rigueur, de l’intelligence et de la stabilité pour traiter de tout cela. ” Et si les DSI s’y sont bien préparés, c’est vers eux que se tourneront les directions générales… Comme dans un éternel recommencement.

Méthodologie :
L’enquête exclusive ” DSI, pouvoir et e-business ” a été réalisée pour 01 Informatique du 20 au 28 novembre 2000. La société Multilignes Conseil a conduit 271 entretiens téléphoniques auprès d’une part, de directeurs et responsables informatiques et d’autre part, de directeurs généraux, achats, commerciaux, marketing et communication.
Les entreprises, classées par taille en deux collèges de même poids (de 200 à 499 salariés ; 500 salariés et plus), appartiennent à parts égales à trois métasecteurs d’activité composites : ” Industries “, ” Services ” et ” Administrations/ collectivités”.

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Philippe Grange