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Dubuffet, le zappeur

Ne dites jamais que vous n’aimez pas Dubuffet ! Non que l’artiste soit si consacré qu’il soit de bon ton d’adorer. Mais parce que le plus…

Ne dites jamais que vous n’aimez pas Dubuffet ! Non que l’artiste soit si consacré qu’il soit de bon ton d’adorer. Mais parce que le plus prolixe des artistes du XXe siècle ?” on lui attribue quelque 10 000 ?”uvres ?” est aussi, sans doute, le plus hétéroclite de toute l’histoire de la peinture. Picasso fonctionna par “périodes”, Jean Dubuffet vécut, lui, de véritables “révolutions”. “Je suis pour les tables rases”, écrivait-il dans L’Homme du commun, paru en 1973. De fait, comme le montre la très belle exposition qui lui est consacrée au Centre Georges-Pompidou, l’artiste n’est jamais resté plus d’un an ou deux sur une série de tableaux (hormis sa période “Hourloupe”, qui dura de 1962 à 1974).Le copieux dossier de presse de l’exposition, téléchargeable sur www.centrepompidou.fr (cliquer dans le bandeau du bas sur “informations”, puis sur “presse”, enfin sur “communiqués de presse”) annonce au moins dix changements de cap dans l’?”uvre du peintre. On ne peut manquer de s’étonner qu’un même artiste soit l’auteur à la fois des toiles enfantines et colorées de Marionnettes, des portraits bruts et grotesques de Plus beaux qu’ils croient, des monochromes matiéristes de Texturologies ou encore des tracés cellulaires rouges, bleus et noirs de L’Hourloupe. Dubuffet exprimait une “dialectique de la figuration et de l’abstraction”, explique Daniel Abadie, commissaire de l’exposition, dans un reportage vidéo à regarder sur le site web www.divento.com (cliquer sur “musées et expositions”, puis sur la section “tous les extraits”, dans la rubrique “voir et écouter”).Si le Centre Georges-Pompidou n’expose sur son site qu’une seule toile, Le métro, la Fondation Dubuffet ( www.dubuffetfondation.com) propose heureusement un éclairant panel d’?”uvres, ainsi que l’une des meilleures biographies de Dubuffet, qui entra en peinture à 42 ans, après avoir fait commerce du vin. Zappeur, touche-à-tout, Dubuffet était-il pour autant un caméléon ? Surtout pas, ou bien contre son gré, explique Henri Meschonnic dans “La brute et le caméléon”, l’un des (bons) articles du dossier de presse. Le peintre rêvait de s’abstraire de tout mimétisme, de produire une ?”uvre qui continuellement reparte de zéro. Il plaidait pour l’art brut, cet art des “irréguliers” qu’il a contribué à sortir de l’ombre.À partir de 1945, Dubuffet amasse les ?”uvres de marginaux, de délirants et de spirites, dont il adule l’art pur parce qu’a-culturel, vierge de toute influence. Cet ensemble est aujourd’hui réuni au musée Collection de l’art brut de Lausanne. Un musée voulu par Dubuffet (dont on visionnera la galerie virtuelle sur www.artbrut.ch), mais où ne trône aucune de ses ?”uvres. Et pour cause ! Inscrit au cours du soir de l’École des Beaux-arts dès l’âge de 16 ans, vrai érudit, Dubuffet n’a jamais été et ne pourra jamais devenir ce “sauvage” de l’art qu’il aurait aimé être. “L’imprégnation résultant de la culture est profonde, le sang en est teint”, disait-il de lui-même. Il compensera cette “tare” par une créativité, une versatilité et un anticonformisme sans pareils. Presque un nihilisme, puisque, boutade ou désespoir, il baptisera ses dernières ?”uvres “non-lieux”.Jean-Dubuffet , Centre Pompidou, Paris, jusqu’au 31 décembre.

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Sophie Janvier-Godat