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Du mou dans le biniou

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler?” et parfois crier ?” plus librement…

Notre programme de développement et d’acquisitions en Europe étant légèrement retardé, le boss vient de nous expliquer que la Bretagne, c’est très bien aussi. En attendant Londres et Berlin, nous voilà à Guingamp. Notre holding vient d’y acquérir la majorité dans un groupe de nouvelles technologies orienté télécoms et SSII, dirigé par une gloire locale que Ouest France et Le Télégramme présentent sans état d’âme comme le Bill Gates armoricain.Cet adjectif prêtant à flatteuse confusion, notre cher boss, Roland, l’emploie à tout bout de champ d’artichauts, s’enflammant pour cette nouvelle acquisition qui, selon lui, renforce l’image de pieuvre bienveillante qu’il veut donner à notre groupe. Quelques mauvaises langues, notant que la mondialisation annoncée virait à la bretonnisation, ont suggéré qu’en fait de pieuvre, nous donnions plutôt dans le calamar, taille crevette.En tant que directeur de la communication, j’ai dû ramer sévèrement pour mater cette mutinerie, en envoyant à la presse financière quelques communiqués bien sentis sur ” l’Europe des régions “. Roland a trouvé cette maigre parade ” proprement géniale “. Il en obstrue le tympan de tous les investisseurs à qui il joue régulièrement de la flûte, mais qui, en entendant ” Guingamp “, ne veulent plus rien savoir, sifflant même le maestro à la flûte enchanteuse soudain changée en biniou.Du coup, j’ai dû organiser une conférence de presse dans les prestigieux salons de l’Automobile Club, place de la Concorde, sur le thème : Guingamp n’est pas loin de Lannion, Lannion est le fleuron des télécoms françaises, donc européennes… Un numéro de trapèze sans filet et ?” soit dit entre nous ?” sans trapèze… Mais Roland, me voyant au bord de la démission, m’a chaudement félicité. Notre directeur des activités stratégiques, qui déteste cordialement le beau parleur que je suis, s’est étouffé de rage lorsque Roland a rendu son verdict. C’est moi, et non lui, que le boss choisissait pour aller semer la bonne parole dans notre filiale bretonne tout en essayant de ne pas trop décoiffer le Bill Gates au chapeau rond.Un honneur dont je me serais bien passé : une semaine à Guingamp, j’ai beau aimer le foot presque autant que le golf, je ne suis pas maso… Sur place, la glorieuse équipe locale m’a reçu comme un prince : le comité de direction breton, au grand complet, m’a servi un brunch royal festnoz dans une salle de réunion astiquée à fond, décor kitsch et habits du dimanche. J’ai tout de suite repéré les chaussettes blanches à motifs de leur directeur financier, en me disant que là, on allait jouer en seconde division. Honte à moi, et à bas les réflexes de classe, je sais… Quant au Bill Boss guingampais, Armand, ancien prof d’éco à la fac de Mords-Moïc saisi par le démon des affaires, il avait tout du rat, intelligence et vivacité incluses. Détestant les Parisiens, souriant et prêt à mordre. Suite au prochain numéro, où je dirai volontiers du bien de tous les Bretons. Sauf dArmand, bien entendu…

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La rédaction