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Données personnelles : la Cnil gagne une bataille, Google se prépare à la guerre

Google a été condamné par la Cnil, mais va-t-il pour autant modifier sa politique de collecte et d’utilisation des données ? L’Américain va jouer de toute sa puissance pour se défendre.

La condamnation de Google par la Cnil a eu son effet. Pendant 48 heures, l’entreprise américaine a publié sur son site un message indiquant un « manquement à la loi informatique et liberté » sans plus de précision. Pour en savoir plus, il fallait se rendre sur le site de la Commission Informatique et Libertés qui, on s’en serait douté, a eu du mal à supporter la charge des curieux qui désiraient plus d’explications.

Pour faire simple, l’histoire démarre en 2012 lorsque Google décide d’uniformiser les politiques de confidentialité de ses services en une seule. Les 29 Cnil européennes qui estiment que les règles de confidentialité ne sont pas conformes avec le droit européen font alors des recommandations à l’Américain pour qu’il soit en conformité.

En France, la Cnil demande de rectifier quatre points : une information plus claire sur les conditions et la finalité des traitements de données, le consentement des utilisateurs, des précisions sur la durée de conservation des informations et l’arrêt du croisement des données collectées.

La Cnil a réellement sonné Google

Cependant, au lendemain de cette condamnation, Google va-t-il changer ses règles ? Personne n’y croit vraiment. En tous les cas, pas de sitôt. D’ailleurs, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer la stratégie sur les données personnelles. L’un d’eux, Daniel Ichbiah, est un expert des nouvelles technologies qu’il scrute depuis des années. Sur le sujet, il vient de publier « Les nouvelles superpuissances : Google, Facebook, Apple, Twitter… »

Pour ce spécialiste, les grandes entreprises du web ne sont même plus des entreprises au vu de leur taille et de leur influence sur la planète. « Elles considèrent n’avoir aucun compte à rendre » aux pays dans lesquels elles s’installent, même si les conséquences « sont néfastes pour les individus et pour longtemps. »

Il admet toutefois que la condamnation de la Cnil « a réellement sonné Google ». Pour preuve, « ils ont réagi le jour même de la publication de la condamnation en tentant une diversion avec le Doodle sur la défense des droits de l’homme à l’occasion des JO de Sootchi », avance Daniel Ichbiah.

La Silicon Valley veut protéger son “or noir”

L’affaire entre Google et la Cnil n’est qu’une étape de plus dans cette bataille entre les grandes entreprises de la Silicon Valley et l’Europe. En octobre dernier, le parlement européen a adopté un règlement sur la protection des données qui doit renforcer le contrôle des citoyens sur leurs données personnelles.

Ce texte fait déjà frémir les géants américains. Il expliquerait les motivations de Yahoo à se réfugier en Irlande. Il veut imposer aux entreprises de fournir des données personnelles si un pays le demande, de donner aux internautes le droit à l’oubli avec la disparition définitive d’informations qui les concernent, d’obtenir explicitement le consentement des utilisateurs sur le traitement de leurs données et de fixer des limites au profilage des individus. Pas moins !

Si ces règles ne sont pas respectées, le Parlement européen pourra appliquer des amendes allant jusqu’à 100 millions d’euros ou 5% de leur chiffre d’affaires annuel mondial, en fonction du montant le plus élevé. Nous sommes très loin des 150 000 euros d’amende et de sa publication.

Pour montrer sa détermination, Bruxelles veut que ces mesures soient adoptées par un vote avec les élections européennes qui auront lieu en mai 2014. Mais, pour nombre d’observateurs du dossier, il ne faut pas espérer de voir passer ces mesures si vite. « Il faudra certainement attendre une année ou deux » afin de respecter le calendrier européen, estime Camille Vaziaga, déléguée générale du Think-Tank Renaissance Numérique.

À l’heure où le président Hollande est aux États-Unis pour évoquer, entre autres, les problèmes de fiscalité, le dossier des données personnelles, qualifié « d’or noir de la Silicon Valley », n’est pas prêt d’être bouclé.

« Ces grandes entreprises vont devoir se plier aux lois européennes, elles n’auront pas le choix, mais ce n’est pas fait », signale Daniel Ichbiah. « Elles sont devenues plus puissantes que des états et comptent utiliser toute leur puissance pour protéger leur modèle économique pour continuer à vendre aux annonceurs une mine d’or de données personnelles. »

Le lobbying ne fait que commencer !

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Isabelle Falque-Pierrotin (Cnil) : «Google doit respecter nos lois» (16/01/2014)

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Pascal Samama